Irrigation agricole : l'humain et l’or bleu
Publié par Emma Denis, le 31 décembre 2021 2.7k
© Chambre d’agriculture Ariège (source) (1181x472)
2021. Article écrit par Emma DENIS, Étudiante M2BEE
L’irrigation est utilisée depuis la nuit des temps pour permettre aux humains d’assurer la production agricole à des fins alimentaires. Mais à l’heure actuelle, de nombreuses questions se posent par rapport à l’usage de cette pratique dans le contexte du changement climatique. Comment l’humain utilise-t-il l’or bleu qui est à sa disposition ? Que devons-nous faire pour préserver cette ressource dont l’avenir est en péril ?
L’irrigation est définie comme « l’approvisionnement délibéré en eau des cultures agricoles, conçu pour permettre l’agriculture dans les régions arides et pour compenser la sécheresse dans les régions semi-arides ». [1] Cette pratique peut aider à augmenter jusqu’à 2,7 fois la productivité agricole par rapport aux terres uniquement arrosées par la pluie. [2]
Dans le cadre de l’augmentation de la population mondiale, l’enjeu de la production agricole vs. la préservation d’une ressource en eau vitale et fragile dans un contexte de changement climatique, relève d’un vrai dilemme.
L’histoire de l’irrigation
Historiquement, si on en croit des textes, l’irrigation la plus ancienne aurait eu lieu aux 7ème – 8ème siècle avant J.-C., en Chine, pour distribuer une partie des eaux d’une rivière vers des terres fertiles.
Puis, environ 5000 ans avant J.-C., en Mésopotamie, les terres semi-arides situées entre les fleuves Tigre et Euphrate ont été irriguées à partir des eaux de l’Euphrate.
En Egypte, environ 3000 ans avant notre ère, une irrigation à partir du Nil a été créée et une partie de ses eaux se déversait dans un lac.
A Oman, dans le sud de la Péninsule d’Arabie, il reste encore de nos jours la trace d’une irrigation (créée en 500 après J.-C.) à partir des eaux souterraines, pour alimenter des champs et des zones d’habitations. Les habitants d’Oman ont remarqué que le niveau d’eau du canal d’irrigation à l’air libre avait baissé, pouvant être dû à la réduction des pluies causée par le changement climatique ou à la compétition pour la ressource en eau. [3] Selon certaines traces, il se pourrait que l’irrigation soit pratiquée depuis 2500 avant notre ère dans ce pays. [4]
Un falaj (canal d’irrigation) à Al Jaylah, Oman. © Ian James/The Arizona Republic (source) (2560x1920)
L’irrigation à l’heure actuelle
En 2013, en France, les prélèvements d’eau pour des usages agricoles représentaient 2,73 milliards de m3, c’est-à-dire environ 8% des prélèvements d’eau totaux (33,5 milliards de m3). Ces prélèvements sont réalisés à environ 62,3% à partir d’eaux de surface comme les rivières et les lacs, et à environ 37,7% à partir d’eaux souterraines provenant de nappes souterraines par exemple.
Parmi ces prélèvements pour l’agriculture, une part de 80% est utilisée pour l’irrigation. [5]
Le puits et le forage sont deux techniques de prélèvement d’eau dans des nappes. La première est utilisée pour des nappes peu profondes (nappes phréatiques), tandis que la technique du forage s’utilise pour des nappes d’une profondeur plus importante.
La méthode du puits parait plus avantageuse que le forage mais le niveau d’eau de la nappe se creusant au fur et à mesure du pompage, il faut attendre que celui-ci remonte pour ne pas endommager l’équipement qui tournerait dans le vide. Ainsi, le rendement n’est pas aussi important qu’avec la technique du forage, qui peut capter de l’eau dans les deux nappes grâce à des trous dans le tube de forage. [6]
Ces techniques de prélèvement d’eau doivent être surveillées et des règles sont à suivre pour ne pas engendrer de pollution de l’eau. En effet, le forage dans une nappe située sous une autre peut polluer la nappe inférieure si celle du dessus est polluée. [7] Cette pollution de l’eau peut fortement impacter la biodiversité et les cycles de vie des espèces animales et végétales qui dépendent de cette ressource.
Il existe plusieurs types d’irrigation dont l’irrigation gravitaire qui consiste à laisser l’eau à la surface du sol, grâce, par exemple, au creusement de fossés et de canaux, et l’irrigation par aspersion, qui est la pulvérisation de l’eau sous pression sur les parcelles agricoles, par fines gouttelettes. [8] Par exemple, en France, la technique d’irrigation par aspersion la plus utilisée est celle utilisant des canons-enrouleurs. [9]
Exemple d’irrigation gravitaire. © Maison régionale de l’eau (source) (1500x2000)
Exemple d'irrigation par aspersion. © VRMT (source) (2000x1335)
Les cultures les plus irriguées sont le maïs et les céréales, utilisant respectivement 41 et 17% des surfaces irriguées. [8] En 1970, la France comptait 0,54 million d’hectares de surfaces irriguées, contre 1,57 million en 2000. Cette croissance s’est ensuite stabilisée à partir des années 2000. [5]
L’irrigation dans le contexte du changement climatique
Le changement climatique cause une augmentation des températures de l’air, du sol et de l’eau. L’eau devient alors rare car elle s’évapore sous l’effet de la chaleur. Pour tenter d’enrayer cette perte d’eau et préserver cette ressource si chère pour les êtres vivants, la France, a créé, en s’appuyant sur les Organismes Uniques de Gestion Collective, une réforme de la gestion quantitative de l’eau, à partir de 2006. Cette réforme indique les volumes d’eau à prélever en été et les règles de gestion collective de l’eau utilisée pour l’irrigation. [9]
Environ 60% de l’eau prélevée est perdue par évaporation, infiltration profonde ou lorsqu’elle sert à la croissance des mauvaises herbes. [10] Ainsi, afin d’éviter ou réduire ces pertes, il serait judicieux de prendre en compte les paramètres d’évaporation de l’eau (à partir des surfaces des feuilles et également avant l’arrivée de l’eau sur la plante, en fonction de la température). [11]
L’amélioration du niveau de performance de l’irrigation, qui peut être impacté par le matériel (par exemple sensible au vent dans le cas de l’aspersion), par les réglages et par l’entretien, est également un axe de travail. Pour améliorer l’irrigation, le matériel peut être changé pour quelque chose de plus économe en eau comme le système goutte-à-goutte, un système d’irrigation placé au plus près des plantes (au-dessus de la zone des racines) et qui délivre de l’eau petit à petit réduisant ainsi les pertes en apportant de l’eau directement aux plantes. [9]