Pour une maison des climats, de l’atmosphère et du ciel

Publié par Jean-Pierre Charre, le 2 avril 2014   3.3k

Jean-Pierre Charre nous explique l’intérêt de la création d’une maison des climats à Grenoble, qui combinerait l’analyse sur le long terme et les sensations corporelles instantanées.

En 2013, le nord Isère a connu 58 épisodes de pollution (un jour sur six), le bassin grenoblois 46 (un jour sur huit). Lors de l’épisode de pollution du 3 au 18 décembre, « les jours les plus touchés, plus des deux tiers des habitants de la région Rhône-Alpes ont subi une qualité de l’air mauvaise à très mauvaise » selon Air Rhône-Alpes. L’année s’est ainsi terminée par seize jours de pollution consécutifs.

Le climat est une notion abstraite. C’est l’ensemble des caractéristiques de l'atmosphère d'un lieu sur la longue durée. Son étude, la climatologie, est la synthèse des temps qu’il a fait au niveau du sol durant une période donnée. Elle se distingue de la météorologie, l’étude à court terme de la troposphère, la partie de l’atmosphère la plus proche du sol (jusqu’à 8 à 15 kilomètres), et la plus perturbée (d’où son nom), avec une approche dynamique (analyse des mouvements), et dans un objectif généralement prévisionnel. Mais les deux notions sont liées car la définition du climat se fonde sur l’addition des observations météorologiques. Les êtres vivants perçoivent les qualités instantanées de l’atmosphère, le scientifique les empile pour définir le climat à l'aide de moyennes.

L’atmosphère, le climat et la météorologie pourraient donner lieu à la création d’un équipement culturel innovant à Grenoble et sans cesse renouvelé. La conception d’une maison des climats est ainsi plus difficile que le traitement d’un objet matériel et unique, comme l'eau (Musée de l'eau à Pont-en-Royans), la terre (Maison de la Céramique à Saint-Uze), les minéraux (Musée des Minéraux et de la Faune des Alpes au Bourg d'Oisans), mais aussi plus ouverte car elle combine l’analyse sur le long terme et les sensations corporelles instantanées, qui peuvent se traduire par l’indication de la température mesurée, que retient la climatologie, et de la température perçue, qui touche l’individu. La multiplicité des caractères de l’atmosphère et de leurs effets sur l'homme et ses activités, ouvre une variété quasi infinie de sujets à traiter et de manifestations à monter (expositions, colloques, fêtes, ...).

En effet, l’atmosphère, le climat, la météorologie, sont omniprésents. Les multiples caractéristiques de l’atmosphère (températures, précipitations, vitesses et directions du vent, nébulosité, insolation, humidité, pression atmosphérique, niveau de pollution) sont pour la plupart directement perceptibles. Ce sont d’ailleurs des sujets de conversation courants et un vecteur de convivialité. Ces sujets sont également déterminants. Ils conditionnent toutes les formes de vie terrestre, de multiples secteurs d'activité économique et de multiples aspects de la vie quotidienne. Le climat se matérialise par la végétation du lieu ; la météorologie par les contraintes ou possibilités qu’elle offre ou impose, et quotidiennement par les variations de notre habillement (que vais-je mettre aujourd’hui ?).

L’atmosphère, le climat, la météo sont aussi saisissants. Le climat se définit en moyennes et en écarts : si les moyennes sont des abstractions, les écarts, comme les amplitudes diurnes et saisonnières, la variabilité interannuelle, sont directement perçus par les sociétés humaines, et les excès, comme les grands froids, les grandes chaleurs, sont des événements socio-économiques et des éléments de la mémoire collective. Enfin, ils sont aussi une préoccupation qui monte. Les sociétés humaines ont toujours été sensibles au climat. Les sociétés agricoles le sont par définition, puisque leur lieu de production a pour toit le ciel, les sociétés urbaines le deviennent, avec la pollution, et la société en général est alarmée par un réchauffement sensible à l'échelle du demi-siècle et aux manifestations et perspectives inquiétantes.

Ainsi, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le réchauffement climatique a été de +1,1 à + 1,5°C. Dans le quart sud-est, cela équivaut à un déplacement en latitude de quelque 200 kilomètres (D. Dumas). Les projections des modèles climatiques présentées dans le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), indiquent que la température de surface du globe est susceptible d'augmenter de 1,1 à 6,4 °C supplémentaires au cours du XXIe siècle.

Selon le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), le changement climatique pourrait causer la mort de 100 millions de personnes, principalement celles dont les ressources en protéines viennent des océans (fruits de mer, poissons), et coûter l'équivalent de 3,2 % du PIB mondial d'ici 2030 (Zegreeenweb).

>> Illustrations : mifl68, Lady_Elixir, NASA Goddard Photo and Video (Flickr, licence cc)