Critique de l'article « Bonbons acidulés à bannir de la récré » paru dans le numéro de septembre de Sciences & Avenir

Publié par Pierre Aldebert, le 4 octobre 2016   5.6k

Je suis un chercheur retraité du CNRS. J'y ai terminé ma carrière en tant que médiateur et vulgarisateur du Département des Sciences Chimiques. Comme je cible le grand public, scolaire ou non, je présente, entre autres, des thématiques relatives à des préparations alimentaires industrielles qui doivent être étiquetées afin de fournir au consommateur un certain nombre d’informations importantes tant qualitatives que quantitatives. Ces dernières sont toutefois rédigées d’une façon telle qu’une majorité de consommateurs ne sait pas les décrypter, et même, comme nous allons le voir, certains journalistes scientifiques.

C’est donc alléché par la belle et trompeuse photo de l’en tête et en tant que connaisseur averti des us et coutumes de la récré que j’ai lu avec un intérêt tout particulier l'article « Bonbons acidulés à bannir de la récré » de Madame Brigitte Bègue paru dans le numéro de septembre de Sciences & Avenir. J’ai été très déçu voire révolté par la présence d’un tel article à charge, bourré de chiffres faux, d’informations incomplètes et manipulées, de contradictions et de mauvaises analyses dans ce magazine de vulgarisation. Je me suis donc senti dans l’obligation d'en faire une analyse critique point par point. Pour rétablir autant que faire se peut la vérité, apporter des précisions et autres informations manquantes, j’ai été contraint d’écrire le long texte qui suit.

L'article décortiqué ci-dessous est lisible sur le site de Science & Avenir : http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20160901.OBS7...

Crédit photo : Bernard Martinez / Science & Avenir

Analyse critique du titre et du début de l’article

Au tout début de l’article, je suis d’accord avec la journaliste quand elle affirme que depuis quelques années la teneur en acide(s) des bonbons, qu'ils soient gélifiés ou non, a considérablement augmenté. Rançon de la gloire, on peut noter dans tous les linéaires de vente une augmentation de la surface qui leur est attribué. Du coup celle dédiée aux bonbons traditionnels moins acides, solides ou mous, fait peau de chagrin.

Je reviens à présent sur la belle et appétissante photo placée en entête de la première page qui n’attire l’attention que sur les bonbons gélifiés. Le titre accrocheur avec un « bannir » au moins aussi fort que totale exclusion ou éradication, ne mentionne que le mot bonbon sans plus de précisions. On trouve ensuite en sous-titre la longue phrase complètement à charge qui va bien au-delà du titre lui-même en mélangeant teneur trop élevée en sucres, acides et autres additifs qui pourraient induire des maux tels que, je cite, « asthme, allergies et trouble intestinaux ».

D’ailleurs pourquoi s’arrêter là et ne pas rajouter les autres risques qui émaillent cet article, je n’invente pas « caries, surpoids, troubles de la concentration, fatigue, troubles buccaux, brûlures de la langue, urticaire, rhinites mais aussi cancers ». Une telle liste ressemble à s’y méprendre à celles des effets indésirables qui figure dans la notice de tout médicament qui se respecte à moins qu’ils ne soient… homéopathiques. Pourtant avec « bonbons acidulés » dans le titre on aurait pu s’attendre à une comparaison sans parti pris entre bonbons acidulés solides et gélifiés.

2016_entrefiletsvJe vais commencer par décortiquer l’entrefilet de la première page (repris ci-contre). De l’ensemble de l’article, il est le meilleur exemple de chiffres spectaculaires non fiables qui sont manipulés et conduisent donc à de la désinformation. L’énorme 7,1 kg suivi du mot bonbon sont tous les deux en gras et en bleu sont destinés à monopoliser l’attention et ça marche. On apprend ensuite qu’il s’agit de l’inquiétante consommation française en une seconde. Comme indiqué en bas de l’entrefilet, ce chiffre surprenant provient du site de Planetoscope, un organisme qui donne en temps réel des montagnes de statistiques sur tout et n’importe quoi. Sous leur titre intitulé « consommation de bonbons en France », leur chiffre n’est que de 6,8 kg par seconde, une valeur obtenue en divisant la consommation 2013, soit 214 500 000 kilos de bonbons/an, par les 31 536 000 secondes qui ponctuent une année. A noter que le Syndicat national de la confiserie sous-entendu française, soit le SNCF, donne lui 222 200 tonnes/an en 2013 et 224 000 pour 2012, le chiffre repris par la journaliste.

