La liste rouge des espèces en voie de disparition @Radio RKS

Publié par Francois Legrand, le 31 octobre 2021   1.4k

[Chronique de Vincent Le Hen @Le Miroir des science @Radio RKS] Retour sur le congrès pour la biodiversité de l’Union internationale pour la conservation de la nature qui a eu lieu début septembre 2021 à Marseille ; liste rouge des espèces en voie de disparition et de la recommandation de protection de 80 % de l’Amazonie d’ici 2025.

Le Congrès Mondial de la nature, organisé tous les 4 ans par l’UICN, l’Union Internationale pour la Conservation de la Natures’est déroulé, pour la première fois il en France, à Marseille, du 3 au 11 septembre 2021. Vous en avez sans doute entendu parlé car c’est Emmanuel Macron qui, en déplacement dans la cité phocéenne, avait prononcé le discours d’inauguration. 

A noter d’ailleurs que c’est le Congrès de 2020 qui devait donc avoir lieu l’année dernière et qui a été décalé à cause de la pandémie. 

Qu’est ce que c’est l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature ?

C’est une ONG créée en 1948 (il y a 73 ans) en France. Elle comprend environ 1400 membres (Etats, organismes gouvernementaux, ONG) et plus de 18 000 experts scientifiques sur plus de 160 pays. 

L’UICN est donc le réseau environnemental le plus vaste au monde et fait autorité mondiale sur l’état du monde naturel et la conservation des espèces.

L’objectif de l’UICN est simple : aider les sociétés à conserver la biodiversité et veiller à ce que toute utilisation des ressources naturelles soit équitable et écologiquement durable à travers le monde. 

Le congrès mondial de la nature c’est un peu comme la grand messe de l’environnement ?

Le congrès mondial de la nature de l’UICN c’est l’événement scientifique de référence sur l’environnement. Il a pour but de définir les actions à mettre en place pour répondre aux défis environnementaux de notre époque, en terme de biodiversité et de climat. 

Cette édition était aussi une étape importante sur l’agenda politique mondial et les questions environnementales car les échanges et les décisions prises guideront aussi les négociations de la COP26 sur le climat qui aura lieu en novembre 2021 en Ecosse et avant la COP15 sur la biodiversité, qui est prévue en avril 2022 en Chine. 

Que pourrions nous retenir de ce congrès de la nature de 2021 ?

Il y a 2 moments qui ont été marquants dans cette semaine et qui ont été beaucoup relayés dans la presse et sur les réseaux sociaux. 

Le premier est : la publication de la liste rouge des espèces menacées dans le monde. Il faut savoir que l’UICN évalue l’état de santé des espèces et des écosystèmes sur la planète, en étudiant notamment l’impact des activités humaines sur la nature. Cet état de santé est présenté depuis 1963, par la publication d’une liste rouge des espèces (faune et flore) qui sont menacées de disparition à travers le monde. 

C’est un travail fastidieux comme vous pouvez l’imaginer, qui s’appuie sur une série de critères scientifiquement validés (observations de terrains, études quantitatives de la population, cartographies).

L’analyse de l’ensemble des données permet ensuite de classer les espèces en fonction de son risque de disparition. L’UICN distingue 9 catégories : de non évalué à éteint. Vous pouvez trouver sur le site de l’UICN les catégories et critères de la liste. 

Combien d’espèces ont déjà été étudiées par l’UICN ?

Aujourd’hui la base de données de l’union internationale de la conservation de la nature est constituée de 138 374 espèces étudiées. L’UICN classe 28% d’entre elles comme espèces menacées (soit près 38 543 espèces). 

Remarque : On parle d’espèce menacée dès lors que celle-ci est dans la catégorie Vulnérable / En Danger ou En Danger Critique, soit de la catégorie 5 à 7 de la liste.

Le responsable du département qui gère la liste rouge de l’UICN, Craig Hilton-Taylor, a d’ailleurs expliqué à l’AFP que, je cite : « les tendances montrent que nous sommes de 100 à 1000 fois au dessus des taux normaux d’extinction. Si l’augmentation se poursuivait à ce rythme, nous serons bientôt confronté à une crise majeure ». 

