Adapter les services énergétiques en fonction des nouvelles aspirations des consommateurs : la rénovation énergétique en copropriété

Publié par Léa Bolliet, le 6 novembre 2020   1k

La rénovation énergétique est un enjeu majeur de la transition énergétique en France et en Europe. Si depuis plus de dix ans des programmes dédiés visent à accélérer les travaux de rénovations énergétiques, les résultats tardent à venir. Comment faire évoluer les pratiques et faire en sorte que les difficultés rencontrées ne tuent pas le gisement réel d’économie d’énergie et de réduction de gaz à effet de serre (GES) ? L’objet de cette recherche est de tester de nouveaux services qui permettraient d’accélérer le chantier de la rénovation énergétique dans le cas d’un bâtiment en copropriété privée.

Depuis maintenant plusieurs années, il est bien établi que le secteur du bâtiment –qui représente en France 44 % de la consommation finale d’énergie et 27 % des émissions de gaz à effet du pays - est un champ d’action stratégique pour la transition écologique. Les politiques nationales dans ce domaine fixent des objectifs :

  •  énergétiques, avec une diminution de 20 % de la consommation d’énergie finale en 2030 par rapport à 2012  pour ce secteur ;
  • et climatiques, avec la décarbonation quasi-complète du secteur d’ici 2050, notamment par le passage de l’ensemble du parc au niveau Bâtiment Basse Consommation (BBC).

 Les feuilles de route existent mais les résultats tardent à venir. Par exemple, la Commission européenne vient de dévoiler son plan Renovation wave » dans lequel elle appelle à doubler le taux de rénovation d’ici 2030. Les freins à cette rénovation énergétique sont multiples, en particulier dans le cas de travaux de rénovation dans les bâtiments en copropriété où la complexité du processus de décision et de mise en œuvre est décuplée.

La Chaire Energy for Society, au travers de ce projet, analyse en détail les différentes défaillances de marchés rencontrées dans le cas précis de travaux de rénovation d’un bâtiment en copropriété privée. Elle cherche ainsi à identifier les caractéristiques clés qui permettraient de faire évoluer ou faciliter le processus décisionnaire des copropriétaires à engager ces travaux.

Valoriser les co-bénéfices de la rénovation énergétique

Dans une période où beaucoup de gens remettent en cause la pertinence d’accélérer la transition énergétique via la rénovation énergétique, il est important de mettre en avant et de valoriser les co-bénéfices de telles actions. En effet, les mentalités changent et les citoyens sont de plus en plus sensibles au réchauffement climatique et plus enclins à faire des efforts – de changement de comportement comme d’investissement économique – pour protéger la planète. Aussi, il faut éviter que les difficultés rencontrées aujourd’hui soient perçues comme contre-productives ou rendent ambigüe la perception des impacts et tuent le gisement réel que représente la rénovation énergétique pour les économies d’énergie et la réduction des émissions de GES.

Prendre en compte les nouvelles aspirations

Les chercheurs supposent que l’argument principalement mis en avant jusqu’à présent – à savoir celui des économies d’énergie, sous-entendu de rentabilité économique des travaux de rénovation énergétique – ne permet pas d’embarquer suffisamment les copropriétaires à engager ces travaux. Aussi, d’autres motivations ou freins sont en jeu, l’offre de rénovation doit pouvoir s’adapter en fonction de ces nouvelles aspirations.
 
Grâce aux résultats de l’étude, les chercheurs espèrent définir les principales caractéristiques d’un nouveau service (une nouvelle offre) qui permettrait d’accélérer les travaux de rénovation énergétique dans le cas d’un bâtiment tenu en copropriété, et qui idéalement pourrait inspirer les politiques publiques.

Cette recherche est basée sur une méthode empirique pour révéler les préférences des consommateurs vis-à-vis de nouvelles offres de services.

Dans un premier temps, une série d’entretiens semi-directifs (qualitatifs) avec des acteurs clés du secteur permettra d’identifier les caractéristiques principales (nommées ci-après attributs) du processus de prise de décision.

Puis, les résultats porteront sur l’analyse de données quantitatives issues d’expériences de choix discrets qui seront menées auprès de copropriétaires n’ayant pas réalisé récemment de travaux de rénovation énergétique.

Grâce à cette méthode, il sera possible de tester la sensibilité de copropriétaires face à différents services ou offres de rénovation énergétique qui permettraient de corriger une ou plusieurs défaillances de ce marché et éventuellement de définir de nouvelles politiques publiques.

La méthode des choix discrets 

Cette méthode (Discrete Choice Experiment en anglais ou DCE) consiste à présenter aux participants de l’enquête deux options ou plus, chacune caractérisée par des niveaux d’attributs différents (par exemple le montant ou la durée de l’investissement, l’impact sur le confort, les économies d’énergie espérées, l'impact environnemental, mode de remboursement soit un emprunt soit un remboursement via les charges de copropriété, le type d’entreprise en charge de gérer un tel service...), et à leur demander d’indiquer l’option qu’ils préfèrent.

Le DCE permet ainsi d’observer l’arbitrage que les individus effectuent, en situation de choix, entre les différents attributs qui leurs sont présentés. Cette méthode permet d'estimer la propension à payer (élasticité-prix) pour chaque attribut.

Les niveaux d'attributs choisis pour chaque scénario sont déterminés par un algorithme informatique qui maximise la quantité d'informations recueillies. Cette méthode expérimentale visant à révéler la sensibilité des consommateurs est fréquemment employée pour des ménages et s’appliquent parfaitement à notre cas d’étude.
 
Les résultats de cette recherche seront publiés sur notre site. Les premières conclusions devraient être disponibles au deuxième semestre 2021.

Chercheurs associés à cette recherche :

Marie-Charlotte Guetlein, Professeure Assistante à Grenoble Ecole de Management
Joachim Schleich, Professeur Senior à Grenoble Ecole de Management
Carine Sebi, Professeure Associée à Grenoble Ecole de Management et coordinatrice de la Chaire Energy For Society


NB : l’introduction de cet article est fortement inspirée de l’article publié par Carine Sebi et Patrick Criqui dans The Conversation « Rénovation énergétique, des obstacles à tous les étages »