Ces chiffres concernent les ventes annuelles, et peut être aussi la consommation, et la division par le nombre de secondes dans un an donne bien les 7,1kg/s mis en valeur dans l’entrefilet. Il n’indique toutefois pas que ce chiffre correspond en fait à 2012. Pour trouver un chiffre encore plus important qui apporterait encore plus d’eau à son moulin, la journaliste aurait dû prendre la consommation de 2011 soit 235 900 tonnes/an qui aurait conduit au chiffre plus impressionnant encore de 7,5 kg/s.

Pour en venir au nombre de kilos annuels « ingurgités » par individu, le chiffre qu’elle donne est de 3,6 kg. Il correspond, selon Planetoscope, à l’année 2003 et non aux 3,3 kg qu’il attribue à 2013 en s’emmêlant au passage les pinceaux entre le chiffre en kg/an par français avec celui en kg/s mais toujours en France. Cela conduit Planetoscope à dédiaboliser la consommation des français avec une valeur de 3,3 kg par personne. C’est largement inférieur aux 6,2 kg danois et ceux d’autres pays européens qui exprimés en kg/s sont donc à comparer aux 7,1 kg /s repris par la journaliste. Elle place habilement en tête ce chiffre en caractères énormes pour faire discrètement passer un plus important 3,6 kg relatif à une personne et non par seconde.

Il faut remarquer qu’aucun site n’indique le nombre de français consommateurs de bonbons, gélifiés ou non. On n’y trouve bien sûr pas le chiffre d’environ 67 millions de français donné par l’INSEE et qui dans cette hypothèse seraient tous consommateurs de bonbons. Faute de mieux, je m’en suis cependant servi comme diviseur des productions annuelles que j’ai citées plus haut. La surprise est que 214 500 tonnes /an, soit la production annuelle 2013 (Planetoscope), divisée par 67 millions donne 3,2 kg par individu, valeur on ne peut plus proche des 3,3 kg postulés plus haut. Avec les 224 000 tonnes/an pris pour 2012 par la journaliste on obtient encore 3,3 kg. Elle préfère son 3,6 kg par individu qui plus élevé conforte sa thèse à charge à l’encontre des bonbons en général mais qui vise en particulier les bonbons gélifiés de Haribo.

Ce dernier se voit aussi gratifié du dernier chiffre ahurissant de l’encart, soit 38,4 millions de bonbons gélifiés de toutes sortes consommés journellement en France. Elle aurait pu prendre son plus inquiétant équivalent par an, soit plus de 14 milliards/an mais elle rejette quand même le plus apaisant 444 bonbons par seconde. Tous ces chiffres sont encore donnés bien évidemment par Planetoscope. Si l’on compte à présent en bonbons journaliers on arrive à un peu plus d’un demi-bonbon par personne.

Pour finir avec quelques chiffres absurdes issus du 7,1 kg/s en France adopté par la journaliste, on peut traduire le chiffre en milligrammes soit 7 100 000 milligrammes. Il ne reste plus qu’à diviser par 67 000 000 de français et l’on obtient le chiffre surréaliste mais super rassurant de 0,1 mg/sec par individu, soit 6.35mg/minute ou encore 0,381g/heure toujours par individu ou encore le très acceptable 9,1g/ 24h et par français.

Je pourrais poursuivre cette liste avec bien d’autres chiffres tout aussi abracadabrants les uns que les autres comme 3000 fraises Tagada consommées par minute en France (origine directmatin.fr), ou encore les oursons d’or produits annuellement par Haribo par an qui mis bout à bout mesurent soit 160 306 km (origine savoir-inutile.com) soit 120 225 km (origine Planetoscope !)… qui auraient dû être cités par la journaliste afin de montrer que l’on consomme trop de bonbons surtout de gélifiés.

Bien évidemment, un seul chiffre bien choisi qui deviendrait récurrent dans l’article aurait été plus fort et m’aurait évité cette longue digression. A noter que l’on est dans la même logique que les prix qui se terminent par un 99 voire 999. C’est aussi la même logique de manipulation d’un chiffre-clé, une technique couramment utilisée par les politiques.

