Aimant, bobine et électromagnétisme : quand mesurer n’est pas jouer

Publié par Joel Chevrier, le 22 avril 2020   18k

Auteurs: Joël Chevrier, Léo Dumont, Inès Billon-Grand 

L’énergie électrique est liée à une des quatre interactions fondamentales de l’univers. C’est l’interaction électromagnétique. Pas moins. La description scientifique de cette interaction construite au XIXème siècle est un monument de la physique. Appréhender cette théorie comme un physicien est difficile. Désolant, car la maîtrise de l’énergie électrique et la description de l’interaction électromagnétique, sont au cœur de la société industrielle qui émerge au XIXème siècle et qui prend une ampleur inouïe au XXème siècle jusqu’à nos jours. Par ailleurs, se construire une vision, une approche de l’énergie électrique et des champs électriques et magnétiques en dehors de la physique est évidemment une approche légitime. C’est aussi une liberté pour chacun. Qui plus est, l’expression de cette liberté peut illuminer des regards y compris de physiciens. Des artistes explorent les ondes comme la lumière ou le WiFi dans l’espace en dehors de tout cadre scientifique. Leurs créations singulières et contingentes peuvent changer des regards sur le monde. Dans leur projet présenté dans cet article, en réaction, dans une approche propre au design, et pour proposer une nouvelle prise de conscience, Léo et Inès ont souhaité déconstruire l’objet emblématique de notre usage de l’énergie électrique et son lien au mouvement. Cet objet emblématique et réversible est la turbine, générateur d’énergie électrique, ou le moteur électrique. Et si l’on va toujours plus au cœur de ces dispositifs, deux éléments émergent, irréductibles et complémentaires : la bobine et l’aimant. Ici, pour jouer avec l’aimant, la bobine et l’électromagnétisme, pour explorer, on peut regarder, manipuler, s’amuser et imaginer pour soi-même. Mais pas mesurer ! Et c’est un choix. Mais, bien sûr, si vous voulez mesurer à partir de là, faites-vous plaisir !  

L’énergie « électrique » : vers des productions douces et locales

 Il y a une floraison de projets autour de la question de l’énergie à l’échelle individuelle. Certains presque ironiques comme le projet de Leo Sexer, Rafflesia. Rafflesia est une petite éolienne parasite. Sa dynamo avec une ailette permet de récupérer de l’énergie ambiante, celle des courants d’air, et de la stocker dans une petite batterie. Si Rafflesia capte l’énergie d’un mouvement ambiant, celle de l’air en mouvement, Gravity Light transforme l’énergie potentielle de pesanteur à hauteur d’humain, en énergie électrique. On remonte un sac de pierre à hauteur d’homme. Sa lente descente entraine une dynamo qui éclaire une pièce grâce à une LED. Les deux montrent comment on peut devenir acteur de sa propre production d’énergie partout et à tout instant. Du géant vers le micro, ces projets soulignent que le changement d’échelle devient une tendance puissante. Retour à l’échelle de l’individu et de son environnement. Passer du colossal système industriel de production d’énergie électrique, à la production individuelle et locale, c’est montrer notre capacité à tous d’être des acteurs de la fabrication et de la consommation de l’énergie. C’est, aussi en partie, souligner la nécessité de démystifier l’énergie telle que nous la connaissons aujourd’hui, et de s’en approprier des propriétés et des concepts essentiels qui lui sont associés. Car quand on fait un bilan rapide…

Au fond, il y a l’interaction électromagnétique

L’énergie électrique est donc liée à une des quatre interactions fondamentales de l’univers. C’est l’interaction électromagnétique. Pas moins. La description de cette interaction construite au XIXème siècle est un monument de la physique. Toujours. 

Au pied de la statue de James Clerk Maxwell à Edinburgh, les quatre équations qui relient les champs électriques (et D) et magnétiques (et H), les charges et les courants électriques, , r et J 

Cette synthèse théorique est le socle de notre connaissance du comportement des charges et des courants électriques, du comportement des ondes électromagnétiques, dont la lumière visible est un cas particulier au côté des microondes, du WIFI, des rayonnements infra-rouge et ultra-violet, et des rayons X jusqu’au rayonnement gamma. Elle permet aussi d’aborder le couplage de toutes ces ondes avec les charges électriques. Voir le four à micro-ondes. Et c’est toujours à la fois un grand moment mais aussi un moment difficile quand il s’agit d’aborder l’interaction électromagnétique en détail au niveau de la Licence. 

