Au fait, c'est quoi l'autisme ?

Publié par Julien Ridouard, le 21 juin 2015   18k

Au fait, c’est quoi l’autisme ? Voilà une question à laquelle il n’est pas simple de répondre, en France plus qu’ailleurs. Alors, je vous invite à partir avec moi pour tenter d’expliquer les mystères de ce handicap. Ne vous étonnez pas si je parle de Bénédicte, Marcel, Marie, Steven. Ce sont des enfants que j’ai rencontrés à l’association ALEPA qui œuvre sur Poitiers pour proposer des loisirs éducatifs pour des enfants autistes.

Alors, pour commencer, faisons un peu de grec si vous le voulez bien. Le terme, autisme, vient du mot grec « autos » qui signifie « tourné vers soi-même », le retrait sur soi.

Mais alors, aujourd’hui, c’est quoi l’autisme ?

C’est un trouble sévère et précoce du développement de l’enfant qui apparaît vers l’âge de 3 ans. Son origine est neurobiologique, c’est-à-dire qui provient d’un dysfonctionnement du système nerveux, du cerveau. C’est un handicap, et non une maladie, comme on peut le lire ici ou là (FuturaScience notamment). Un handicap, autrement-dit, on ne peut pas devenir autiste. L’autisme, ça ne s’attrape pas !!!

L'autisme est un handicap et non une maladie - Crédits Julien Ridouard

On parle de spectre autistique car il y a différents degrés d’autisme. Deux principales catégories existent : l’autisme de Kanner, et Asperger. L’autisme de Kanner constitue l’autisme le plus sévère. Il est très souvent accompagné de déficience mentale. L’enfant ne parle pas, ou très peu. A l’inverse, les enfants atteints d’autisme de type Asperger n’ont pas de déficience mentale, ils peuvent communiquer. Souvent, ils sont scolarisés dans des écoles ordinaires sans que cela ne leur pose trop de problème.

Deux grandes familles d'autisme - Crédits Julien Ridouard

C’est quoi le point commun dans l’autisme ?

Ces différents types d’autismes ont en commun trois principales altérations. On parle de triade autistique.

La première, c’est l’altération qualitative des interactions sociales.

Les autistes manquent de réciprocité socio-émotionnelle, de ressentir ce que l’autre ressent, de se mettre à la place de l’autre. On parle parfois de faiblisse de la théorie de l’esprit.

La deuxième altération touche la communication verbale et non verbale.

Pour les enfants de type Kanner, il y a souvent un retard important dans l’apprentissage de la langue. Certains ne parlent pas du tout. Ils ne comprennent pas la communication non verbale. Celle associé au corps, au visage et à l’intonation de la voix. Pour eux, le visage, c’est un vrai mystère. Et très souvent, les autistes ne regardent pas dans les yeux, c’est très perturbant.

Des études ont été menées sur le suivi du regard des personnes autistes. Des chercheurs ont étudié où se pose le regard d’une personne ordinaire et d’une personne atteinte d’autisme quand ils regardent un film. Ils se sont aperçu que la personne ordinaire regarde les yeux et la bouche des personnages pour comprendre leur expression, alors que les personnes autistes pas du tout. Ils ne vont pas se focaliser sur le visage et vont promener leur regard ou se focaliser sur un détail sans importance.

Etude du suivi du regard. Les points rouges de l'image de gauche correspondent aux points de fixation du regard d'une personne ordinaire regardant la photo d'identité. On peut voir que le regard se fixe principalement autour des yeux. L'image de droite illustre les points de fixation du regard d'un autiste sur la même photo. On voit nettement que le regard ne se fixe pas sur les yeux. Etude menée par Brendon Nacewicz de l’Université de Wisconsin-Madison aux Etats-Unis.

Les autistes ne comprennent pas l’ironie ni les implicites. Par exemple, un professeur demande à un enfant autiste « je peux voir ton cahier ? ». L’enfant va répondre « non » car son cahier est dans son sac. Le professeur ne peut effectivement pas voir le cahier. L’enfant ne comprends pas l’implicite qui est que le professeur souhaite que l’enfant lui donne son cahier.

