Communauté

Humagora

Vulgarisation scientifique et astrotourisme dans les Alpes du Sud

Publié par Lionel Favier, le 9 décembre 2020   2.2k

L’atelier 3 des Journées d’étude « Culture scientifique et transition touristique : quels enjeux pour les territoires alpins ? », qui s'est tenu le 25 novembre 2020, nous emmène dans les étoiles. Les deux intervenants sont tous deux Haut-Alpins et présidents de leurs associations respectives : Héloïse Granier pour Adara basée à Barcelonnette en Ubaye et Jérôme Astreoud pour Copernic près de Gap.

Astronomie et sensibilisation à l’écologie

Les deux associations se sont donné pour mission la promotion de l’astronomie auprès de tous les publics, adultes ou plus jeunes. Elles proposent des soirées d’observation du ciel étoilé et des conférences sur le thème de l’astronomie, mais aussi des activités de vulgarisation plus générale des sciences pour l’association Copernic.

Héloïse Granier et Jérôme Astreoud sont d’accord pour dire que cette activité d’observation des étoiles a tout d’abord été pour eux une passion qu’ils assouvissaient dans les Hautes-Alpes, dont le ciel est particulièrement pur par rapport à celui des départements voisins plus urbains, et donc propice à cette activité. En 1991 était lancée la première nuit des étoiles. Ce rendez vous annuel a popularisé l’observation des étoiles dans la population. Il s’agit aujourd’hui d’un évènement majeur estival pour les apprentis astronomes mais aussi pour les astronomes les plus aguerris. Les associations Adara et Copernic se situent dans cette dynamique depuis leur création. Nos deux invités témoignent d’ailleurs l’intérêt croissant des populations pour leur ciel nocturne. Héloïse Granier mentionne même qu’il s’agit maintenant d’un support important pour l’écologie au sens plus large.

Une Réserve de Ciel Etoilé dans les Hautes-Alpes ?

Tous deux nous parlent ensuite de la candidature du département, dont fait partie l’Ubaye, à une labellisation de Réserve Internationale de Ciel Etoilé (RICE). Le label RICE est délivré par l’International Dark-Sky Association (IDA), une association américaine à but non lucratif qui s’est donné la mission de préserver et protéger l’environnement nocturne grâce à un éclairage extérieur de qualité. En France, il existe déjà 3 RICE : une englobant l’observatoire du Pic du Midi dans le Parc National des Pyrénées, une dans le Parc National des Cévennes et une dernière dans le Parc National du Mercantour. L’obtention de ce type de labels est dépendant des efforts faits par les territoires pour diminuer l’éclairage public et la pollution lumineuse qui vient perturber l’observation des étoiles.

Héloïse Granier est également animatrice Natura 2000, dont le rôle dans la coordination de différentes actions relatives à la préservation, dans la gestion et la valorisation du patrimoine naturel, est tout a fait complémentaire de ses activités liées à l’astrotourisme. Elle voit ainsi d’un très bon œil la candidature à cette labellisation. Il est en effet tout à fait cohérent de contribuer à la protection de la biodiversité tout en étant attentif aux impacts de l’éclairage public nocturne, qui a massivement augmenté ces dernières années. Héloïse Granier trouve très important de sensibiliser les publics à ces enjeux.

Jérôme Astreoud mentionne également le fait que l’éclairage représente 80 % de la facture d’une commune, et qu’il s’agit d’un argument important à mettre en avant pour tenter de le limiter, d’autant plus que les aides attribuées par l’état aux territoires diminuent depuis plusieurs années. Pour cela, il nous dit que la plupart des politiques sont demandeurs de la mise en place de RICE, qui permettent vraiment de donner une belle impulsion à la cause sous couvert de valorisation du territoire à l’échelle nationale et internationale, ce qui peut attirer des touristes, Français et étrangers. L’association Copernic organise des conférences pour passer le message à propos de la labellisation. Mais d’après Jérôme Astreoud, il est très difficile d’éteindre les lumières en ville, et une des raisons à cette difficulté est une certaine peur de l'obscurité dans la population.

Une labellisation contraignante mais génératrice de changements

L’IDA n’est pas le seul organisme à délivrer des labels dans le but de protéger ce patrimoine un peu particulier qu’est le ciel étoilé. Il existe par exemple la Starlight Foundation qui met beaucoup en avant ses labellisations comme lieux de tourisme scientifique nocturne. Mais quel est l’apport concret de ce type de label exactement, et y a-t-il un risque de course aux labels qui serait là pour attirer les astrotouristes et générer de l’activité économique, mais sans grand intérêt pour l’environnement ? La question a été posée à nos deux invités.

Héloïse Granier nous répond que la labellisation n’est pas qu’un tampon sur un bout de papier, qu’il y a un cahier des charges assez conséquent à respecter, ainsi que des exigences de résultat. Et Jérôme Astreoud de rajouter que la labellisation n’est pas définitive, et que chaque année les communes se doivent de poursuivre leur action pour être dans les clous du label.

Quid du rapport entre une labellisation RICE et les missions de médiation et de diffusion des sciences liées à l’astronomie ? Héloïse Granier nous répond que la grille d’évaluation du label pousse les acteurs des territoires à déployer une continuité pédagogique, car non content de devoir diminuer la pollution lumineuse, ils doivent également mettre en place des actions concrètes de sensibilisation des populations.

Nous donnons le mot de la fin à Jérôme Astreoud par rapport à l’impact du tourisme astronomique sur la mise en place de ces labels de ciel étoilé. D’après lui, l’astronomie, le mystère de ces objets célestes que l’on a toujours connus, qui semblent si proches de nous mais qui en sont à la fois si éloignés, tout ceci fait rêver et pose la question vertigineuse de notre place dans l’Univers. Néanmoins, Jérôme Astreoud mentionne le fait que nous avons aujourd’hui énormément d’informations sur l’impact de la pollution lumineuse et que donc, même sans les pratiques d’astronomie, ce label pourrait être tout aussi bien mis en place. Mais tant mieux si l’astronomie lui donne un bon élan.

Article rédigé par Lionel Favier et Mathilde Verrot, étudiants en Master 2 de communication, cultures scientifiques et techniques de l’Université Grenoble Alpes.

Crédits photo : FelixMittermeier de Pixabay

Quelques ressources complémentaires

Association Adara : https://adaraubaye.wixsite.com/home

Association Copernic : https://www.asso-copernic.org/

Site internet de l’International Dark-Sky Association : https://www.darksky.org/

Réserve Internationale de Ciel Etoilé du Pic du Midi : https://picdumidi.com/fr/pic-du-midi/rice

Les journées d’étude « Culture scientifique et transition touristique : quels enjeux pour les territoires alpins ? ». Du 24 au 26 novembre 2020 : https://maestro.hypotheses.org/1027