Soline Beitone : la photocatalyse de A à Z
Publié par Elsa Morin, le 23 juin 2025
Soline est doctorante à l’Université Grenoble Alpes (UGA). Sa thèse mêlant les matériaux et l’ingénierie écologique, elle travaille au sein de deux laboratoires : le Laboratoire des Matériaux et du Génie Physique (LMGP), et le GSCOP (Sciences pour la Conception, l’Optimisation et la Production).
Soline fait partie de l’équipe scientifique de DéfiCO2, un projet de recherche académique interdisciplinaire rassemblant 14 laboratoires grenoblois qui travaillent sur une même thématique : le captage et la transformation du CO2 (CCU).
Elle nous explique ici qu’elle a choisi de faire cette thèse pour la liberté que la recherche académique lui offre, ainsi que pour élaborer des matériaux durables servant à la dépollution.
- Est-ce que tu peux te présenter ?
Je suis originaire de Grenoble, une ville avec beaucoup de recherche scientifique, mais aussi tournée vers la protection de l’environnement : elle a été désignée capitale verte Européenne en 2022 ! Vivre ici m’a donné envie d’étudier les sciences, et spécialement les technologies durables. J’aime ainsi travailler sur des projets innovants qui créent un changement positif vis-à-vis des enjeux climatiques et environnementaux.
- Quel est ton parcours étudiant/professionnel ?
Je suis diplômée d’un master en sciences des matériaux de l’université TU Darmstadt en Allemagne, et j’ai également le diplôme d’ingénieur de l’école PHELMA Grenoble INP, avec une spécialisation dans les matériaux pour la réhabilitation environnementale.
C’est une thèse vraiment axée pratique, avec une application à la fin. On voulait utilise des méthodes qui sortent un peu de l’ordinaire, et créer le procédé de A à Z, pour maîtriser au mieux son impact environnemental.
- Quel est ton sujet de thèse ?
Je travaille sur le développement d’un procédé de photocatalyse durable, innovant, et peu coûteux, pour la réduction et la valorisation du CO2.
Ma thèse est divisée en deux parties. La première porte sur le développement d’un procédé, de la synthèse du matériau à l’application, conçu pour convertir le CO2 atmosphérique en carburant comme le méthane, grâce à l’énergie du soleil. Ce travail s’inspire de la photosynthèse naturelle réalisée par les plantes, mais en utilisant ici un matériau synthétisé : des membranes d'oxyde métallique autoportées. On parle ainsi de « photosynthèse artificielle ». (NDLR : autoportée signifie ici sans support, cette membrane est composée uniquement de Cu2O)
La deuxième partie consiste à évaluer la viabilité environnementale de cette solution technologique de réduction du CO2. J’effectue ainsi une Analyse de Cycle de Vie (ACV) sur ce procédé, pour quantifier son impact environnemental et juger sa potentielle contribution à la réduction du réchauffement climatique.
C’est une thèse vraiment axée pratique, avec une application à la fin. On voulait utilise des méthodes qui sortent un peu de l’ordinaire, et créer le procédé de A à Z, pour maîtriser au mieux son impact environnemental.

Photosynthèses naturelle & artificielle : transformer le CO₂ et l’eau (H₂O) en oxygène (O₂), rejeté dans l’air; ainsi qu'en glucose pour les plantes (leur source d’énergie) ou en méthane (CH4) ou autre molécule d'intérêt dans le cas de la photosynthèse artificielle.
- Comment es-tu accompagnée sur cette thèse ?
J’ai trois encadrant·es pour ma thèse : Céline Ternon et David Riasseto, tous deux maîtresse et maître de conférences au LMGP, et Damien Evrard maître de Conférence au GSCOP. J’ai ainsi des référents pour les différents aspects de ma thèse, mais je reste beaucoup en autonomie sur mon projet.
Sans oublier l’aide précieuse de mes stagiaires Elliot Savage, en 2e année à Phelma, et Augustine Terna en Master 2, qui est accueilli par le Département de Chimie Moléculaire.
Je fais également partie du groupe de jeunes de DéfiCO2, avec lesquels on partage des rencontres scientifiques comme des moments conviviaux au bar.

Le développement et l'évaluation du procédé de photo catalyse pour la réduction du CO2, mené par Soline
- As-tu déjà des résultats sur ton projet ? Quelles sont tes activités du moment ?
On a pu synthétiser notre matériau, des nanofils d’oxydes métalliques, que l’on a ensuite intégré sur des membranes auto-portées. On a des premiers résultats : notre procédé permet, par activation UV-Visible, de réduire le CO2 en CH4 (méthane, le gaz de ville), CO (monoxyde de carbone) et produire de l’H2 (hydrogène). Notre matériau peut en effet être utilisé pour plein d’applications, dont l’électrolyse de l’eau qui produit de l’hydrogène vert. En parallèle de la réduction de CO2, je teste ainsi la dégradation d’autres polluants grâce à ce matériau : antibiotiques, colorants de l’industrie textile, qui polluent tous les deux nos cours d’eau... Mais mon étude principale se concentre sur la réduction du CO2, et si on a des preuves que cela fonctionne, le procédé doit encore être optimisé.
J’ai par ailleurs commencé l’évaluation environnementale de mon procédé. On a déjà réussi à développer une synthèse utilisant des réactifs peu impactants et on a pu orienter notre choix avec l’ACV pour nous guider sur les potentielles améliorations pour diminuer encore l’impact de notre synthèse. On utilise des produits plus respectueux, comme par exemple le glucose, notre agent réducteur, biosourcé et biodégradable. On n’utilise pas de produits toxiques, pas de CMR, et on travaille dans des conditions dites douces – dans un milieu aqueux, à des températures inférieures à 100°C, à pression atmosphérique.
Il me reste encore à améliorer les propriétés de la membrane, et tester son efficacité pour la réduction du CO2.

Soline au laboratoire
- Pourquoi avoir choisi de faire une thèse, et pourquoi celle-ci en particulier ?
Je voulais faire une thèse car j’adore la liberté que la recherche offre. On apprend des nouvelles choses chaque jour. C’est aussi très diversifié dans les tâches, on ne reste pas statique : on manipule, on rencontre des gens...
J’ai choisi cette thèse car elle me permettait de travailler sur les matériaux dans une logique de dépollution, avec un côté très appliqué. DéfiCO2 me donnait également l’opportunité de développer mon réseau international, les autres du projet jeunes étant pour beaucoup originaires d’autres pays que la France. Mais aussi, j’avais déjà travaillé au LMGP dans le cadre d’un stage, donc je connaissais le laboratoire et le milieu de la recherche.
J’adore la liberté que la recherche offre. On apprend des nouvelles choses chaque jour. C’est aussi très diversifié dans les tâches, on ne reste pas statique : on manipule au laboratoire, on rencontre des gens...
- Que souhaiterais-tu faire une fois ta thèse terminée ?
Je me vois bien rester dans la recherche, faire un post-doc, puis pourquoi pas devenir enseignante chercheuse, car j’apprécie également beaucoup la transmission, l’enseignement.
(NDLR : Soline est très engagée sur les actions de sciences pour la société au sein de la communauté DéfiCO2. Elle a notamment vulgarisé sa thèse et présenté le métier de chercheuse à des élèves dans le cadre d’activités de médiation).
- Comment envisages-tu l’avenir vis-à-vis de ta recherche ?
Je pense qu’à l’avenir, le métier de chercheur·euse va évoluer, il faudra de plus en plus penser à l’éthique dans notre recherche. On commence déjà à se questionner sur les impacts environnementaux de la recherche, nos déplacements, etc.