L’émotion de la découverte : résumé du signal « Wow ! »
Publié par Pierre Gachod, le 7 octobre 2021 2.5k
C'est la fête des sciences ! Et j’ai une histoire à vous raconter. Vous connaissez le signal « Wow !» ? Sa découverte a suscité beaucoup d’attention, et on en parle encore aujourd’hui.
Allez, on va parler de grandes oreilles, de 21cm et d’extraterrestres.
De la vie ailleurs ?
La recherche de civilisations extraterrestres, ça date pas d’hier. En 1959, G.Cocconi et P.Morrison publient un article intitulé "Chercher des communications interstellaires". Dans cet ouvrage, ils supposent plusieurs choses : La vie intelligente existe ailleurs dans l’univers, et elle souhaite contacter qui veuille bien l’entendre. Mieux, cette civilisation aurait ciblé notre soleil comme site viable de développement de la vie et attendent que l’on réponde à leurs tentatives de communication. Nos deux chercheurs se demandent alors : Quel serait leur moyen optimal pour communiquer ?
Ce moyen, selon ces chercheurs, est l’utilisation d’ondes électromagnétiques particulières.
En (très) bref, les rayons électromagnétiques englobent la lumière visible, les ondes radios, les UV, etc. Ils sont associés à des grandeurs qui leur sont propres comme la longueur d’onde ou la fréquence. Et l’avantage de ces rayonnements, est que certains sont capables de traverser le cosmos et notre atmosphère sans trop se dégrader.
Dans le cas de la lumière visible, ça nous permet de voir les étoiles. Mieux encore, l’image ci-dessous vous présente que parmi les rayonnements existants, certaines ondes radios peuvent facilement nous atteindre.
C’est sur ce type d’ondes que nos deux chercheurs s’attardent. Selon eux, si une civilisation veut envoyer un message, le mieux est d’utiliser une onde radio. Ils se sont donc penchés sur des ondes « idéales » pour traverser l’espace et les atmosphères sans trop se détériorer.
La raie d'hydrogène
En retirant les signaux radio trop coûteux en énergie, ceux trop facilement dissipables par les objets cosmiques, et ceux absorbés par tout et rien, la petite équipe fini par réduire les signaux potentiels à une petite fenêtre de tir, pour finalement sélectionner un signal radio de 21 cm de longueur d’onde (ou 1420,4 MHz de fréquence).
Ce signal est retenu encore aujourd’hui comme étant un candidat particulièrement intéressant. Ce, notamment parce que il est identique à la raie d'émission de l’hydrogène.
L’hydrogène est l’élément le plus abondant de l’univers. Et il peut spontanément émettre de la lumière qui a une longueur d’onde de 21 cm. C’est très rare, mais il y a tellement d’hydrogène dans l’univers connu qu’on observe ce signal. Il aide même à cartographier les nuages qui enveloppent nos galaxies.
De part l’omniprésence de cet élément dans l'espace, cette raie est censée être observable partout. Ce qui lui donne un caractère "unique" se démarquant des autres signaux. Toutes civilisations (si elles existent) souhaitant communiquer devraient alors être naturellement enclins à se tourner vers ce signal particulier. Que ce soit pour l'émission ou l'observation.
Aussi, un signal artificiel à 21 cm peut traverser l'espace sans se faire altérer, absorbé ou dévié par les nuages d'hydrogène ionisé, ou atomes d'hydrogène neutre disséminés à travers le cosmos. Ce qu'un autre signal n'est pas sûr de faire
En bref, les signaux artificiels à 21cm seraient les choix les plus probants pour la communication entre civilisations.
En se servant de l’article de 1959, Frank Drake (oui, celui de l’équation), propose avec d’autres astronomes de lancer le programme S.E.T.I. ou Search for ExtraTerrestrial Intelligence. Ce programme vise à chercher des traces, des signaux de civilisations hors de notre planète.
L’une des idées est de créer des radiotélescopes, de s’asseoir et d’écouter le ciel. Plusieurs ont été construits et dès 1979 on interdit l’utilisation terrestre de signaux à 21cm. Pendant près de 20 ans, la patience des acteurs de SETI fut mise à rude épreuve.
La grande oreille du SETI
Notre histoire nous donc amène en Ohio, en 1977. On y a construit, dans
le cadre du projet SETI, « Big Ear ». C’était un
radiotélescope qui avait pour but de capter tout signal radio à une
longueur d’onde de 21 cm (ou fréquence de 1 420,4 MHz ).
Enregistrer un signal du cosmos 24h/24 aurait représenté une quantité astronomique d’information à stocker, l’équipe en charge du radiotélescope a donc fait autrement.
À cause de la sensibilité de l’appareil, de restes du big bang et de l’environnement autour de Big Ear, il y a toujours un faible signal à 21cm que l’on peut capter. Mais celui ci n’est pas associable à un nuage gazeux ou quoi que ce soit d’intéressant : c’est un bruit de fond, et il constitue la base de comparaison pour tout signal détecté.
Pendant 10 secondes, Big Ear enregistre le ciel. Il fait une moyenne de l’intensité du signal capté par rapport au bruit de fond en deux secondes et imprime le résultat. Ainsi, toute les 12 secondes on est capable de savoir si un signal se démarque ou non.