Afin d’aider la lecture et apporter plus de clarté, j’ai décidé de structurer cet article en reprenant l’ordre et l’intitulé des paragraphes affichés par la journaliste.

Titre de son 1er paragraphe : « Des petites bombes de sucre »

2016_bonbonsLa journaliste commence fort avec 9 grammes de glucides dans certaines langues acides, un type récent de bonbons gélifiés. La vérification est simple : 105 bonbons pèsent 1,050 kg (données Haribo) soit 10 grammes unitaire. Cela voudrait dire qu’il ne reste qu’un seul gramme pour les autres ingrédients, soit 10%. Encore plus absurde serait la confusion entre 9 grammes de glucides et 9% de glucides. Cette teneur ridiculement basse attribuerait plus de 90% pour le reste dont eau et surtout protéines : une véritable ration de bodybuilder !

Je pense que la journaliste ne sait pas, comme nombre de consommateurs, ce que recouvrent les appellations glucides et sucres mentionnées par le fabricant. La teneur indiquée pour les glucides, plutôt autrefois appelés hydrates de carbone, comptabilise tous les sucres qu’ils soient complexes ou simples. Ces derniers dont les noms se terminent en -ose comme glucose, saccharose, fructose etc., sont les seuls responsables du goût sucré, de la majorité des calories… et des caries. La différence pondérale entre glucides et sucres simples, également dénommés sucres rapides, correspond aux bons sucres complexes dits lents. Il s’agit en fait de longs enchaînements constitués de sucres simples ce que justifie leur nom plus savant de polysaccharides. La digestion lente de ces fibres les transforme en glycogène, le carburant de l’effort physique de longue durée. A noter que ces glucides sont quasiment toujours d’origine naturelle. Ainsi, l’amidon, un sucre lent partie intégrante des bonbons gélifiés, est aussi le bon constituant abondant voire majoritaire des fameuses pâtes que l’on mange la veille d’une compétition sportive.

La formulation habituelle obligatoire inscrite sur le contenant d'un produit alimentaire quelconque se répartit pour l’essentiel en trois grandes familles : protéines, glucides et matières grasses. Les glucides sont pratiquement toujours accompagnés de la ligne supplémentaire « dont x grammes de sucre » qui veut dire, comme nous venons de le voir, les mauvais sucres simples dits rapides. Bien que ne comprenant pas les raisons de cette bizarrerie d’étiquetage, j’ai calculé ces teneurs sur la base d’une cinquantaine d’emballages de bonbons gélifiés. Quel que soit leur type et leur marque, les teneurs en glucides et en sucres sont toujours du même ordre de grandeur. En moyenne, j’ai obtenu des chiffres respectivement autour des 80% et des 50%. Même si l’on admet que la teneur en glucides des langues du début est de 90%, la teneur réelle en sucres simples doit être au maximum de 60%. J’ai découvert le tableau qui suit sur le site Open Food Facts après avoir écrit ce qui précède et je n’ai rien changé à mes chiffres sur les glucides avec lesquels ça colle, si j’ose dire, plutôt bien. A noter que Open Food Facts est un projet citoyen à but non lucratif alimenté par des milliers de volontaires à travers le monde dont la devise est « yes we scan ». C’est ainsi qu’il donne des chiffres significatifs et vérifiables sans aucune comparaison avec ceux de Planetoscope.

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Tableau 1 : Composition nutritionnelle moyenne pour les 180 produits de la catégorie Bonbons gélifiés dont les informations nutritionnelles sont connues (sur un total de 221 produits). Source : Open Food Facts

Revenons aux 9 grammes de la langue de départ qui seraient équivalents à deux morceaux de sucre ordinaire qui comme chacun le sait pèsent 2x4,5 grammes. Cette valeur même ramenée aux 10 g du fabricant est de toutes les façons impossible ne serait-ce que par l’irréaliste attribution de 10% aux sucres lents sans prendre en compte les autres ingrédients.

