Les Grands Moulins de Villancourt : arts, sciences & société

Publié par Marion Sabourdy, le 25 novembre 2013   3.9k

En octobre dernier, nous avons rendu visite à Laurent Ageron au Village des sciences de Pont-de-Claix. Il nous a présenté le projet scientifique et culturel des Grands Moulins de Villancourt.

Du 8 au 13 octobre dernier, la ville de Pont-de-Claix participait pour la troisième fois à la Fête de la science (FdS) en installant son Village des sciences dans les Grands Moulins de Villancourt. Nous avons rendu visite à Laurent Ageron, Chef de projet les Grands Moulins de Villancourt, qui nous a parlé de cette édition de la FdS ainsi que du projet scientifique et culturel des Moulins, qu’il développe actuellement avec une équipe et des partenaires déjà nombreux.

Quel est le bilan de la FdS 2013 à Pont-de-Claix ?

Dans l’ensemble, nous sommes satisfaits, tout comme nos partenaires. C’était la première fois qu’on accueillait des scolaires et nous avons fait le plein avec 417 enfants ! Nous avons même du refuser six écoles… Seul petit bémol, nous n’avons pas eu de lycée. Au total nous avons accueilli plus de 1000 personnes [ndlr : contre 641 lors de la précédente édition en 2011], surtout des familles.

La journée pour les scolaires est celle que j’appréhendais le plus à cause du nombre de personnes accueillies mais au final les enseignants sont partis enchantés. Les chercheurs qui tenaient les stands sont convaincus que leur présence avait un sens. L’un d’entre eux m’a dit avoir vu les yeux des enfants pétiller.

Les Grands Moulins n’étant pas encore aménagés, le lieu est encore peu adapté à ce type d’événement. Du coup il était dur de le valoriser. Les visiteurs sont beaucoup passés d’un lieu à un autre mais ce caractère éclaté peut aussi être une force ! En somme, il y a encore des choses à améliorer mais nous sommes prêts à repartir dans deux ans !

Peux-tu nous en dire plus sur le projet des Grands Moulins ?

Le programme scientifique et culturel est maintenant écrit. Il consiste en un croisement entre arts et sciences de la Terre, de l’Univers et de l’Environnement autour des nouvelles formes artistiques comme l’image et la musique. La première concrétisation de ce programme est « l’Observatoire des mouvements ». Il s’agit d'une série de supports de médiation dont la création de prototypes de mobilier urbain, des chaises orange qui seront posées dans la ville de Pont-de-Claix comme autant de lieux d’observations.

Deux premières chaises ont été livrées lors de la FdS et 8 à 10 supplémentaires le seront bientôt afin que nous puissions organiser des événements (lectures publiques, concerts, etc.). La compagnie de danse Scalène prépare également une chorégraphie autour du mouvement et des déplacements dans la ville. Nous souhaitons mobiliser le public autour de ces créations, par exemple en lui proposant de partager ses photos et en créant des time-lapse.

Les chercheurs dont tu parles plus haut viennent de l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Grenoble (OSUG). Vous avez un partenariat avec eux ?

Oui, l’OSUG était déjà bien présent en 2011 et l’objectif de 2013 et du futur est de faire monter en puissance ce partenariat avant l’ouverture des Grands Moulins. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place une journée scolaire et soigné la scénographie en faisant appel à un scénographe pour valoriser chaque espace selon sa thématique et passer d’une ambiance à une autre (pôles, planète Mars…). L’OSUG a fait un gros travail en interne avec ses chercheurs au sujet de la médiation pour les inciter à participer à la FdS et la réaction du public les a confortés. A travers l’OSUG, l’Université Joseph Fourier et le CNRS ont missionné chacun un chercheur pour travailler plus particulièrement sur le projet.

Quels sont les autres acteurs impliqués dans le projet ?

Les Chantiers Nomades font également partie du cœur de notre projet. Ils travaillent sur la formation professionnelle des artistes du spectacle vivant et du cinéma. Le Pôle Musical d’Innovation est davantage sur le numérique et les performances artistiques. La dimension formation, tout comme les nouvelles technologies du son et de l’image sont très importantes dans notre projet. Nous associons également la Casemate, l’Amphithéâtre du Pont-de-Claix et l’école de Musique Jean Wiener.

