L’ingénierie écologique fait sa démonstration en outre-mer
Publié par Freddy Rey, le 23 octobre 2023 970
L’ingénierie écologique : place aux architectes de la nature !
Pour définir l’ingénierie écologique, on peut faire un parallèle avec la construction d’une maison qui nécessite l’intervention d’un architecte, qui va concevoir le projet de maison. Et bien l’ingénieur écologue, c’est l’architecte de la nature ! C’est pourquoi on définit volontiers l’ingénierie écologique par des « actions par et/ou pour la nature (ou le vivant) ». L’ingénieur écologue va ainsi chercher comment servir la nature (la préserver, la restaurer…), mais aussi comment se servir de la nature. Et l’un des grands avantages de l’ingénierie écologique, c’est d’être multi-bénéfices, par exemple en préservant la biodiversité tout en protégeant les biens et les personnes.
En ce sens, l’ingénierie écologique répond à la définition que l’on donne aux solutions fondées sur la nature, qui correspondent à des applications de projets co-bénéfices, avec un gain pour la biodiversité et un gain pour la société. Parmi ce dernier, on peut citer la lutte contre les changements climatiques, la réduction des risques naturels, l’amélioration de la santé, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau ou le développement socio-économique. Ce sont des enjeux forts qui ont fortement alimenté les discussions aux derniers Congrès français et Congrès mondial de la nature de l’UICN.
L’ingénierie écologique représente ainsi la meilleure alliée et le meilleur outil pour mettre en place un projet mettant en œuvre une solution fondée sur la nature. Grâce à une structuration importante de ses acteurs ces dix dernières années, elle est aujourd’hui disponible, visible et accessible, notamment au travers de l’Association fédérative des acteurs de l’ingénierie et du génie écologique (A-IGEco).
Adaptabilité de l’ingénierie écologique aux territoires ultra-marins
Il existe un véritable savoir-faire aujourd’hui en ingénierie écologique, qui est l’apanage de l’ingénieur écologue. Ce savoir-faire est transcrit dans des guides de bonnes pratiques, mais qui ne sont là que pour orienter les actions. Car ce savoir-faire est toujours très spécifique, étant mis en œuvre sur des milieux naturels, et il n’y a que des cas particuliers dans la nature.
Publié aux Editions Quae dans la collection Matière à débattre et décider, l’ouvrage Restaurer les milieux et prévenir les inondations grâce au génie végétal fournit des solutions concrètes pour concilier la gestion des inondations et celle des milieux naturels, dans un contexte de forte érosion.
Mais ce savoir-faire reste reproductible, à condition de s’adapter au contexte où l’on souhaite le reproduire. L’adaptation est avant tout écologique et climatique. Par exemple, on ne rencontre pas les mêmes conditions entre une situation continentale et une situation tropicale. Le challenge pour la reproduction dans les territoires ultra-marins réside alors dans des contraintes techniques, économiques et sociales.
Prenons l’exemple d’une technique de génie végétal que l’on souhaite reproduire, par exemple des barrages végétaux filtrant les sédiments. Existe-t-il des pépinières permettant de s’approvisionner en matériel végétal (semences, plants…) ? La technique est-elle intéressante du point de vue du rapport coût/bénéfice ? En l’absence d’entreprises qualifiées, les populations sont-elles prêtes à réaliser les travaux elles-mêmes ? Sur ce dernier point, il est intéressant de noter que la contrainte peut se muer en opportunité, car l’ingénierie écologique en particulier, et toute la mise en œuvre du projet de solutions fondées sur la nature au sens large, peuvent être sources d’emplois en formant notamment de futurs « ouvriers de la nature ».
Dans ce contexte, l’ambition du projet INNER-MINE était de développer et promouvoir des techniques éprouvées et innovantes d’ingénierie écologique, en mettant l’accent sur leur application au contexte ravinaire et minier et au climat tropical tel qu’il prévaut en Nouvelle-Calédonie. Il s’agissait de réaliser des sites de démonstration de ces techniques, en s’appuyant sur des retours d’expériences et des expérimentations. Le volet innovant des techniques visées porte sur leur caractère multi-bénéfices, à savoir qu’elles doivent permettre de concilier contrôle de l’érosion et de la sédimentation, et restauration écologique des sites dégradés. L’innovation porte sur l’utilisation de techniques faisant appel au vivant, à savoir au génie végétal, et qui soient intégrées au contexte néo-calédonien. Une attention particulière a été portée au contexte ravinaire et aux contraintes torrentielles associées, ainsi qu’à la durabilité des techniques retenues, à leur rapport coût-avantage et à leur caractère reproductible dans d’autres territoires d’outre-mer, et plus largement dans les milieux et climats difficiles (montagnards, méditerranéens…). Ce projet répond à l’engouement actuel des pouvoirs publics pour le développement de solutions fondées sur la nature, et nourrit les réflexions sur les approches multi-bénéfices pour la réduction des risques naturels liés à l’eau, telles qu’elles sont développées dans le cadre de la mise en œuvre de la compétence GEMAPI.
La Nouvelle-Calédonie est marquée par des terrains très fortement dégradés du fait de l’exploitation du nickel
Les terrains de jeu ne manquent pas dans les territoires ultra-marins. En Guyane par exemple, l’ingénierie écologique est sollicitée pour revégétaliser les ravines creusées dans les anciennes mines d’or. En Polynésie, des applications sont sans doute possibles pour revégétaliser les anciennes mines de phosphates. La topographie montagneuse de ces îles les rend très exposées aux risques liés à l’eau, avec un contexte ravinaire marqué.