La centrale électrique, le transport de l’énergie et le mouvement

C’est aussi très impressionnant car avec l’électromagnétisme, vient se construire notre compréhension la plus fondamentale de la production de l’énergie électrique au cœur des centrales avec les alternateurs, les réseaux électriques et les moteurs. On passe du mouvement mécanique dans l’alternateur en rotation, au transport de cette énergie devenue électrique dans les câbles, et de retour au mouvement mécanique grâce au moteur électrique avec ces enroulements de fil de cuivre en bobine. Avec une batterie entre les câbles et le moteur, on part en voiture électrique.


Rebobinage et restauration artisanales de moteurs d’anciennes pompes submersibles. Une autre façon d’aborder, de comprendre et de maitriser la réalité de l’énergie électrique et de sa transformation. Ce savoir-faire, cette expérience et les 4 équations de Maxwell sont essentiels et complémentaires mais sont irréductibles l’un à l’autre. Entre 1850 et 1900, Zenobe Gramme, tourneur sur bois de formation, fait faire des progrès décisifs à la dynamo à courant continu. La machine Gramme est un moteur électrique très populaire en son temps. 

La Fée Électrique au Musée d’Art Moderne de Paris

 A la fin du XIXème siècle, la version actuelle des équations de Maxwell est là. Dans ces mêmes années, l’énergie électricité se répand. A Grenoble, l’aventure de la houille blanche avec Aristide Bergès démarre et se développe dans la même période. L’artiste Raoul Dufy reçoit pour l’Exposition internationale de 1937 à Paris la commande de décorations monumentales. Ce sera la Fée Électrique, une peinture immense. Aujourd’hui, elle est une des grandes salles du Musée d’Art Moderne de Paris. C’est une sorte de panthéon des sciences et des techniques issu de cette période portée par un progrès triomphant.  

Détail de la Fée Electrique avec au centre James Clerk Maxwell
Autre détail de la Fée Electrique (Ampère, Ohm… Goethe y est aussi, et on pense au traité des couleurs)

Pour une ré-exploration sensible de l’énergie électrique, de sa production et de ses transformations. 

 La maîrise de l’énergie électrique et la description de l’interaction électromagnétique, sont au cœur de la société industrielle qui émerge au XIXème siècle et qui prend une ampleur inouïe au XXème siècle. Combien de kilomètres de câble électrique installés sur la planète en quelques décennies ? En face de cette réussite, deux difficultés se présentent à chacun. 

Appréhender en détail la description du réel apportée par les équations de Maxwell à partir de leur manipulation abstraite et par le calcul analytique et/ou numérique est très efficace. C’est ainsi que les étudiants en physique construisent leur vision à ce sujet. Mais ce n’est pas un sport de masse. C’est le moins que l’on puisse dire. 

Il semble que nous n’ayons pas réussi à construire notre appréhension collective des ondes électromagnétiques autres que celles que nous percevons directement : la lumière visible et le rayonnement infrarouge qui nous réchauffe. Peut-être aussi le rayonnement ultra-violet (UV) à cause des coups de soleil… L’impénétrabilité de la description abstraite de l’interaction électromagnétique y est peut-être pour quelque chose ? 

Par ailleurs, l’énergie électrique et ses infrastructures ont, sinon disparu de notre vue, au moins été retirées de notre proximité immédiate. Les moteurs ont des capots rigides et très solides. Les câbles sont dans les murs, enterrés ou hauts dans les airs. Les centrales électriques ne sont pas ouvertes. Il y a une raison immédiate à tout cela : la sécurité. Les concentrations d’énergie que nous produisons, nucléaires ou pas d’ailleurs, sont énormes et peuvent faire très mal. 