Le projet semble très orienté « arts et sciences ». Quelles nouveautés par rapport à ce que propose par exemple l’Atelier Arts-Sciences ?

Nous nous positionnons sur une approche plus « grand public » et participative, moins dans la conceptualisation. Nous souhaitons associer très tôt la population aux créations, avec un côté très ludique. Notre programmation et nos thèmes (astronomie, planétologie, géophysique, etc.) se veulent complémentaires des autres acteurs de l’agglomération. Nous visons plutôt des expositions temporaires accompagnées d’ateliers aux Grands Moulins et des dispositifs plus permanents dans le reste de la ville.

Les bâtiments des Grands Moulins ont besoin d’un « rafraichissement ». A quoi ressembleront-ils dans quelques années ?

Nous en sommes tout juste à l’étude de faisabilité. Un concours d’architecture pourrait être lancé à la fin de l’année 2014 pour réhabiliter les bâtiments pour une ouverture prévue en septembre 2017. Nous souhaitons installer un planétarium, un plateau de création et une salle de conférence pour accueillir des séminaires et des conférences scientifiques, par exemple des chercheurs de l’OSUG.

Le planétarium pourra accueillir 100 à 120 personnes avec une programmation sur l’astronomie mais aussi sur d’autres thèmes, comme l’environnement. Nous sommes en contact avec les planétariums de Vaulx-en-Velin et Saint-Etienne et avons rejoint un groupe de travail qui compte les plus grands planétariums français. Cela nous permet d’aborder les questions de mutualisation de moyens, de production de films, d’accueil des publics, de médiation mais aussi les questions plus techniques comme le choix d’image (3D, image mécanique VS numérique, etc.).

Le futur plateau de création sera principalement destiné à la formation des artistes, des médiateurs et plus largement des professionnels en contact avec le public, potentiellement en résidence et en partenariat avec les Chantiers Nomades et des structures de culture scientifique (La Casemate, la Rotonde à Saint-Etienne, la ville de Gardanne).

Quel est ton parcours ?

J’ai été pendant plusieurs années musicien à Paris. A cette époque, je me suis rendu compte que beaucoup de « collègues » étaient dans la même problématique que moi : comment faire connaître ma musique, développer mon groupe, structurer mon projet, etc. L’idée que tout devait se faire dans la capitale était déjà fausse il y a 20 ans. Elle l’est encore plus à l’heure des nouvelles technologies.

L'arrière du bâtiment des Grands Moulins de Villancourt

J’ai ensuite créé l’association Rocktambule, devenue Pôle Musical d’Innovation, j'ai été bénévole puis salarié. Je souhaitais aider les groupes à structurer leur projet pour être plus fort et se faire connaître. Beaucoup de groupes grenoblois étaient très méconnus malgré leur qualité musicale et les gens étaient étonnés d’apprendre que de très bons artistes vivaient dans la même agglomération qu’eux ! L’association a pour mission de les faire connaître et de les estampiller « scène locale ».

Ca a du être un sacré changement à ton arrivée aux Grands Moulins ?

Il est vrai que je ne connaissais absolument pas le monde des sciences avant. Je l’ai découvert en 2009 quand la ville a décidé de lancer ce projet et m’a sollicité. J’ai alors participé à des réunions avec des astrophysiciens et des planétologues ! J’ai eu besoin d’un temps d’adaptation mais c’étaient vraiment des rencontres fabuleuses.

Je me retrouvais avec des personnes qui évoluaient dans des environnements très différents du mien. Mais au fil de l’évolution du projet, on retombait tous sur les mêmes interrogations : comment partager nos passions avec la population ? C’est extraordinaire que deux univers qui ne se côtoient pas se découvrent des objectifs communs. Cela m’a motivé et m’a donné envie de m’investir dans le projet, en vivant cela comme un prolongement de mon parcours et non comme une rupture.

>> Pour aller plus loin : lire l'article de Camille Cocaud "Rocktambule 2012, C2C et les papeteries de Pont-de-Claix"

>> Illustration : Marion Sabourdy, Laurent Ageron