A propos de sucres lents, penchons-nous sur les classiques bonbons acidulés solides comme les célèbres Chupa Chups citées en tout début d’article et si chères à Kojak le célèbre flic des années 70 à 90. Le glucose cristallisé est le sucre très largement majoritaire avec des teneurs supérieures à 90%... à comparer aux 60% des gélifiés, acides ou non ! C’est de la même façon après avoir rédigé les phrases qui précèdent que j’ai découvert sur le même site de Open Food facts le tableau qui suit et je n’ai bien évidemment rien changé à mes chiffres d’autant plus que les Chupa Chups sont prises en compte dans ces nouvelles statistiques.

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Tableau 2 : Composition nutritionnelle moyenne pour les 13 produits de la catégorie Sucettes dont les informations nutritionnelles sont connues (sur un total de 19 produits). Source : Open Food Facts.

2016_chupaFaisons à présent le petit calcul comparatif Chupa Chups / gélifié sachant que leurs poids respectifs tournent autour de la dizaine de grammes. La journaliste annonce qu’avec 3 gélifiés on dépasse le seuil journalier en sucres rapides recommandé par l’OMS soit 25g mais de nombreuses sources sérieuses annoncent le double 50g. Avec 60% pour les gélifiés on arrive à 25/6 soit un peu plus de 4 gélifiés par jour (et 8 pour 50) tandis qu’avec 90% on arrive à moins de 3 Chupas par jour (6 pour 50). La journaliste aurait donc pu être plus critique à l’égard des sucettes et autres bonbons acidulés plus sucrés que les gélifiés comme l’indique la comparaison des 2 tableaux précédents.

Pour en terminer avec le sucre sucré, on trouve, essentiellement sur le net, quelques gélifiés avec des édulcorants non cariogènes apportant deux fois moins de calories que le sucre et avec un indice glycémique peu élevé qui convient donc aux diabétiques. Ces faux sucres sont en fait des sucres alcools comme l’indique le -ol final. Six sont autorisés au nombre desquels on trouve le mannitol E421), le sorbitol (E420), ou le xylitol (E967). Ce dernier a même des propriétés anti carieuse et que l’on retrouve pour cette raison dans certains chewing-gum ou bains de bouche. Il y a aussi quelques gélifiés avec des édulcorants intenses comme l'aspartam (synthèse toujours controversée de 2 acides aminés) mais aujourd'hui de plus en plus de stevia (naturelle mais dont la préparation nécessite des traitements chimiques !) et/ou de sucralose qui malgré son nom est bien synthétisé par l'homme. Des centaines de fois plus sucrants que le saccharose ou le glucose ordinaire, ces édulcorants sont introduits en très faible quantité et sont donc en pratique non calorique. Ainsi 0,50 g d’aspartam contient 1 kcal et remplace pour un goût sucré l’équivalent de 10 g de sucre soit 40 kcal. Avec de tels édulcorants finies les caries et le surpoids tout en conservant le plaisir en bouche du bonbon gélifié avec sa gélatine traditionnelle et non des ersatz végétaux aux algues ou autres gommes terrestres. A noter que les bonbons bios non édulcorés sont tout autant cariogènes et facteurs de surpoids que les non bios.

Juste un petit post-scriptum en forme de clin d’œil personnel. On peut limiter de tels effets avec ma préparation de mousse de bonbons gélifiés. Elle résulte de la neutralisation presque totale des acides amenés par exemple d’un gélifié qui « arrache la tête » avec une solution de bicarbonate ce qui produit du gaz carbonique. Sur mon site (voir par exemple la conférence « Venez kiffer à donf la cuisine qui déchire grave du grand cuisinier Robert Lochon dit Reblochon »), je donne des détails sur cette opération simple mais délicate pour éviter de déboucher sur une mousse immangeable car trop bicarbonatée mais pourtant bonne pour neutraliser les aigreurs d’estomac. Le volume de cette mousse est au moins 3 ou 4 fois plus important que celui des gélifiés de départ. J’explique l'effet volume de la mousse qui conduit à une moindre consommation d’équivalents bonbons d'autant plus que le goût sucré est exacerbé par rapport à celui du bonbon gélifié de départ. J’explicite aussi ce nouvel effet mousse qui sature les papilles gustatives dédiées au goût sucré.