 Mais alors le monde se sépare entre ceux qui approchent les Joules en grande quantité pour les produire, les gérer, etc… et ceux, l’immense majorité, qui manipulent des interrupteurs sans avoir conscience des infrastructures et des quantités d’énergie mises en jeu lors de ce simple geste. Le fait est que, depuis au moins trois générations, grâce à des décennies d’énergie quasi gratuite et à notre croyance en un monde infini qui absorbe tous les rejets sans en être affecté, nous avons tout fait pour nous retrouver dans cette situation.  Cela fait partie du message par exemple de Jean Marc Jancovici : comment générer un kWh électrique ?  Un exemple très impressionnant : un cycliste champion olympique s’épuise à produire l’électricité nécessaire pour griller une tartine ! Une seule petite tartine !

Au cœur de la complexité, il y a la bobine et l’aimant

Anneaux et solénoïdes, ou bobines, utilisés par Faraday autour de 1830

En réaction, pour une nouvelle prise de conscience, Léo et Inès ont donc souhaité déconstruire l’objet emblématique de notre usage de l’énergie électrique et son lien au mouvement, aussi bien dans sa production que dans son utilisation. Cet objet emblématique est la turbine, générateur d’énergie électrique, ou le moteur électrique. Si l’on déconstruit ces dispositifs, deux éléments émergent, irréductibles et complémentaires : à la fin, il reste l’aimant et la bobine. Le mouvement de l’aimant crée au cœur de la bobine un champ magnétique variable qui induit un courant électrique. On est bien là au cœur de l’électromagnétisme comme le montre l’article Wikipedia sur la loi de Lenz-Faraday 

 En physique, la loi de Lenz-Faraday, ou loi de Faraday, permet de rendre compte des phénomènes macroscopiques d'induction électromagnétique. Elle exprime l'apparition d'une force électromotrice (tension) dans un circuit électrique, lorsque celui-ci est immobile dans un champ magnétique variable ou lorsque le circuit est mobile dans un champ magnétique variable ou permanent. À l'origine empirique, cette loi est fondée sur les travaux de Michael Faraday en 1831 et sur l'énoncé de Heinrich Lenz de 1834. Elle est aujourd'hui déduite de l'équation locale de Maxwell-Faraday. 

L’équation locale de Maxwell-Faraday est la troisième sur la plaque reproduite ci-dessus :

Elle permet d’établir la loi de Lenz : 

Clairement totalement incompréhensible pour qui n’a pas fait de la physique au moins au niveau de la Licence. Et pourtant, à nouveau, au cœur de notre monde, de notre quotidien notamment par la technologie des moteurs électriques. 

Le mouvement de la main, générateur d’énergie électrique

Détail des dispositifs créés par Léo et Inès.
A gauche, le disque métallique est un aimant à terres rares très (très) puissant. A droite la bobine « fablab made ».

 A partir de ces constats et sur cette base scientifique, Inès et Léo ont décidé de développer un outil d’apprentissage par l’expérience sensible et l’immédiateté : explorer les effets visibles lorsque on bouge simplement un aimant dans une bobine. D’abord entreprendre de construire le dispositif à la main de A à Z pour en apprécier toute la réalité, toute l’importance, toute la présence. Ce « do it yourself », Faraday l’a fait bien avant finalement. Et s’il a pu réussir ces expériences, c’est tout de même parce qu’il disposait des meilleures bobines et des meilleurs aimants de l’époque. 

Ensuite, en jouer à la main pour appréhender à quel point les règles de notre jeu avec le réel sont profondément changées à partir du moment où la main s’équipe pour jouer avec E, B, r et J

 « L’actionneur » est-il un « display » ?

Le dispositif n’est composé que d’un aimant, d’une bobine, ainsi que d’un “actionneur”, qui est une interface physique tangible permettant de “ressentir” et d’associer cette sensation à l’énergie générée. L’utilisateur agite donc l’aimant dans la bobine et génère de l’électricité : il y a transformation de l’énergie mécanique associée à ce mouvement, son énergie cinétique en énergie électrique. Plus loin dans le circuit électrique, après transport de l’énergie électrique, on peut à nouveau transformer l’énergie en énergie mécanique et générer un mouvement.


Parmi les « actionneurs » ー lumière, chaleur, champs magnétiques, mouvement et son, mesure... ー deux ont été développés ici : la lumière et le mouvement. 

