La faiblesse de la participation pour élaborer la nouvelle politique urbaine

Publié par David Gabriel, le 30 juin 2016   2.7k

Ci-dessous une première lecture critique des propositions concernant la participation pour élaborer la nouvelle politique urbaine de Grenoble. L'objectif de ce premier texte est de susciter un débat : n'hésitez pas à formuler d'autres critiques du document ou d'autres propositions en envoyant un émail à : asso.planning(a)gresille.org

La faiblesse de la participation

Selon le site officiel de la coalition municipale, le PADD a été « construit en concertation avec les Grenoblois ». Quelle a été la réalité de la démarche participative mise en œuvre ? Les habitants ont été consultés à trois reprises seulement : un atelier pendant les Assises de la participation et deux rencontres publiques aux mois de février et avril 2016. Au total, les habitants présents ont été réunis pendant une douzaine d'heures. Le format des réunions était peu participatif : la parole des élus était ponctuée par des analyses d'experts (Gilles Novarina, Natacha Seigneuret, Stéphane Labranche...) laissant peu de place aux habitants. Si un atelier a réuni des professionnels (CCI...), les autres groupes sociaux n'ont pas été consultés. De notre point de vue, ils auraient du avoir la possibilité de défendre leurs intérêts pour construire un document partagé.

Le document produit à l'issue de cette prétendue concertation reflète, dans la forme du récit, ce manque de participation. Il s'agit le plus souvent d'une histoire de la ville écrite « d'en haut », qui passe notamment sous silence « la projection au sol des rapports sociaux », pour reprendre la formule du philosophe Henri Lefebvre. C'est une vision réductrice de l'histoire de Grenoble. Dès l'introduction, on entend la petite musique du mythe grenoblois forgé par les classes moyennes et supérieures : Grenoble aurait « toujours fait le choix d'anticiper pour ne pas subir » permettant de maîtriser la croissance urbaine des années 60 et d'anticiper la création d'une ville durable (...); Grenoble se serait construite grâce à l'« esprit d'initiative » de ses habitants qui auraient également comme valeurs « la solidarité » et le « partage »...

Ce récit ne correspond pas à l'expérience urbaine vécue par tous les habitants. Grenoble a aussi une histoire industrielle, ouvrière et populaire. Depuis 30 ans, la ville a été profondément transformée par la gentrification des quartiers situés au Nord. Le parc de logement n'a pas échappé à la financiarisation ou la studentification entraînant une hausse des loyers et un renforcement de la ségrégation sociale. Malgré les discours des élites urbaines inspirés des théories libérales du ruissellement (trickle down economics), tout le monde n'a pas bénéficié des politiques économiques et urbaines visant à transformer Grenoble en un vaste pôle de recherche intégré dans les réseaux de la mondialisation. Il apparaît clairement que ce mode de développement a également renforcé la fragmentation socio-spatiale et précarisé des milliers de personnes qui ont été impactées par le processus de désindustrialisation...

Pour opérer un rééquilibrage de la politique urbaine, la participation de tous les habitants est indispensable. En effet, les enjeux d'aujourd'hui ne limitent pas seulement à transformer la ville héritée des 30 glorieuses pour créer une ville « désirable et aérée » qui réponde aux engagements de la COP21. La participation des habitants est un principe essentiel pour refonder un contrat social en affirmant clairement l'importance de la citoyenneté urbaine, du « droit à la ville » et de la « justice spatiale ».