Le syndrome de l'imposteur

Publié par Alicia Perino, le 24 janvier 2020   1.6k

Une fois encore, c'est arrivé. Lorsque mon article a été cité par ma professeure de journalisme comme étant l'un de ses favoris cette semaine, ce sont les mêmes pensées qui se sont installées. Comme à mon habitude, j'ai tout d'abord ressenti une minuscule once de fierté, pendant une fraction de seconde, avant de me laisser envahir par une horde de sentiments négatifs. "Comment est-ce possible ? Elle a dû se tromper de prénom. Ou bien, elle a lu mon article de travers. Je ne comprends pas, c'était du travail bâclé, je ne le mérite absolument pas !" Ce sont ces mêmes doutes qui résonnent en moi depuis toujours, dès que mon travail est récompensé. Comme cette fois en primaire lorsque mon professeur a lu ma rédaction devant toute la classe. Ou quand, en terminale, j'ai obtenu la meilleure note en philo. Ou encore lors des remises des médailles que je décrochais en natation. Et même, lorsque j'ai été acceptée en master.

Cependant, je suis loin d'être la seule rencontrant ces remises en question. Nous serions environ 70% de la population à avoir expérimenté ce trouble, théorisé sous le nom de "syndrome de l'imposteur" en 1978 par les psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne Imes. Il ne s'agit pas d'une maladie, mais d'un mécanisme psychologique dont tout le monde peut faire l'expérience. Il survient à l'annonce d'une réussite, peu importe le domaine. Qu'elle soit professionnelle, sportive ou relationnelle, cette réussite va être instantanément minimisée par l'individu, qui va attribuer son succès à des causes externes : la chance, ses relations, les circonstances de l’événement, le hasard... De plus, tel un super-héro craignant d'être démasqué, les sujets touchés vont redouter le jour fatidique où leur entourage découvrira qu'ils ne sont rien d'autre que...des imposteurs. Que leur travail a été habilement détourné pour donner l'illusion qu'il avait de la valeur.

Pour éviter cela, différentes stratégies sont mises en place par les individus, qui vont soit produire une charge de travail immense pour pouvoir justifier ainsi leur potentielle réussite (c'est la stratégie overdoing) ou bien au contraire, vont peu s'investir afin de se préparer à un échec (stratégie undergoing).

Le "syndrome de l'imposteur" peut devenir un véritable frein pour le bien-être de tout un chacun. En effet, lorsque ressentis à répétition, ces doutes peuvent s'associer à d'autres mécanismes comme le stress, l'anxiété, la dépression ou encore le burn-out. Il est donc nécessaire de le reconnaître lorsque nous en faisons l'expérience, afin de le contrer. Quelle méthode adopter alors pour détourner ce syndrome ? En parler semble être une première étape salvatrice. Mais attention, pas à n'importe qui. Une étude réalisée par des chercheurs de l'université Brigham Young aux Etats-Unis a montré que les étudiants souffrant du syndrome de l'imposteur arrivaient plus aisément à s'en détacher lorsqu'ils se confiaient à des personnes en dehors de leur cursus (famille, amis extérieurs...). Au contraire, lorsqu'ils partageaient leur expérience avec leurs pairs, cela avait tendance à empirer la situation.

Egalement, comprendre que ce sentiment n'est pas une fatalité et qu'il peut-être détourné, savoir que la majorité de la population en fait l'expérience, se forcer à accepter les compliments, ne pas se comparer, être plus indulgent envers son travail, tout ça et plus encore peuvent être des armes utiles dans ce combat contre soi-même. Pour ma part, j'ai trouvé ma prochaine bataille : l'écriture de cette chronique.

>> IllustrationTimothy Neesam, Flickr, licence cc