Par l’énergie électrique, du geste de la main à la lumière.

Partout l’électricité alimente l’éclairage. C’est banal aujourd’hui. Depuis la lumière visible du soleil jusqu’à celle émise par une allumette, la lumière est pour tous de l’énergie. Le dispositif ici est un aimant, une bobine et des pistes conductrices en cuivre qui alimentent des LED enchâssées dans un panneau translucide. 

La main est immobile. Les LED sont éteintes. La main s’agite, bouge l’aimant dans la bobine, les LED s’allument et on peut en jouer.

L’énergie liée au mouvement de l’aimant dans la main est, dit la physique, d’abord transformée en énergie électrique, qui ensuite devient énergie lumineuse. Rien de magique. Mais un jeu dont on devient aisément captif quand on essaie. Mouvement lent ou rapide. Petites ou grandes oscillations. Chacun se prend au jeu et essaie de moduler cette lumière. C’est vraiment une expérience avec un dispositif à la fois élégant, sobre et évident. 

Par l’énergie électrique, le geste de la main transmis au loin en temps réel.

Un autre « actionneur », une autre chaîne. Elle aussi est au cœur de notre société : le mouvement d’une génératrice électrique alimente en énergie électrique le réseau des câbles qui irriguent un territoire. Cette énergie électrique en tout point du réseau permet d’alimenter un moteur qui recrée du mouvement. C’est l’exemple de la pompe immergée dans la vidéo ci-dessus. C’est de l’énergie électrique qui est transportée, pas un mouvement mécanique à notre échelle. On s’habitue à tout. Mettre en route un aspirateur est banal. Et pourtant, si on apprécie cette mise en route à la quantité de connaissances, de techniques, de formation et d’éducation, c’est pratiquement un miracle quotidien.    Quand on regarde le dispositif « fait maison » de Léo et Inès, quand on joue avec, ce transport au loin du mouvement de la main en l’oscillation fragile et discrète d’une petite bobine en face d’un aimant est comme un signe de la main envoyé à travers l’espace. C’est ce même petit signe qui fonde le projet « Soft Mirror » de la designer Claire Eliot qui est invitée à le présenter à Lille Capitale Mondiale du Design. Insistons sur la réversibilité du système : si déplacer un aimant aux abords d’une bobine génère de l’électricité, envoyer du courant dans une bobine génère un champ magnétique. Une bobine inerte “réceptrice” posée ici sur un aimant bouge lorsque de l’électricité lui est envoyée.
Un mouvement transporté au loin manifeste alors le mouvement initial. 

Un aimant bouge dans une bobine au loin, ici cette bobine en face d’un aimant sursaute ! Le mouvement est bien faible, fragile même. Le système n’est pas optimum mais il reste l’évidence: le mouvement est transporté !

La transparence du dispositif, la perception du concept et l’absence de mesure

 Chacun des éléments des dispositifs doit rester évident, transparent. Maintenir cette transparence est un objectif crucial dans ce projet. Tous les circuits sont donc visibles, rien n’est caché. Pas de boîte noire. Même pas un interrupteur. La seule omission est la provenance des matériaux. Elle camoufle l’importance des aimants modernes à base de terres rares. Un avantage décisif par rapport aux efforts historiques d’Ampère et de Faraday qui ne disposaient évidemment d’aimants aussi puissants.  

Vidéo du bobinage au FabLab.  « Patience et longueur de temps » pour avoir le bon nombre de tours… 

Et si tout est visible, tout doit pourvoir se ressentir, il faut donc s’en tenir à l’évidence de l’effet par la perception. Léo et Inès ont fait ainsi le choix déterminant ici, d’éviter toute mesure, toute quantification. En effet, le contexte actuel d’apprentissage par la théorisation et l’intellectualisation mène à un dépassement des sens qui peut en quelque sorte faire perdre en réalité.
Ce dispositif s’efforce donc de ramener l’immédiateté de la perception, aussi grâce à sa simplicité visible et identifiable. Tous les éléments sautent aux yeux et leur nature est évidente.  