Avec de telles préparations ludiques, je ne suis pas d'accord avec la coauteure du « Bon choix de enfants » qui dans son grand encadré du bas de la page 67 réserve la consommation de tels bonbons uniquement à des moments de fête « comme les anniversaires entre copains ». Elle ne devrait également pas affirmer que tous les bonbons sans autre précision n’ont aucun intérêt nutritionnel car les bonbons gélifiés renferment des bonnes protéines et de bons sucres lents, il faut bien le reconnaître.

Titre de son 2-3e paragraphe : « Des concentrés d’additifs chimiques… dont certains douteux »

2016_additifsJe remarque que le titre ci-dessus contient le terme « additifs chimiques ». On peut continuer avec l'encadré du haut de la page 67, dont le titre « additifs » est suivi de « composés naturels ou chimiques... . Il faut savoir que les composés naturels sont des produits chimiques synthétisés par la nature tandis que le mot chimique seul équivaut à produit synthétisé par l'homme. Utilisé par les opposants à la chimie, le terme chimique porte une connotation négative qui sous-entend que le naturel est bon pour l'homme tandis que le chimique synthétisé par l'homme est nécessairement mauvais voire toxique et qui sait à l’origine d’une issue fatale. La ricine, la strychnine, le cyanure sont des produits naturels mais mortels même à faibles doses. Nombre de produits majoritairement synthétisés par l'homme, comme la vitamine C ou l’aspirine ne sont jamais remis en cause pour cette raison. De toutes les façons, absorbés en grandes quantités, tous les produits naturels ou pas sont toxiques voire mortels.

Pour en revenir aux additifs chimiques douteux et responsables de l'acidité des bonbons qui « t'arrachent la tête », ils sont dans la majorité des cas désignés par des symboles E comme E330, l’acide citrique extrait du citron, E296 : acide malique issu des pommes, et E334 : acide tartrique extrait des dépôts dans le vin. Pour nombre de consommateurs, ces E quelque chose sont associés aux terribles produits synthétisés par l'homme alors que ces trois additifs, et bien d'autres, sont d'origine naturelle. Douteux car chimiques, il est logique que la journaliste les accuse de maux injustifiés à l’exception des brûlures de langue que j’ai testées. Il faut toutefois manger « goulûment » plus d’une moitié de paquet pour arriver à un tel résultat.

En revanche, l’attaque dentaire par les acides me semble chimiquement fondée, mais elle est tout aussi importante avec des bonbons tels que les sucettes très acides comme certaines Chupa Chups. La salive peut être acide ou basique selon les individus et les aliments ingérés. Il est vrai qu’un milieu buccal acide est un facteur d’attaque chimique des dents et favorise la carie. Il y a toutefois des parades prouvées telles que le lavage des dents avec du bicarbonate de soude qui outre son action blanchissante, neutralise, du moins partiellement, le supplément d’acidité apporté par des bonbons très acides qu’ils soient gélifiés ou non. Mieux, il y a les bains de bouche après avoir mangé des aliments acides. Mais il y a encore plus efficace avec les chewing-gums édulcorés qui éliminent tous types de dépôts sur les dents et qui sont de plus agréables à utiliser même juste après avoir mangé des bonbons sucrés et acides. Cependant, très acides ou non, il est exact que les bonbons sucrés non édulcorés et consommés en grandes quantités sont cariogènes et générateur de surpoids.

Si j’avais été l’auteur de cet article, je me serais quand même permis un petit clin d’œil avec la remarque suivante. On retrouve au fond de nombreux emballages, boites ou sachets, contenant des bonbons gélifiés très acides, une quantité non négligeable de poudre d’acides qui ont probablement mal adhéré à la surface du bonbon. On peut supposer que ce sera toujours ça de moins de pris… pardon « d’ingurgité » pour reprendre le terme utilisé dans l’entrefilet de la page 66 ou encore l’expression « goulûment ingurgité » de la page 67 au début de la dernière colonne. Pour moi, ces termes sont généralement utilisés à propos du gavage des oies et des canards !

Pour continuer avec les additifs, il faut bien être conscient que certains bien que naturels et inoffensifs, se voient malgré tout affublés de l’inquiétant E dont j’ai déjà parlé. Il en va ainsi du E100 (le curcuma, un colorant jaune), du E901 (la cire d’abeille blanche et jaune) et du E903 (la cire de carnauba). Ces deux derniers sont juste des agents d’enrobage des bonbons gélifiés.

