Dans les arcanes de la marmotologie

Publié par Valentin Zulkower, le 6 janvier 2014   3.6k

Les marmottes étaient le snack des Isérois(es) préhistoriques, elles sont devenues une attraction touristique et un symbole de nos montagnes. Mais la cohabitation avec les humains reste difficile, y compris dans la région de Grenoble. Petite revue marmotologique.

Au Moyen-âge, des dresseurs capturaient des marmottons, les élevaient comme animaux de compagnie et leurs apprenaient des tours pour les montrer sur les places de village (1). Aujourd’hui les marmottes attirent toujours les foules, mais il faut aller leur rendre visite à domicile. Une aubaine pour quelques stations de montagne à qui la marmotophilie rapporterait plusieurs milliers d’euros de revenus par an (en place de parkings, etc.) (2).

Pourtant, sous leurs airs sympathiques, les marmottes peuvent être une véritable menace, et ne font pas toujours parler d’elles en bien. En 2010, par exemple, après de violents tremblements de terre, la Chine a lancé une alerte aux marmottes, porteuses de la peste bubonique. Plus récemment, en Colombie Britannique, les marmottes ont été désignées principales suspectes dans le crash d’un avion. Aux Etats-Unis, elles s’attaquent aux voitures (elles raffolent de l’antigel). En Europe, elles saccagent champs et prairies : « [à cause des trous creusés par les marmottes], trois de mes bêtes se sont cassé une patte », se plaint un éleveur Allemand au très sérieux journal Die Welt. Près de Grenoble, ce sont les éleveurs de Prapic (dans le Parc national des Ecrins) qui en ont marre des mottes. En creusant leurs prairies, les marmottes font remonter des cailloux qui endommagent les lames des machines de fauche (3).

Marmocalypse now ?

Et les marmottes ne sont pas en voie de disparition : elles sont chaque année plus nombreuses et plus grosses (4) ! Les relations de voisinage avec les humains ne sont donc pas prêtes de s’améliorer. Alors, comment enrayer la marmocalypse ? A plusieurs endroits la guerre a déjà éclaté, comme à Saint-Véran, où l’association foncière pastorale a mis les marmottes à prix (20 € par tête). Ailleurs, on a retrouvé des terriers incendié à l’essence.

En Chine, des chercheurs ont tenté d’utiliser des données sattelites pour estimer la distribution de marmottes sur le territoire et prévoir les prochains foyers épidémiques (5). Sur Youtube aussi, la résistance s’organise, on y trouve plusieurs tutoriaux pour fabriquer chez soi des pièges à marmotte. Là où la marmotte est un animal protégé, il faut agir de manière plus douce. A Prapic, les responsables du parc ont essayé de gentiment déménager les marmottes hors des prairies, mais sans succès. Ils ont alors essayé la nourriture aux contraceptifs, mais l’expérience a soulevé une vague d’indignation et a dû être arrêtée (3).

Dans le marmotton, tout est bon

Et si on les mangeait, ces marmottes ? Ce ne serait pas une nouveauté : des ossements retrouvés dans une cave du Vercors laissent penser que la marmotte était une nourriture de voyage appréciée des chasseurs préhistoriques (1). Jusqu’au XXème siècle, on faisait dans les Alpes de l’huile et des caleçons en peau de marmotte aux vertus antirumathisantes (1).

Aujourd’hui, sa chasse est très réglementée en France (en Isère, elle est autorisée quelques jours, en septembre, et dans le massif de Belledone uniquement (6)), et sa consommation très rare. Mais ce n’est pas forcément le cas ailleurs. La requête "marmot recipe" [ndlr : recette à la marmotte] retourne plusieurs milliers de résultats sur Google et est suffisament populaire pour être suivie par Google Trends depuis 2011.

Elle retourne par exemple cette recette mongole, le Boodog de marmotte : videz une marmotte bien fraîche, salez, remplissez-la de pierres chaudes et faites rôtir une bonne heure et demie. Il faut bien surveiller la cuisson, car la marmotte peut exploser à tout moment à cause de l’accumulation de vapeur. Nous n’avons pu trouver personne qui ait déjà mangé de marmotte, mais c’est encore la saison des pique-niques en montagne et vos retours au journal sont les bienvenus !

>> Références :

  1. Carine Tomé, Étude de la marmotte des alpes (Marmota marmota L.) et de son exploitation par les chasseurs de paléolithique final de la grotte Colomb (Méaudre - Vercors - France), TER de maitrise, Uni. P. Mendès France, 1998.
  2. J-L. Bosio. Aspects économiques des réintroductions de marmottes. D.E.A. , DAAE, Analyse et politique économiques, Économie rurale, spatiale, régionale, Dijon, 1994
  3. I. Mauz, C. Granjou. Une expérimentation contestée de contraception de marmottes. Natures Sciences Sociétés, 2008
  4. A. Ozgul, D.Z. Childs, M.K. Oli, K.B. Armitage, D.T. Blumstein, L.E. Olson, S. Tuljapurkar, T. Coulson. Coupled dynamics of
    body mass and population growth in response to environmental change. Nature, 2010; 466 (7305): 482
  5. M. X. Gao et al. Spatial prediction and analysis of Himalayan marmot plague natural epidemic foci in China based on HJ-1 satellite data. Science China, Earth Sciences. 2010.
  6. ARRETE No 2012178-0018 relatif à l'ouverture et la clôture de la chasse pour la campagne 2012-2013 dans le département de l'Isère.

>> Source : cet article est extrait du 3ème numéro de Chercheurs d'Horizons. Pour en savoir plus et télécharger le magazine, lire l'article de Joséphine : "Doctorants cherchent horizons passionnément"

>> Illustrations : Tambako The Jaguar, Andrew, eugene beckes, dfbphotos (Flickr, licence cc)