Les glaces du Mont-Blanc à l'abri en Antarctique

Publié par Echosciences Grenoble, le 17 septembre 2016   2.8k

Le 15 août, une équipe internationale de glaciologues a prélevé les premières « carottes–patrimoine » sur le massif du Mont-Blanc. Objectif : constituer une banque mondiale d’archives glaciaires stockées en Antarctique. Les explications de Jérôme Chappellaz, Directeur de recherche au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (Université Grenoble Alpes / CNRS), à l'initiative de ce projet.

Carina Louart : Comment est né ce projet ?

Jérôme Chappellaz : Dès les années 2000, des collègues nord et sud américains avaient alerté la communauté internationale sur la nécessité d’extraire des carottes de glace issues de glaciers menacés par le réchauffement climatique. Mais, faute de moyens financiers, ce projet n’avait pas abouti. En octobre 2013, lors d’une réunion internationale à Porto Alegre, au Brésil, j’ai proposé la création d’une banque mondiale de carottes glaciaires stockée en Antarctique et destinée aux prochaines générations de chercheurs - à l’instar de la Réserve mondiale de semences conservée au Spitzberg. Nous allons nous appuyer sur le mécénat pour monter l’opération.

Pourquoi est-il si important de sauvegarder ce patrimoine ?

J.C. : Parce que les glaciers sont des livres d’histoire. Et que leurs pages sont en train de disparaître sous nos yeux ! En emprisonnant les différents composants de l’atmosphère, la glace constitue une source d’information inestimable pour retracer notre passé environnemental, rendre compte de l’évolution climatique et surtout pour comprendre notre avenir. Aujourd’hui, la science des carottes glaciaires permet d’étudier des dizaines de composants chimiques piégés par la glace : des gaz, des acides, des métaux lourds, la radioactivité, les isotopes de l’eau… Et on peut présager que d’ici quelques décennies, les chercheurs parviendront à isoler les bactéries ou les virus piégés dans la glace et utiliseront ces archives glaciaires pour étudier l’évolution du génome, les conditions de ses mutations…. Cette perspective suffit à justifier la constitution de cette bibliothèque mondiale. Sans compter toutes les informations contenues dans la glace dont nous n’avons pas encore idée aujourd’hui !

Un carottier ultraléger extraira trois carottes glaciaires de 130 m de long, soit l’épaisseur du glacier jusqu’au socle rocheux (photo : B. Jourdain / CNRS Photothèque)

Concrètement, comment va se dérouler ce premier prélèvement?

J.C. : L’opération va démarrer dès la mi-août et sera coordonnée par mon collègue Patrick Ginot, du laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement. Deux équipes de français, italiens et russes se relaieront jusqu’au début du mois de septembre. Ils seront héliportés sur le col du Dôme à 4 300 mètres d’altitude et, le soir, hébergés à l’observatoire Vallot, situé un peu plus haut. Un carottier ultraléger extraira trois carottes glaciaires de 130 m de long, soit l’épaisseur du glacier jusqu’au socle rocheux. Une tente de forage sera installée de façon à forer la nuit en cas de températures diurnes trop élevées. Chaque carotte de 92 millimètres de diamètre sera remontée par tronçon de 1 mètre et conservée dans des caisses isothermes dans une tranchée à une température de -12°C, à proximité du forage, avant d’être descendue à Chamonix. Les carottes seront ensuite stockées temporairement au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement.

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