Mais n’oublions pas l’incontournable gélatine des bonbons gélifiés. Si elle est considérée comme additif, elle porte les numéros E428 ou E441 tandis qu’en tant qu’ingrédient, il n’y pas obligation de mettre un E. Le terme gélatine alimentaire suffit sans nécessité de mentionner son origine. J’y reviendrai à l’occasion du 4e et dernier paragraphe. Pour en finir avec les additifs, je ne peux m’empêcher de réagir à l’encadré du haut de page qui porte ce titre. Les informations qu’ils renferment n’ont simplement aucun intérêt bien au contraire. J’en veux pour exemple le chiffre de 24 catégories d’additifs reconnus par l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA) qui nécessiterait d’être explicité. Toutefois tout cela risque d’être difficilement compréhensible par des non spécialistes. Il aurait été préférable de lister la classification grand public réduite à neufs catégories que l’on trouve sur de nombreux sites indépendants et qui résulte de judicieux regroupements effectués à partir des 24 familles. Il aurait alors été intéressant de citer les codes E qui correspondent à des additifs autorisés par l’Europe mais qui peuvent être interdits indépendamment dans chaque état européen par les agences nationales de sécurité sanitaire comme l’ANSES en France.

Titre de son 4e paragraphe : « Un mariage délétère entre sel et mauvais gras »

2016_vign-selUne partie du paragraphe est consacrée à la teneur en sel des bonbons gélifiés et à son effet néfaste sur la santé. Le chiffre annoncé de 2,4 grammes pour un paquet de 115 g, soit 2,1 pour 100 g de bonbons gélifiés a été puisé je ne sais où, enfin probablement pas du 1er tableau consacré aux gélifiés qui affiche une valeur moyenne de 0,149 g pour 100g obtenue sur 180 sortes de bonbon gélifiés. Avant de connaître ce chiffre mes observations personnelles, toujours sur ma même cinquantaine de paquets, m’avait donné des teneurs en sel ramenées à 100 g variant de 0,01 g à 0,50 g avec 2 ou 3 valeurs supérieures mais rien à voir avec les 2,1g allégués pour 100g. Il faudrait manger plus d’une dizaine de paquets de 300 g de bonbons gélifiés dans une même journée, ce que je ne préconise bien sûr pas, pour atteindre les 5 g journaliers maximum recommandés par l'OMS. Dans ce contexte la valeur maximale de 6,5 g pour les femmes et les enfants est absurde et ne correspond qu’à un seule des deux valeurs fournies par l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) où la journaliste a pris ce chiffre en oubliant celui pourtant plus logique car plus élevé de 8/g par homme adulte. Dans ces conditions, je pense que la journaliste aurait pu facilement se dispenser de ces quelques lignes consacrées au sel.

Rebelote avec le gras qui est (mal) traité en une seule phrase sibylline pour les non-initiés. La rubrique matières grasses existe pour la grande majorité des bonbons gélifiés. De la même façon que précédemment, j’ai compilé des teneurs comprises entre 0,1% et 0,5% voire nulles et qui collent encore avec le 1er tableau qui indique une valeur moyenne de 0,485% dont 0,246 g% d’acides gras saturés. Pour une raison que là encore je comprends mal, la plupart du temps, on trouve une ligne supplémentaire qui indique « dont acides gras saturés » avec bien évidemment des valeurs encore plus faibles, typiquement entre 0 et 0,3 g pour cent. De tels chiffres sont tellement insignifiants qu’ils ne mériteraient même pas que l’on s’y arrête, cependant la journaliste expédie le gras après un terrible humoristique et à charge « cerise sur le gâteau » en une seule phrase surréaliste. La journaliste attribue aux bonbons, sans préciser lesquels, la présence d’« huile totalement hydrogénée » qu’elle assimile à « des acides gras trans reconnus cancérogènes et dont les apports doivent être limités ». Pour atteindre les valeurs limites journalières en matières grasses qui se chiffrent en dizaines de grammes, on reste toujours dans la dizaine de paquets de 300 g de gélifiés qu’il faudrait ingurgiter quotidiennement. En outre, une grande majorité de consommateurs ignore les subtilités chimiques lorsque sont détaillés les différents « gras » possibles. Les huiles totalement hydrogénées que l’on dit également être totalement saturées ne peuvent être des acides gras trans qui par définition sont mono-insatués. Cette conformation trans est l’une des deux possibles, cis ou trans et en effet cette dernière est, sinon cancérigène, du moins susceptible de générer du mauvais cholestérol entrainant des ennuis cardio-vasculaires toutefois différents de ceux induits par le sel. Notons que les teneurs en acides gras des sucettes sont légèrement plus élevées (tableau 2) que celles des gélifiés mais pas de quoi leur faire un autre procès après celui des sucres. Remarque, on ne sait jamais: les acides gras n’ont rien à voir avec les acides dénoncés dans cet article.

