Lumière sur Grenoble

Publié par Léa Bolliet, le 31 décembre 2012   16k

Grenoble est une ville polluée. Pas seulement par les pets de vaches ou les pots d’échappement des voitures, mais par la lumière artificielle. Tout comme la pollution de l’air, celle-ci est mauvaise pour la santé et l’environnement. 

Grenoble est une ville polluée. Pas seulement par les pets de vaches ou les pots d’échappement des voitures, mais par la lumière artificielle. Tout comme la pollution de l’air, celle-ci est mauvaise pour la santé et l’environnement.

Le premier juillet 2012 devait entrer en vigueur un arrêté gouvernemental permettant aux pouvoirs publics d’économiser 2 térawatts (Twh) chaque année soit la consommation énergétique annuelle d'environ 400 000 habitants, un peu moins que la ville de Lyon. Comment ? En encadrant l’éclairage public des « zones non résidentielles et des enseignes publicitaires ». Aujourd’hui, seules les nouvelles enseignes et publicités lumineuses doivent être éteintes entre 1h et 6h du matin. Pour ce qui est des zones non résidentielles l’arrêté à été soumis à consultation publique et pourrait entrer en application au 1 janvier 2013.

Suite à la manifestation de cet automne Jour de la Nuit (1), un petit rappel s'impose sur le cas de la pollution lumineuse. La lumière des villes dérange, et pas seulement les astronomes. Véritable fléau pour la faune et la flore, elle peut aussi l'être pour les humains. Mais, c'est avant tout un gouffre énergétique considérable.

Un éclairage public mal réglé entraîne des consommations énergétiques inutiles. Prenons les lampadaires « boules », certes plus esthétiques, ils illuminent tout sauf le sol. La boule renvoie la lumière vers le ciel en non vers les passants. La question de la durée d’éclairage se pose aussi. Faut-il par exemple illuminer les rues et places toute la nuit, ou seulement pendant une partie ? La ville de Fontaine a fait l’expérience, éteignant son éclairage public entre 2h et 4h du matin, d'avril à juin 2010. Cela a permis à la ville d’économiser sur un mois 20% de son budget consacré à l’éclairage public.

Mise à part la solution radicale de tout éteindre pour faire des économie et, donner du répit aux animaux nocturnes, il existe d'autre moyens, moins « extrêmes ». Par exemple, il est facile de remplacer les ampoules obsolètes et énergivores par des lampes basses consommation. La rénovation de l'éclairage public à la Villeneuve a donné lieu à une économie d’énergie de 40 à 60%.

En ce qui concerne les incidences sur la faune et la flore, elles sont nombreuses. La lumière artificielle perturbe le cycle biologique des plantes et animaux. Par exemple, les branches d'arbre exposées aux lampadaires « boules » de la place Docteur Martin fleurissent plus vite et plus longtemps que les autres. Ces mêmes lampadaires sont de véritables pièges à insectes. Chaque nuit, ils sont des millions à mourir épuisés ou… grillés. A long terme c'est toute la chaîne alimentaire qui s'en trouve bouleversée. Grenoble c'est 36 000 arbres et 48 000 lampadaires. Classée rouge sur l’échelle de Bortle (2) la capitale des Alpes, comme de nombreuses autres villes, a grand besoin d'un peu d'obscurité.

Et les hommes dans tout cela ? Chaque année la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature), une association de protection de la nature militant contre la pollution lumineuse, recueille de nombreux témoignages sur les nuisances lumineuses. Certains riverains isérois, comme « Eilers » de Voiron, dénoncent le gaspillage lié à l’éclairage des « parkings désert ». D'autres comme Q. Lemonier de Saint-Cassien sont encerclés par des lampadaires et bénéficient d'un « éclairage interne » et gratuit de leur chambre.

La pollution lumineuse n'est pas seulement due à l’éclairage public. L’éclairage publicitaire joue également son rôle. En plus de contribuer à illuminer la nuit il constitue une sorte de pollution visuelle. A Grenoble, le soir, le Clan du néon (un groupe d’activistes prêchant pour une nuit noire et un ciel étoilé), arpente les rues de la ville pour éteindre – sans violence - les enseignes publicitaire et redonner au paysage nocturne un semblant de vie, dans un souci de respect de l’environnement et d’économie d’énergies.

>> Notes

  1. Le Jour de la Nuit est une opération national de sensibilisation à la pollution lumineuse, à la protection de la biodiversité nocturne et du ciel étoilé. Il permet une découverte ludique de la faune et de la flore et l’observation des étoiles avec des astronomes avertis
  2. Echelle mesurant la pollution lumineuse en fonction des étoiles visibles à l’œil nu. Le rouge correspond à un ciel très pollué où on distingue à peine la voie lactée et quelques étoiles

>> Illustrations : NASA's Marshall Space Flight Center (Flickr, licence cc), photo de Grenoble par Doudou