Pourquoi des Yeux de vache, Queues de renard, Oreilles d’âne… pour nommer les plantes communes des champs ?

Publié par Carole Chauvin-Payan, le 23 mai 2025   77

Yeux de vache, Queue de renard, Oreilles d’âne ou Pied de poule… Ces noms populaires peuvent paraître anecdotiques, insolites ou loufoques pour désigner les plantes communes des champs. Pourtant, le choix de ces noms n’est pas le fruit du hasard.

Pour nommer un objet ou un être vivant (jouet, plante, champignon, animal, etc.), l’être humain en retient une caractéristique saillante. Pour les plantes communes des champs, cette caractéristique peut être liée à une propriété médicinale, au caractère comestible ou toxique, à un trait physique (forme, couleur, aspect piquant ou velu) de la plante ou de l’une de ses parties comme les fleurs, tiges, feuilles ou racines. Une fois cette caractéristique identifiée, l’être humain effectue des comparaisons basées sur les ressemblances entre l’objet qu’il veut nommer et les éléments de son environnement quotidien (animaux, autres végétaux, objets usuels), puis il utilise le nom de cet élément du quotidien pour nommer la plante.

La vache et le bœuf

Figures 2, 3

Figure 4 Marguerite (Leucanthemum vulgare)

Les inflorescences des Astéracées, telle la Marguerite (Leucanthemum vulgare), l’Arnica des montagnes (Arnica montana) ou encore la Camomille puante (Anthemis cotula) sont composées d’un cœur jaune à fleurons en forme de tubes autour duquel sont disposés des fleurons blancs ou jaunes en forme de languette.

De par leur forme arrondie, ces inflorescences ont souvent été comparées à la pupille et l’iris d’un œil d’animal, le plus souvent un bovidé.

C’est ainsi qu’au 19e siècle, les noms populaires Ziu d’vake « yeux de vache », Ouelh de búou, Ouy du búou, Éy de bioóu « œil de bœuf » sont utilisés par les habitants de différentes régions de France pour désigner ces plantes.

Le rat, le renard et le loup

Figures 5, 6, 7, 8

Figure 9 Grand plantain (Plantago major)

Les queues d’animaux, que ce soit celle du rat, du renard ou du loup, désignent souvent les plantes qui ont de longues hampes, ayant au bout une inflorescence en épi.

Au 19e siècle, dans différentes régions de France, les Plantains (Plantago Major et Plantago lanceolata) ainsi que le Myosure (Myosurus minimus) sont appelés Kwa de ra, Couô de rô « queue de rat », Kweto de rat « couette, petite queue de rat » ou Queue-de-souris.

De par sa grande taille et l’aspect velu de sa hampe terminée en épi, le Bouillon blanc ou Molène (Verbascum thapsus) est nommé kuvulp, couo de renâr, coua de reinart « queue de renard » ou kwa de lu « queue de loup.

Le lièvre, l’âne et la souris

Figures 10, 11, 12, 13

Figure 14 Bouillon blanc (Verbascum thapsus)

Lorsque des oreilles d’animaux apparaissent dans les noms populaires des plantes des champs, elles désignent des feuilles duveteuses avec une forme caractéristique.

Les oreilles de lièvre et les oreilles d’ânes désignent des plantes à feuilles plus ou moins duveteuses lancéolées, telles le Bouillon blanc (Verbascum thapsus), la Grande consoude (Symphytum officinale) ou encore le Plantain lancéolé (Plantago lanceolata).

D’où les noms Auriho de lebre « oreille de lièvre », Oreille-de-lapin, Orélièss d’azé « oreilles d’âne », Orlhé d’âne, Aurèyo d’aze, Aureto d’azu « oreille d’âne », utilisés au 19e siècle dans différentes régions de France.

Les oreilles de souris ou de rat, quant à elles, désignent des plantes à petites feuilles duveteuses et arrondies. D’où les désignations Oureiho de rat « oreille de rat », Oreille-de-souris pour nommer le Myosotis, l’Épervière piloselle (Pilosella officinarum) ou les Céraistes (Cerastium).

La poule, le coq et l’alouette

Figures 15, 16, 17, 18

Figure 19 Bouton d'or (Ranunculus acris)

Les pieds de poule, de coq ou d’alouette font référence aux feuilles palmipartites des plantes, dont la forme ressemble au pied ou à une patte d’oiseau.

D’où les noms Piè coq « pied de coq, Pas de coq « Patte-de-coq », Pe de galino « pied de poule », Pî d’aloye « pied d’alouette » pour désigner le Bouton d’or (Ranunculus acris) ou encore le Pied d’alouette (Delphinium).

Dans le bestiaire des noms populaires des plantes communes des champs, il vous reste à découvrir le pourquoi du comment du chat, du chien, de la brebis, de la chèvre, des oies, des canards, de la grenouille, du crapaud, de la belette, de l’ours, du lion, du serpent ou du dragon...

À vous de jouer !!!



Reliez les noms populaires des plantes communes des champs à leurs noms scientifiques.

Et pour aller encore plus loin,

Venez sur le campus de Saint-Martin-d'Hères pour visiter le Jardin dialectal, qui présente les plantes communes des champs de la région Auvergne-Rhône-Alpes.  


Autrice

Carole Chauvin-Payan, Ingénieure d’études en sciences humaines et sociales (UGA) et Responsable Médiation scientifique et culturelle au Laboratoire GIPSA-lab - UMR 5216

Sources bibliographiques

  • P. Guiraud (1986) Structures étymologique du lexique français, Paris, Payot
  • Eugène Rolland (1896-1914) Flore populaire ou Histoire naturelle des plantes dans leur rapport avec la linguistique et le folklore, Librairie Rolland, 11 volumes.
  • Dictionnaire Französisches Etymologisches Wörteburch (FEW) https://lecteur-few.atilf.fr/

 Sources des illustrations