Pour en finir avec les matières grasses des bonbons gélifiés, il me semble qu’il s’agit principalement des inoffensives cires d’enrobage naturelles auxquelles j’ai précédemment fait allusion comme la cire de Carnauba (E903) et la cire d’abeille blanche et jaune (E901). Leur présence empêche les bonbons de se coller les uns aux autres comme les y invitent le collagène qui comme son nom l’indique génère des colles. A ce propos quand je fabrique ma mousse, les cires disparaissent au chauffage et c’est ainsi qu’en refroidissant j’obtiens une pâte qui peut aisément remplacer la pâte à fix pour coller un poster et qui « cerise sur le gâteau » est mangeable ! Sur mon site, je raconte une histoire réelle qui m’est arrivée à ce propos.

Pour conclure ce paragraphe, les très faibles quantités de sel, ainsi que de gras présentes dans les bonbons en général et surtout dans les gélifiés, ne peuvent justifier le titre « Un mariage délétère entre sel et mauvais gras ». Faute de futurs époux, le mariage ne peut tout simplement pas avoir lieu.

Titre de son 5e paragraphe : « De la gélatine de porc au menu »

Pour terminer ce texte, une fois n’est pas coutume, je n’ai pratiquement pas de remarques à faire sur ce dernier paragraphe si ce n’est que la crise de la vache folle date en fait des années 80 et que l'interdiction de l'utilisation de la gélatine de porc dans divers produits date elle de 1996 et non de 1999. Je ne donnerai ici que quelques précisions supplémentaires destinée à informer, le lecteur consommateur.

2016_vign-nounoursCette gélatine qui est le constituant incontournable du bonbon gélifié est en fait du collagène qui confère au bonbon gélifié ses propriétés de grande résistance aux sollicitations mécaniques d’étirement qui peuvent le déformer tout en restant moelleux. Sans rentrer dans les détails, il est le composant principal des muscles et de leurs attaches sur les os mais aussi de la peau. Il est en fait composé de plusieurs protéines qui sont les plus abondantes dans le règne animal.

Qu’il agisse de porc ou de bovins la préparation décrite est sensiblement la même et les collagènes ainsi préparés sont chimiquement presque identiques. Ils ont en fait les mêmes propriétés nécessaires pour produire des bonbons gélifiés et sont indiscernables au plan gustatif. Il faut cependant préciser que le prix de revient de la gélatine de porc est sensiblement moins élevée que celle des bovins. La mention halal depuis peu indiquée sur le paquet est donc une simple question de confiance à l’égard du fabriquant. Ce dernier a en outre toute latitude pour indiquer gélatine tout court ou gélatine alimentaire. Il faut en effet savoir que le sigle européen E441 qui a été attribué à la gélatine (alimentaire) la range dans la catégorie des additifs et non celle des ingrédients et le fabricant peut choisir sans contrainte entre ces deux possibilités.Les additifs n’impliquent pas la nécessité d’indiquer son origine porcine ou bovine avec cette dernière qui dans les faits n’est plus réellement interdite depuis quelques années. Comme le montre les deux tableaux à raison de plus de 5% dans les bonbons gélifiés, cette teneur est nettement supérieure aux 0,13% des sucettes.

La journaliste consacre une avant dernière phrase qui concerne les gélifiés bio qui sont en effet la plupart du temps fabriqués à partir d’algues telles que l’Agar Agar (le E406). L’état gélifié provient d’un sucre lent très peu calorique. A noter pour ceux qui « non bios » aiment le collagène présent dans nombre de préparations culinaires et encore plus dans les gélifiés, les qualités organoleptiques n’ont rien à voir avec celles d’algues comme l’Agar Agar.

