EDF, pourquoi une scission ?

Publié par Encyclopédie Énergie, le 28 octobre 2019   2.8k

Prévu avant la prochaine élection présidentielle de 2022, le projet de réforme d'EDF, dénommé Hercule, consiste en un changement de structure, impliquant  une séparation en deux entreprises,  l'une, dénommée provisoirement EDF Bleu et détenue à 100% par l'Etat,  regrouperait les parcs nucléaire, thermique à flamme et hydraulique, ainsi que les activités de transport ; l'autre,  dénommée EDF Vert, dont le capital serait ouvert jusqu'à 35%,  regrouperait les énergies renouvelables, le commerce, les services et la distribution.

Le projet de scission .  Source : Mariane, n°1178, 11 octobre 2019, p. 13
Le projet de scission . Source : Mariane, n°1178, 11 octobre 2019, p. 13

 

Pourquoi ce projet de réforme ?

L'idée de départ du gouvernement socialiste en 2015  était de séparer le nucléaire des autres activités  afin de protéger ces actifs et d'assurer la pérennité du parc nucléaire en permettant le financement des investissements de rénovation des réacteurs en place et d'en construire de nouveaux. Le problème n'est cependant pas aussi simple.

Bien qu'en dépit du dispositif ARENH (Accès Régulé à l'Electricité Nucléaire Historique) qui oblige EDF à vendre le quart de sa production nucléaire à ses concurrents à prix coûtants (42€/MWh) en dessous du prix du marché, le nucléaire contribue à l'excédent d'exploitation de l'entreprise, il est perçu comme lourd de risques financiers, et, pour cette raison, doit être isolé des autres activités.

Mais ce n'est pas tout. Au nom de la libéralisation des marchés de l'électricité, l'Union Européenne oblige de mettre  les autres activités de production d'électricité  dans l'entité accueillant les actifs nucléaires, parce cette dernière doit réunir  toutes les productions vendues sur le marché de gros pour les séparer de leur commercialisation.

Libéralisation du marché de l'électricité. Source : Usbek & Rica
Libéralisation du marché de l'électricité. Source : Usbek & Rica.

Face à EDF Bleu, EDF Vert devrait ainsi  être composée d'activités régulées à revenus garantis, la production par énergies renouvelables (ENR) et la distribution,  à côté des  activités concurrentielles de la vente et des services. Délestée du risque nucléaire et dotée de ces activités régulées, EDF Vert dégagerait une valorisation boursière supérieure à celle de l'actuelle EDF.  


Quels buts poursuivent les dirigeants d'EDF ?

Aux dires de Jean-Bernard Lévy, PDG d'EDF,  le but de la réforme est avant tout de " permettre le financement des investissements nécessaires au développement de l'entreprise", sous-entendu, nécessaires à la poursuite de l'option nucléaire en investissant dans le nouveau nucléaire sans lequel la réforme n'aurait plus de sens.

L'EPR de Flamanville. Source : EDF.fr
L'EPR de Flamanville. Source : EDF.fr

Pour ce faire, il faut se débarrasser du dispositif ARENH qui, comme on le suggère déjà plus haut, revient à ce qu'EDF  finance ses concurrents pour que ceux-ci lui prennent des parts de marché.   Si tel était le cas, l'entreprise serait déverticalisée  par  séparation de ses activités de production et de commercialisation placées dans deux entités distinctes.

Par ailleurs, il faut éviter que dans le partage de la reprise de la dette, EDF Vert soit trop chargée pour que les marchés boursiers ne décotent pas  sa valeur et que  les agences de notation ne baissent pas sa note, toutes exigences indispensables  pour  que les ventes des parts de l'Etat assurent bien le financement attendu.


Quelles sont les craintes suscitées par le projet ?

La première est que l'entreprise qui accueillera les actifs nucléaires  serve de support pour gérer une  sortie du nucléaire, ce qui n'est pas totalement utopique lorsque  l'on se souvient que Nicolas Hulot était partisan de la modification de la structure d'EDF  "pour marginaliser le nucléaire".  Dans cette optique, Mediapart n'a pas hésité  à titrer un article sur la réforme d'EDF, le 16  mai 2019 : " EDF menacée d’être transformée en «bad bank» du nucléaire".  

La deuxième  crainte est celle d'une privatisation croissante d'EDF Vert, voire d'une prise de contrôle par une entreprise plus fortement capitalisée qu'EDF, si l'engagement de ne pas descendre en dessous de 65% de parts de l'Etat lors de la scission, ne résistait pas, comme cela a été le cas avec GDF.

La troisième crainte, enfin, est celle qu'en ouvrant au financement privé la partie "EDF Vert" qui a le moins besoin d'argent, on enferme la partie "EDF Bleu" dans un statut prisonnier des contraintes budgétaires de l'Etat, donc un modèle d'affaires bancal. En conclusion, le projet de réforme consiste bien en une dé-intégration d'inspiration plus financière qu'industrielle, au nom de la libéralisation chère à l'Union Européenne. Il pourrait être lourd de divergences  d'intérêt entre les deux futures entités, le tout au détriment du potentiel que représente  Electricité de France pour la politique énergétique nationale, et  on le devine aisément , de son personnel 


A lire pour plus de détails :

Scission d'EDF : logique financière ou projet industriel ? par Dominique Finon

  

Un article de Dominique Finon, directeur de recherche émérite au CNRS





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