Sur une feuille de papier, l’ordinateur imprime un caractère qui correspond à l’intensité relative du signal à 21cm :
- Si le signal est indiscernable du bruit de fond, aucun caractère n’est imprimé.
- Si l’intensité relative du signal est entre 1 et 1,999… fois plus élevée que le bruit de fond, la machine imprime 1.
- Si elle est entre 2 et 2.999… Big Ear imprime 2, et ainsi de suite jusqu’à 9.
- Au delà de 9.9999 d’intensité par rapport au bruit de fond, l’ordinateur imprime A (10 à 10.99 fois plus intense) et en suivant (B, C...).
En temps normal, le signal va rarement plus loin que 9. Et les signaux détectés sont dû à la présence naturelle de la raie d'émission de l'hydrogène évoquée dans la section précédente. L’image ci-contre vous montre à quoi ressemble un « enregistrement » de Big Ear. En lisant les colonnes de haut en bas, on a un exemple de comment est imprimé toute les 12 secondes l’intensité relative d’un signal.
Briser le silence
Comme vous l'avez vu, les signaux sont rarement intenses. Mais
tout a basculé le 15 août 1977. Alors que le cosmos était aussi
« muet » que d’habitude, Big Ear a détecté un signal
anormalement intense. Et quand je dis intense, je dis 30 fois plus
intense que le bruit de fond. Brisant un sinistre silence, un signal
à 6 est détecté, pour monter à U, puis redescendre à 5, puis 1.
Ce pic fut tellement surprenant que lorsque J.R. Ehman, alors en charge de regarder les résultats, tomba sur ce signal, il ne put s’empêcher de l’entourer au feutre et mettre « Wow ! » comme commentaire.
Imaginez ce qu’il devait ressentir ! Cela faisait 18 ans que le programme SETI avait débuté. Et jusqu’à ce point, aucune détection n’avait eu quelque chose de pareil. Mais il fallait reprendre ses esprits.
Ehman s’est donc dépêché de focaliser l’écoute du ciel sur la zone d’où le signal surnommé « Wow ! » venait. Mais plus rien. Le même bruit de fond qu’il connaît déjà trop bien. Le signal fut unique, et la communauté scientifique a dû travailler avec le peu qu’ils avaient.
Une énigme de 44 ans
Et au final ? Que sait-on du signal « Wow ! » ? Il correspond à une onde radio à 21cm de longueur d’onde. Le radioastronome nous résume qu’il dure 72 secondes, que sa forte intensité suit une schéma de courbe en cloche. Enfin, la conception de Big Ear impose deux localisations possibles du signal dans la constellation du sagittaire.
L’emballement médiatique et scientifique fut violent. Encore aujourd’hui, l’origine du signal fait débat. Depuis ce fameux 15 août, les possibilités se sont écartées les unes après les autres. Le signal ne serait pas une interférence terrestre. Une étude sur les satellites autour de la terre à ce moment là n’indique que personne n’utilisait une telle fréquence radio.
Une réception directe d’une antenne terrestre aurait donné un signal de forme légèrement différente. Concernant les localisations du signal, elles sont dénuées de tout objet céleste notable (À l’exception de quelques comètes). J.R. Ehman détaille toute l’histoire sur une page web et rend compte de 30 ans de recherches et débats. Je vous conseille d’y jeter un coup d’œil à l’occasion.
Aujourd’hui, trois hypothèses semblent ressortir. La première
est celle d’un signal terrestre très particulier. Quelqu’un
aurait émis au sol un signal à 21 cm, qui aurait atteint l’orbite
terrestre, rebondi sur un débris spatial métallique fortuitement
orienté pour revenir sur Terre et être détecté par Big Ear. Hypothèse improbable, mais non réfutable.
La deuxième est celle des comètes à hydrogène observées près d’un des points de localisations. Une analyse du signal émis par ces dernières ont révélées entre 2015 et 2017 un signal en cloche, comme en 1977. Mais l’intensité n’est pas comparable ( 4.76 en 2017 contre 30 en 1977). De plus, la piste exclue une des deux localisations possibles du signal. Enfin, compte tenu de la vitesse de déplacement des comètes dans le ciel l’équipe de Ehman aurait dû détecter plusieurs fois le signal « Wow! ».
Malgré une hypothèse de perte de masse, la piste des comètes ne fait pas consensus (vous avez accès à ces travaux plus haut).
Enfin, vient la dernière hypothèse : le signal serait artificiel et vient de la constellation du sagittaire. Très improbable… mais non réfutable à ce jour.
La complexité de l’évènement, et l’émotion de cette découverte fut telle que encore aujourd’hui, on rêve dessus, on cherche dessus. Cette histoire reste à ce jour, malgré les débats, ce qui s'approche le plus d'un indice de vie extra-terrestre.
Mais selon vous ? Le signal « Wow ! » a quelle origine ?
Erratum: La section sur la raie d'hydrogène a été refaite. Une mauvaise tournure de phrases semblaient faire comprendre que le lien entre choix de signal à 21cm et raie d'hydrogène était fortuit. Ce qui n'est pas le cas.
Article mis à jour le 21/10/21