Pour finir et dédiaboliser les bonbons gélifiés, j’aurais aimé que la journaliste les compare à la fameuse tartine au Nutella que l’on rencontre également dans les cours de récré le matin pour que nos bambins tiennent le coup jusqu’à midi et idem pour le 4 heures de l’après-midi. Certes, autant que je sache, il n’y a pas encore de Nutella acide. Ci-dessous voilà les valeurs moyennes données par Open Food Facts sur 122 produits du même genre.

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Tableau 3 : Composition nutritionnelle moyenne pour les 122 produits de la catégorie Pâtes à tartiner aux noisettes dont les informations nutritionnelles sont connues (sur un total de 141 produits). Source : Open Food Facts

2016_vign-nutellaAu lieu des 330-350 Kcal/100 g des gélifiés c’est plutôt 540 Kcal pour ces délicieuses pâtes aux noisettes. Voyons les lipides et sucres qui sont bien évidemment les responsables de ce dernier chiffre. D’abord les 33,8 g de lipides/100g dont 8,4g de « mauvais » acides gras (l’huile de palme) pour la pâte à tartiner sont à comparer aux moins de 0,5% dont 0,3% de mauvais gras pour les gélifiés. Avec 52,1% de sucres totaux dont 49,1% de vrais sucres les teneurs des pâtes à tartiner sont moins élevées que les 57,5% des gélifiés.

Toutefois, on peut constater que les pâtes à tartiner ne contiennent que 3% de bons sucres contre 20% pour les gélifiés. Le résultat est encore plus consternant pour le délicieux chocolat noir pire que celui au lait avec 566Kcal pour le premier et 528Kcal pour le second toujours pour 100g avec 40% de lipides contre 30% et en plus avec un terrible 25% contre 19% de mauvais gras, mais un peu moins catastrophique avec les 40% glucides à comparer aux 56% du second. Avec 37% de vrai sucre et pour le second uniquement du sucre rapide avec un même 56% proche des valeurs des gélifiés. Le chocolat en poudre meilleur en lipides que le précédent reste moins bon comparé aux gélifiés et est une vraie catastrophe au niveau des sucres avec un peu plus de 5% g de bons glucides mais avec 75% de sucres simples ! J’arrête là mais de nombreuses autres sucreries sont elles aussi pire notamment au niveau des lipides que les bonbons gélifiés.

Conclusion : des gélifiés pas si diaboliques comparés à d’autres sucreries courantes

Pour terminer comme j’ai commencé avec le titre, je verrai plutôt un « Chocolats et Nutella à bannir des cours de récré et des petits-déjeuners » ou « Dédiabolisons les bonbons gélifiés, les moins mauvaises des sucreries courantes ». J’espère tout au long de cette analyse critique mais justifiée, avoir convaincu que les bonbons gélifiés ne sont en effet pas aussi diaboliques que la journaliste voulait le prouver avec des chiffres faux qui induisent des raisonnements biaisés et des conclusions sans nuances à charge contre ce type de bonbons. Quelques citations issues de déclarations ou écrits d’autres auteurs peuvent être en elles-mêmes correctes mais la journaliste les utilise souvent mal, voire même les détourne conduisant à ce que l’on appelle de la manipulation ou de la désinformation.

Pour éviter que le lecteur ne prennent pour argent comptant toutes ces informations qui confortent des idées toutes faites à propos des bonbons en général, et des bonbons gélifiés en particulier, je me suis senti obligé de rétablir une vérité objectivée en utilisant des chiffres fiables et en raisonnant de façon plus correcte. Une façon de ne pas oublier que les bonbons gélifiés ont par rapport aux autres quelques qualités nutritionnelles avec des teneurs en bonnes protéines et en bons sucres lents intéressantes.

Le résultat, comme vous l’avez constaté, est un véritable article dont la structure et la longueur ne permettent pas de figurer dans un courrier des lecteurs de Sciences & Avenir. Je pourrais certes l’adapter pour qu’il soit publiable et publié, en tant que tel sans faire référence à l’article de la journaliste paru dans Sciences & Avenir, dans tel ou tel journal. Je suis bien évidemment loin d’être certain qu’il en sera ainsi... C'est pourquoi j'ai préféré le publier sur mon site web sciencefestiv.com et sur Echosciences-grenoble.fr.