Ny-Ålesund... et polarisation des aurores

Publié par Mathieu Barthelemy, le 18 octobre 2016   3.2k

En mars 2016, le chercheur Mathieu Barthélémy partait à Skibotn (près de Tromsø) en Norvège pour chasser les aurores polaires (retrouvez son carnet de bord, tenu avec Anne Vialatte, ici). Ce mois-ci, direction le nord de l'archipel du Svalbard pour de nouvelles aventures.

Depuis le mois de mars, beaucoup d'activités, surtout spatiales avec le CSUG. Mais les aurores sont toujours dans la ligne de visée. A plusieurs titres : toujours pour leur polarisation, pour leurs couleurs bien sûr, sans oublier le satellite ATISE qui poursuit son développement.

Crédits: Nasa et Thierry Sequies pour la satellite

Ce mois d'octobre, nous partons à Ny-Ålesund, dans le nord de l'archipel du Svalbard (Norvège) pour installer un instrument mesurant la polarisation des aurores polaires. L'instrument doit passer tout l'hiver là-haut. Il sera pris en charge par les personnes de la station AWIPEV.

Le voyage est long : deux jours à l'aller, trois au retour mais le dernier vol entre Longyearbyen et Ny-Ålesund est une merveille. On ne peut pas s'en lasser.

En arrivant, surprise ! Pas de neige ou très peu au sol. La température est plutôt clémente (2°C). Il pleut, le sol est une immense étendue de boue, de neige, de glace et d'eau. C'est austère, noir, gris, marron surtout à cause des restes d'exploitations des mines de charbon. En revanche, le glacier qui se jette dans la mer à une quinzaine de kilomètres (Kongsbreen) est d'un bleu électrique. Le tout ne manque pas d'une certaine mélancolie... Pas de doute, le réchauffement climatique est bien là et très marqué dans l'Arctique.

Carte topographique du Svalbard. Crédit : Oona Räisänen / Wikimedia commons

Nous arrivons ce lundi 17 octobre à 16h environ. Le dîner est servi immédiatement. Autre surprise de cette base polaire : on mange tôt, très tôt. La soirée est longue ensuite...

Dernier point non négligeable : la zone est "radio free" à cause ou grâce à une antenne du VLBI (Very-Long-Baseline Interferometry). Pas de wifi, pas téléphone portable, ni bluetooth... mais des câbles pour se connecter à internet dans tous les bâtiments sauf la cantine.

Mardi matin : démarrage du travail. On sort l'instrument, ce bon vieux photopolarimètre SPP qui, depuis 2006, nous suit dans nos pérégrinations [ndlr : lire l'article "Une journée entre espoir et frustration" daté de mars 2016]. Il a subit une "cure de jouvence" cette année et nous a causé un bon coup de stress. Trois jours avant de partir, grosse panne : plus de signal sur une des voies. L'ingénieur de l'IPAG Alain Roux, le responsable de cette petite "cure", s'est penché sur le problème. Un ampli est HS. Heureusement, il en avait un identique en réserve, le problème est réparé en 48h. Bravo à lui pour sa rapidité, nous avons pu partir !

L'instrument fonctionne bien mais la météo n'est pas franchement de la partie. Il pleut toujours, la température qui avait baissé dans la nuit remonte à 5°C. La fine couche de neige nocturne n'est plus qu'eau et gadoue.

A 13h, c'est obligatoire, petit rappel de tir à la carabine. Eh oui, le Svalbard est habité par des ours polaires. Il faut donc être armé lorsque l'on sort du village. Cependant, la carabine reste bien plus dangereuse que l'ours pour qui n'est pas entraîné. Nous espérons n'avoir jamais à nous en servir. Nous allons au pas de tir avec l'instructrice, il pleut encore, cela manque d'agrément. La révision est utile.

Retour au village à l'observatoire de l'AWIPEV, nous reprenons le travail. Vis, étanchéité, ponçage des parties externes corrodées par les derniers hivernages. Et calibrage...

Crédit : Mathieu Barthélémy

Cet observatoire est un mélange d'expériences diverses et variées de plusieurs équipes de chercheurs français et allemands. Il faut trouver une petite place. L'ingénieure de l'observatoire nous en a réservé une sur la terrasse et dans un bureau. Nous démarrons dans le bureau, nous installerons à l'extérieur demain (mercredi) en espérant, si ce n'est une petite éclaircie ou moins un temps sec : à voir la météo, ce n'est pas gagné !

Vers 21 h, nous partons à la salle de sport. Il y a deux ans, il y avait une table de ping-pong. Elle est malheureusement cassée. Déception. Un peu basket : décidément, même à 79°N, je suis incapable de mettre un panier. Nous retournons à la "blue house" en plein centre du village, là où nous dormons. Un peu de travail, les mails continuent à arriver, il faut les traiter même sur le terrain, si loin au Nord.

Crédit : AWIPEV

>> Crédit image principale : Mathieu Barthélemy