Certificat sanitaire : la folle dérive totalitaire de l’Europe

Publié par Yannick Chatelain, le 8 avril 2021   3.4k

La traduction la plus limpide des propos de monsieur Breton est loin d’être une apologie de la liberté, elle se résume en ces quelques mots : « Grâce à ce carnet vaccinal vous êtes libre de décider d’être prisonnier ! »

Par Yannick Chatelain. Professeur Associé à Grenoble École de Management, GEMinsights Disseminator.

Le 2 avril 2021, le gouverneur de la Floride décidait d’interdire le passeport vaccinal si ce dernier devait voir le jour – un document certifiant que son détenteur a été vacciné contre le Covid-19 – au nom du respect des libertés individuelles.

Quelques jours plus tôt, le dimanche 28 mars Thierry Breton – commissaire européen chargé des vaccins – annonçait sur RTL que le certificat sanitaire pour voyager en Europe serait disponible d’ici à la mi-juin. Selon ce dernier, ce document permettra de faire un point sur l’état des personnes vis-à-vis du Covid-19, afin qu’elles puissent voyager en Europe, tout en précisant que le document ne serait pas obligatoire pour les citoyens de l’Union européenne :

Le certificat sanitaire européen pourra être demandé pour voyager, prendre un avion, participer à une manifestation importante ou encore entrer dans un lieu public. En l’absence de certificat, un test négatif pourra être demandé […] retrouver la capacité de vivre ensemble sans être un risque

Carnet sanitaire : comment faire de la victime son propre bourreau

Nonobstant cette trajectoire de carnet sanitaire décrétée de façon aussi désuète et péremptoire par le commissaire européen au Marché intérieur à l’antenne d’une radio nationale, ce dernier, en charge de la livraison des vaccins, prenait également date en misant sur la hausse des livraisons des vaccins et fixant une date en ces termes :

"Prenons une date symbolique : le 14 juillet nous avons la possibilité d’atteindre l’immunité au niveau du continent"

Que dire d’une telle assertion ? Comme l’écrivait Hannah Arendt « La stupidité n’est pas une absence de pensée ». L’insulte n’ayant jamais eu valeur d’argument, soyons très clair à ce sujet :  je distingue ici le discours général au nom de l’Europe de l’homme ! Si la teneur du propos pourrait éventuellement prêter à sourire et être qualifié par certains de stupide, il ne l’est pas ! La problématique est tout autre et doit alarmer.

Le discours tenu par ce commissaire européeen et supposé justifier un passeport vaccinal est un pur produit de la novlangue politique contemporaine friande de « en même temps » permettant à ceux qui y ont recours de faire cohabiter dans un même énoncé le tout et son contraire, ou pire encore, comme dans le cas présent, ni plus ni moins que de faire de la victime son propre bourreau.

La traduction la plus limpide de l’ensemble des propos tenus par monsieur Breton est loin d’être une apologie de la liberté, elle se résume en ces quelques mots :

"Grâce à ce carnet vaccinal vous êtes libre de décider d’être prisonnier !"

C’est là une façon pour le moins alambiquée pour tenter de rendre l’inacceptable acceptable que d’adjoindre la notion de pas obligatoire à des privations. Le « et en même temps » donne ici sa pleine mesure : les récalcitrants à ce carnet étant condamnés à vivre – si nous allons plus avant – en paria « parfaitement libre » de ne pouvoir vivre normalement.

Europe : la banalité du mal rôde !

Outre le fait que monsieur Breton, sans aucun fondement scientifique, ait annoncé que le 14 juillet, c’en serait probablement fini de la pandémie, sans jamais pondérer son propos hormis conditionner ce calendrier « feu d’artifice national » à une livraison massive de vaccins au niveau européen. Cette nouvelle initiative des 27 États membres, sans la moindre consultation des peuples n’est pas seulement inquiétante. Elle est effrayante.

Est-il utile de rappeler à monsieur Breton et à ses pairs qui si l’assertion d’une immunité collective à la date prédite fait sens, alors cette réussite incombe aux représentants des 27 États membres ?

Est-il utile de noter que cette immunité collective promise inscrirait ipso facto ce douteux et pérenne carnet sanitaire dans un inextricable non-sens ?

Est-il utile de souligner à qui n’aurait pas véritablement compris la gravité de la situation que la dynamique engagée par l’Europe par la voix de ce député européen  n’est pas sans rappeler le sinistre chemin de la banalité du mal qu’a vainement tenté d’expliciter Hannah Arendt à ses détracteurs et aux autres !

Le rappel de cette formule d’Arendt ne s’adresse pas seulement à monsieur Breton mais aux administrations publiques européennes qui, loin de remettre en cause leur gestion calamiteuse de la vaccination des Européens ont désormais  prétention à fabriquer et imposer un document inédit, un document pérenne, intégrant des données sensibles (quelles sont celles qui suivront ?), gravement attentatoires aux libertés individuelles les plus fondamentales.

Ainsi en 2021,  sous couvert d’endiguer une pandémie, 705 hommes et femmes sont en train de décider pour 446 millions de personnes des prérequis pour pouvoir vivre normalement…

En procédant ainsi l’Europe fait à mon sens fausse route, elle se déjuge doublement : faute d’avoir été en mesure d’assurer une logistique vaccinale à la hauteur des enjeux sanitaires elle a prétention à inverser les responsabilités pour reprendre la main par la contrainte.

Les propos tenus par monsieur Breton, donc de l’entité Europe, relèvent peut-être à son corps défendant de l’idéologie telle que l’avait définie Hannah Arendt sous des cieux désastreux :

  • la prétention à tout expliquer,
  • la prétention à accéder à une vérité tellement absolue qu’elle ne peut être démentie par aucun raisonnement ni aucune expérience,
  • la mise en œuvre d’une logique dont la cohérence est telle qu’elle ne se trouve jamais dans la réalité, laquelle comporte une dimension irréductible d’imprévisible ou d’aléatoire.

Comme le rappelait Arendt l’objectif de l’idéologie – ici la préparation de la population à accepter l’inacceptable : ce carnet sanitaire est le moyen d’empêcher par tout moyen les individus à penser par eux-mêmes. Cette préparation peut rencontrer le succès si et seulement si comme le soulignait alors Hannah Arendt :

"Les gens ont perdu tout contact avec leurs semblables aussi bien qu’avec la réalité qui les entoure ; car, en même temps que ces contacts, les hommes perdent à la fois la faculté d’expérimenter et celle de penser."

Après un an d’isolement soi disant pour son bien la population européenne est tristement prête, à moins que des voix ne s’élèvent au côté de ces mots pour dire NON à ce chantage sans masque à la liberté !

À moins que les personnes qui se décrivent comme en responsabilité, le soient réellement, mesurent la gravité de la dérive, ce qui sous-tend assumer humblement leurs erreurs plutôt que de se retrancher derrière une énième et inexcusable régression des libertés.

Quant à la capacité de penser, elle est aussi la capacité à anticiper les arguments fallacieux qui ne manqueront pas d’être exposés. Certes il existe des vaccins obligatoires mais pas de carnet sanitaire ouvrant les portes de la vie et du monde à un être humain.

Si ce dernier devait voir le jour, alors,  après un pas en avant supplémentaire, la porte sera grande ouverte pour fermer sans scrupule la porte du monde à toute personne souffrant d’une maladie infectieuse.

"Le mal n’est jamais radical, il est seulement extrême, il ne possède ni profondeur ni dimension démoniaque. Il est toutefois le mal ! "

Hannah Arendt

Cet article a été publié  le 07/04/2021 sur Contrepoints : lire l'article original

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