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Cycle Space Opera #9 - En quête d'inspiration

Publié par Marion Sabourdy, le 20 avril 2018   2.3k

En 2017 et 2018, le Labo des Histoires Auvergne-Rhône-Alpes propose une saison intitulée "Raconte-moi le futur". Dans ce cadre et parmi d'autres ateliers et événements, le Labo s'est associé à La Casemate pour proposer un cycle "Space Opera", animé par l'auteure de science-fiction Li-Cam. Je vous propose de suivre ce cycle à travers une série d'articles publiés au fil de l'eau (compilés dans ce dossier). Aujourd'hui, on met en place une routine d'écriture.

Ce soir, l'auteure Li-Cam nous a concocté un atelier spécial. Cette fois-ci, un peu moins d'apport "théorique" et plus de sensations. Nous allons faire une expérience pour apprendre à nous mettre en état pour écrire ! Comme d'habitude, la séance débute avec la lecture d'un texte, celui de Laura. Tous les participants l'écoutent avec attention.

Trouver son rythme personnel

"Ecrire est différent d’étudier. Quand on étudie, on fait “rentrer” des infos en soi alors que quand on écrit, on doit les faire “sortir”", selon Li-Cam. Nous discutons alors des rythmes d'écriture de chacun et des déclencheurs de créativité personnels :

  • La bonne heure : êtes-vous plutôt du matin ou du soir ?
  • Le bon lieu : dans un café, un hall de gare, un lieu qui permet d'avoir un peu de bruit de fond ou plutôt un lieu totalement silencieux ?
  • La bonne position : pour l’écriture d’un roman, on peut écrire jusqu’à 4 ou 5 heures d’affilée ; il faut donc être assis confortablement (à une table, le dos soutenu)
  • Les déclencheurs : la méditation, la musique, la marche...

Selon l'auteure, les écrivains évoquent souvent des "rituels d'écriture", sans lesquels ils n'arrivent pas à se mettre en condition pour une session de création. "J'ai un collègue écrivain qui ne peut pas écrire sans être pieds nus !".

Qu’est-ce que l’inspiration ?

Pour écrire, il faut atteindre un niveau élevé de concentration. Un état de conscience particulier dit « modifié » qui change notre rapport au temps et au monde. On parle d’état auto-hypnotique, de transe créative ou d’état méditatif. Quand on atteint cet état, on le sent : on a le sentiment d’inspiration, l’impression que “ça coule tout seul”. On se coupe des stimulis extérieurs. Cette sensation de bien-être ressource l'écrivain car il se décharge de son rôle social, de son être. Il est dans l’instant présent.

N'importe qui peut atteindre cet état, en écrivant mais aussi en lisant une histoire (car alors, on n'est pas passif), en jouant ou en écoutant de la musique, en dansant, en faisant du sport ou même en jouant à des jeux vidéo !

En quête d'inspiration

Parmi les inducteurs d’autohypnose, la musique est particulièrement efficace ! Li-Cam nous propose alors une petite session d'écriture en musique. Elle nous passe la musique de la vidéo ci-dessous et nous sommes invités à écrire ce qui nous passe par la tête...

Chez certains, la musique a déclenché une image, une couleur. Chez d’autres, elle a emmené l’auteur vers une autre idée au fil de l'écriture. Pour deux participants, la musique n’a pas été très efficace...

Voici mon premier texte :

Le soleil rouge se couchait sur l’océan sans fin, colorant l’eau de sa teinte de sang. Soudain un point apparut dans le ciel, haut, très haut au-dessus de l’étoile. Un vaisseau. Sa silhouette noire, d’abord une tête d’épingle puis un point, enfin, l’équivalent d’un oiseau, semblait fendre le ciel orange. Il chutait lentement, sans bruit, jusqu’à rencontrer les eaux écarlates. Au point de contact, il ne fit presque pas de vague, comme absorbé par le fluide.

En discutant entre participants, nous nous rendons compte que la moindre petite perturbation pouvait enrayer le processus (une envie de corriger, le correcteur orthographique de l'ordinateur, l'envie d'aller sur internet…).

Nous retentons alors l'expérience, en partant d'une phrase écrite par Laura dans son premier texte : “Son dernier geste fut de remonter son pantalon”. Au bout de quelques minutes, Li-Cam ajoute une contrainte supplémentaire, “la couleur bleue”.

Voici mon deuxième texte :

Son dernier geste fut de remonter son pantalon. Il quitta la cellule, furieux. Jamais elle ne lui avait parlé ainsi. Pour qui le prenait-elle ? Les éclats de voix tambourinaient dans la tête d’Adam. Il traversa plusieurs couloirs, sortes de grands tubes aux murs bleus entrecoupés de hublots donnant sur le vide sidéral. Arrivé au sas d’accès à la salle des machines, il posa la paume de sa main sur la plaque de reconnaissance. Là-dedans au moins, il serait tranquille ! Plus de langue de vipère pour se faire tordre l’esprit.

Place à la phase critique

Une fois que nous avons écrit pendant une heure environ, nous quittons la phase créative et entrons dans la phase critique ! Nous relisons ensemble certains textes et Li-Cam les "passe à la moulinette critique". Elle nous suggère des techniques de correction comme le "cutting" (enlever des phrases et/ou en inverser l’ordre).

Elle nous décrit ensuite le processus de relecture d'un roman. Après la première phase d'écriture, en quelques semaines ou mois, "dans le meilleur des cas, il faut modifier 30% du premier jet... et pour beaucoup, en enlever, afin d'éviter les répétitions. On peut aussi préciser certains mots avec des synonymes". Après cette première relecture, on obtient un "deuxième jet" qu'il est bon de laisser poser pendant quelques semaines à quelques mois, sans le relire. "Il faut laisser le temps passer pour être objectif, pour mieux voir les moments où l'histoire ralentit, ceux qui ne sont pas capitaux pour l’histoire et ceux pour lesquels il faut ajouter des choses...". Pendant que le manuscrit dort dans le tiroir de l'auteur, il peut passer entre les mains de "béta-lecteurs", qui le liront et indiqueront ensuite à l'auteur si l'intrigue est compréhensible, s'ils sont heureux de lire cette histoire... Le dernier jet intervient après ce fameux “coup de tiroir”. Il reste encore à l'auteur environ 2 mois de travail !

C'est sur ces paroles à la fois encourageantes et stressantes pour les jeunes auteurs en herbe que nous sommes, que nous nous quittons pour cette séance. Rendez-vous le 26 avril pour la dixième et dernière séance de ce cycle Space Opera !

>> Crédits : "Tea Wars" par Matthew (Flickr, licence cc), Cyril Rana (Flickr, licence cc)