La troisième altération est d’avoir des centres d’intérêt restreint.

C’est ce facteur qui fait penser parfois les personnes autistes comme surdouées. Car elles mettent toute leur attention, leur énergie sur un sujet précis. Par exemple un enfant va se focaliser sur l’Egypte ancienne. Il va apprendre tout par cœur sur ce sujet sur ses temps libre. Mais d’un autre côté, il ne va pas savoir interagir avec autrui qu’en parlant de ce sujet précis.

Que montrent les études scientifiques sur ces dysfonctionnements ?

La neuropsychologie a proposé trois modèles pour comprendre le fonctionnement cognitif des personnes autistes.

Le premier, c’est un déficit des fonctions exécutives. Un autiste va avoir du mal à planifier des actions à l’avance. Pour donner un exemple, Steven, un enfant autiste que j’ai rencontré, à 17 ans, il ne savait toujours pas se laver les mains. Il n’arrivait pas à planifier les actions du lavage des mains. Il faut lui décomposer chaque action. Il se lave tous les jours les mains mais à chaque fois, il faut lui rappeler qu’après s’être mouillé les mains il faut mettre du savon, puis se rincer les mains etc… déficit des fonctions exécutives.

Décomposer une action en petites actions plus simples peut aider à être plus autonome - Crédits Julien Ridouard

Le deuxième, c’est un déficit de la théorie de l’esprit. C’est le fait de se penser comme individu, de savoir que l’autre pense différemment de soi. En un exemple, quand un enfant veut de l’eau, il va le demander. Pour un enfant autiste de type Kanner, il ne va pas le demander car il ne sait pas que moi, je ne sais pas qu’il a soif, que je ne suis pas dans sa tête. Parfois, cela engendre des situations compliquées. Un enfant vient te voir et il attend. Et là, tu dois essayer de deviner ce qu’il veut. C’est compliqué.

Faiblaisse de la théorie de l'esprit - Crédits Julien Ridouard

Le dernier, c’est la faiblesse de la cohérence centrale. La cohérence centrale est la fonction qui permet de situer une information dans son contexte. Les personnes avec autisme privilégient le traitement du détail au détriment du tout. En neurobiologie, différents constats :

Dans le cerveau d’une personne autiste, le tissu cérébral, c’est-à-dire l’ensemble des noyaux des neurones semblent être plus petits et plus nombreux. Dans certaines parties du cerveau, il y a plus de 60% de cellules en plus par rapport à un cerveau typique. Il y a plus de cellules mais pas plus de liens neuronaux, sorte de fil qui relie les neurones entre eux, que l’on appelle les axones. Il y a moins de liens entre ces cellules. Le corps calleux, les fibres qui relient les deux hémisphères du cerveau sont en moyenne 15% plus petit chez les autistes. Il y a donc mois de connectivité.

Et les causes de l’autisme ?

Elles sont encore mal connues. Elles seraient principalement génétiques, parfois environnementales. Mais il est difficile, voire impossible de donner une cause commune. Elles sont multiples et différentes selon les individus. Certaines mutations de gènes ont été constatées, touchant l’architecture et le fonctionnement des synapses, la zone de contact entre deux neurones. Grace à l’évolution de la technique, il a également été constaté il y a quelques années des anomalies dans la copie de certains chromosomes. La multitude de ces anomalies traduit la multitude des troubles du spectre autistique.

Il faut avouer que la recherche dans ce domaine est relativement jeune. Il y a plus de 40 ans, l’autisme était considéré comme la conséquence d'une mauvaise relation de la mère à l’enfant. En quelques-sortes, que la mère avait du mal à couper le cordon avec son enfant, elle était responsable des troubles. On considérait l’autisme comme un pure trouble psychanalytique. Cette façon de penser l’autisme a longtemps persisté en France qui a freiné la recherche dans ce domaine. Pour conclure, Je dirais que l’autisme est un handicap d’origine neurobiologique.

Ré-écouter le podcast de l'émission ici :

>> Crédit photo : Schémas produit par Julien Ridouard pour cet article