Dialogue entre la Science et le Design

Mesurer le courant dans la bobine est trop tentant. Tellement facile en plus. Presque immédiat. Le professeur de physique insiste pour associer aux LED ou au système moteur bobine-aimant, un petit ampèremètre, pour faire ainsi la mesure du courant. Connaître la valeur du courant en ampère et son signe, positif ou négatif. Le designer qui est aussi étudiant en sciences s’oppose avec détermination. Il a raison. La réalité du couplage entre le mouvement, l’aimant, le circuit électrique et la lumière est bien là, immédiatement perceptible, sans qu’il soit nécessaire de la mesurer. Le dispositif permet à chacun de l’explorer, d’en jouer ici comme il l’entend. Pour qui le souhaite, la voie de l’approfondissement scientifique est ouverte. Introduire « bobine et aimant » dans un moteur de recherche permet d’amorcer une réelle démarche d’apprentissage technique et scientifique à partir de ce dispositif. Démarche au demeurant très classique. 

 Le très grand soin qui a été apporté à la forme de ces dispositifs, à leur taille, aux choix des matières, aux couleurs, à la finition, n’a pas été un effort déployé en vue de la simple mesure, ni pour « faire joli ». Cela n’en valait alors pas la peine. On peut faire plus simple et plus sommaire pour un résultat mesuré d’aussi grande qualité. L’élaboration de ces dispositifs, et le projet lui-même, sont bien sûr ancrés d’une part dans une vision scientifique et d’autre part dans la difficulté de la réalisation d’un système « qui marche » après bien des déboires.  Ces ancrages ont été des dimensions importantes voire nécessaires de ce projet interdisciplinaire.  Mais ils n’impliquent pas immédiatement qu’ils conditionnent, déterminent à eux seuls le dispositif. Au contraire, il s’agissait ici pour Léo et Inès de dépasser ce point de vue.   

 Car bien d’autres démarches sont aussi possibles. C’est aussi ce que montre la designer Claire Eliot avec Soft Mirror. A partir de ces dispositifs, chacun mobilise sa vision et son imaginaire à sa guise. L’ingénieur en mécanique Alexandre Calder n’a pas fabriqué et exposé ses mobiles pour étudier, ni même illustrer l’écoulement des fluides autour des structures métalliques. Les maquettes instrumentées en soufflerie étaient là pour ça à la même époque. 

Léo et Inès ont ici construit délibérément des systèmes ouverts. Pour tous. Chacun s’empare des dispositifs en fonction de sa perception et de sa vision du fonctionnement. Chacun complète le dispositif avec ses idées. Et il a fallu un moment au professeur de physique pour comprendre qu’il y a certainement dans ce projet un second substrat théorique. On ne joue pas impunément avec l’interdisciplinarité. Peut-être peut-on tenter ici de l’illustrer avec le concept « d’affordance » construit par des auteurs comme le psychologue James Gibson au XXème siécle :

Mais, en fait, une affordance n'est ni une propriété objective ni une propriété subjective ; ou les deux si vous voulez. L'affordance transcende la dichotomie subjectif-objectif et nous aide à comprendre son inadéquation. C'est également un fait de l'environnement et un fait du comportement. C'est à la fois physique et psychique, mais ni l'un ni l'autre. Une inadéquation pointe dans les deux sens, vers l'environnement et vers l'observateur. 
 James J. Gibson, The Ecological Approach to Visual Perception: Classic Edition 1979 

Ou avec ce commentaire dans Perception humaine et expérience environnementale sur les différentes affordances potentiellement contenues dans un même objet: 

Les affordances sont les qualités d'un objet ou d'un environnement qui permettent à un individu d'effectuer une action ou une série d'actions. Par exemple, un bol peut permettre à un adulte de manger, mais il peut aussi être perçu comme un tambour ou un chapeau par un enfant, ce qui permet d'autres utilisations. 

L’induction électromécanique dans la main de chacun

Ce projet se veut donc accessible à tous : l’absence de raisonnement scientifique équipé de concepts scientifiques sophistiqués, et l’appel aux sens le rendent communément compréhensible ; la forme est pensée pour inviter le spectateur à devenir acteur de cette expérience par l'interaction. Si son appréhension est facilitée, nous le souhaitons aussi facile à reproduire grâce aux outils de prototypage rapide des FabLabs. 