Qu’est ce que l’on doit comprendre par ces termes de « crise majeure » ?

On parle notamment dans beaucoup d’articles de presse d’une possible 6e crise d’extinction massive. Ces crises d’extinction sont habituellement provoquées par des catastrophes naturelles (éruption volcanique ou changement climatique). La 5e crise d’extinction a eu lieu il y a 65 millions d’années avec la disparition des dinosaures. La différence aujourd’hui est que cette 6e crise d’extinction, si elle devait arriver, serait due principalement à l’activité humaine. 

Ce bilan dressé par l’UICN montre donc l’urgence de la situation et l’urgence à agir dans la préservation de la biodiversité.

Vous parliez de la liste rouge des espèces menacées, avez vous des exemples ?

Absolument ! Parmi les 38 500 espèces menacées dans le monde, on trouve 41% des espèces d’amphibiens ; 36% des requins ; 26% des mammifères ; 34% des conifères ; 14% des oiseaux ; 33% des récifs coralliens ; 28% des crustacés. (Source : https://www.iucnredlist.org/).

Pour vous donner des exemples plus précis, on peut voir notamment que 

– les orangs outans sont en « danger critique d’extinction » (cause : déforestation liée à la culture d’huile de palme), c’est la dernière catégorie avant l’extinction de l’espèce dans son milieu naturel

– Les 2 espèces de gorille d’Afrique (gorille de l’est et gorille de l’ouest) sont en « danger critique »,

– L’éléphant d’Afrique et la baleine bleue sont classés « en danger » 

– Le lion est classé en vulnérable. Il a perdu 40% de ces individus en 23 ans. 

Et il y a la triste histoire du Rhinocéros blanc du Nord, qui se trouve en Afrique, qui est une espèce vouée à s’éteindre car il ne reste que 2 femelles. Le dernier mâle étant mort en 2018. La communauté scientifique cherche aujourd’hui a sauvé l’espèce notamment en faisant une fécondation in-vitro. Mais l’espoir est mince. Ces 2 femelles du nord sont inaptes à mener une grossesse à terme, il faut donc faire recours à des mères porteuses dans la population des rhinocéros blanc du sud, en Afrique. L’opération est prévue à la fin de l’année, on croise les doigts pour la réussite de ce projet. 

Voici autant d’exemples qui poussent les scientifiques à tirer la sonnette d’alarme et à inciter les politiques à prendre des décisions pour protéger la biodiversité dans le monde.

Vous avez dit qu’il y a eu 2 moments clefs lors de ce congrès de la nature. Le premier étant cette liste des espèces menacées, quel est le second ?

La fin de la semaine du congrès de la nature de l’UICN a été consacrée au vote des recommandations mondiales sur la protection de la biodiversité. 137 recommandations ont été adoptées, notamment sur la protection des océans, avec le développement d’aires marines protégées et la lutte contre la pollution plastique des océans d’ici 2030. 

Mais une recommandation a particulièrement marquée. Celle portée par les représentants des peuples autochtones en Amazonie, qui demande un plan d’action global pour la protection de 80% de la forêt amazonienne d’ici 2025. Le but : stopper le point de non-retour.

Aujourd’hui l’Amazonie a perdu 17% de sa surface de forêt, notamment dû à la déforestation et à l’extraction minière. Les scientifiques ont alerté que si l’on passe au delà des 20% de la déforestation de l’Amazonie, nous atteindrons un point de basculement irréversible qui pourrait entrainer la mort de l’ensemble de l’écosystème. Cela entrainerait des émissions massives de CO2 dans l’atmosphère et aurait donc des répercussions catastrophiques pour la stabilité climatique dans le monde.

L’état d’urgence est donc déclaré. 

Il est grand temps à présent d’agir !

Pour aller plus loin :

Je vous signale la sortie du livre Faune Fragile de Florian Kirchner, membre du comité français de l’UICN et illustré par l’artiste peintre Sandrot. C’est un bel ouvrage qui vous détaille les espèces menacées en France, les défis qui les guettent et qui met en lumière les acteurs qui se battent au quotidien pour les sauvegarder.