Ce projet, fruit de l’alliance entre sciences, design et psychologie, constitue donc un outil pédagogique nouveau par le biais de la simplicité et du retour au sensible. 

 

Léo Dumont, Licence Sciences&Design ENSCI Les Ateliers et Sorbonne Université

Inès Billon-Grand, Licence de Psychologie de l’Université Grenoble Alpes (UGA)

Joël Chevrier, Professeur de Physique Université Grenoble Alpes (UGA), responsable de cet enseignement au FabLab du CCSTI Grenoble La Casemate

 

Texte initial écrit par Léo Dumont et Inès Billon-Grand en décembre 2018 dans le cadre du cours, à la base de l’article ci-dessus :


Notes : vivre le cours FabLabJamSession ! 

 

Cet article est le résultat de la collaboration entre un étudiant en sciences&design Léo Dumont et une apprentie psychologue, Inés Billon-Grand. A l’automne 2018, chaque lundi soir, de 18h à 21h, pendant 8 semaines, ils ont travaillé ensemble accompagnés par un professeur de physique, Joël Chevrier, et le FabLab Manager du CCSTI La Casemate, Tristan Hamel. Ils étaient entourés d’étudiants concentrés sur leur propre projet, qui soudaient, coupaient, assemblaient, testaient… et pestaient souvent car bien sûr, la plupart du temps, dans un FabLab, comme dans un labo, ça ne marche pas du tout comme prévu ! Ce serait bien trop simple et finalement pas si amusant. 

Inès Billon-Grand, et Léo Dumont ont donc plongé avec Joël Chevrier dans le cours FabLabJamSession organisé au FabLab de la Casemate depuis maintenant cinq années. Des étudiants de toutes les disciplines viennent passer leurs soirées d’automne au FabLab de la Casemate. Le but est de « créer pour apprendre ensemble».  Et pour ne pas se raconter d’histoires, on s’ancre dans le réel : il faut produire, avant Noël, un dispositif ou un prototype qui vient matérialiser l’idée associée. Chacun contribue par ses idées, ses connaissances et ses passions dans la vie. Chacun nourrit l’audace de l’autre. Finalement, il s’agit de se mettre tous en difficulté pour s’entre-aider, s’étonner mais aussi frotter ses connaissances à d’autres convictions, d’autres certitudes et d’autres regards issus de parcours très différents, pour les affermir et les consolider. 

 Léo Dumont et Inès Billon-Grand ont ainsi créé ce projet et réalisé ces dispositifs dans le cadre du cours interdisciplinaire de l’UGA, FabLabJamSession. Ce cours construit par Joël Chevrier, Professeur de physique à l’UGA, était, cette année-là, le produit d’une collaboration entre l’UGA, l’ESAD Grenoble/Valence, l’ENSAG, le CCSTI La Casemate et la résidence ENSCI Les Ateliers au CEA Grenoble. Il rassemblait donc des étudiants de tous les établissements d’enseignement supérieurs mentionnés. Toutes les disciplines et toutes les passions étaient ainsi accueillies. Les étudiants travaillaient en groupe sur des projets variés autour de thématiques toujours plus liées aux objectifs du développement durable. Une demande impérative est faite à tous les étudiants, quelques soient leurs études et leur parcours : un dispositif ou un prototype doivent faire parti du résultat évalué. Elle ancre ainsi ce cours dans les FabLab de La Casemate et FabMSTIC sur le Campus Saint Martin d’Hères.  L’article ci-dessus et les dispositifs commentés et montrés en photo ici sont les résultats de ce type de travail.

 

Ce cours évolue aujourd’hui en lien avec les programmes de l’UGA, Promising et Disrupt’Campus. Il fait partie des expériences pédagogiques autour de « l’apprentissage par le faire » menées en collaboration avec le CRI Paris et avec l’Université Tsinghua en Chine sur son site de Shenzhen. 

 

Un immense merci aux équipes de la Casemate à ses deux directeurs successifs, Laurent Chicoineau et Jeany Jean-Baptiste pour avoir accompagné la naissance et le développement de ce cours.