Quand de jeunes designers s’approprient le FabLab

Publié par Jean-Baptiste Joatton, le 20 janvier 2014   4.1k

Les étudiants de DSAA de Villefontaine expérimentent au FabLab de la Casemate. Sélection issue de cette exploration technique et plastique.

Les outils de prototypage numérique (découpeuse laser, imprimante 3D, etc.) sont désormais intégrés aux démarches de design, comme moyen de rendre tangible rapidement une intention. En juin dernier, les étudiants du DSAA de Villefontaine ont été invités par J-M Molenaar, manager du FabLab de la Casemate, et l’équipe pédagogique à s’emparer de ces outils dans le cadre du cours de "pratiques plastiques".

Les expérimentations se sont déroulées sur quelques séances, à partir de deux incitations susceptibles d’exploiter le potentiel du FabLab voire d’en explorer les limites : D.RAW (ou la pratique du dessin) et Détail (ou comment le détail fait sens, donne à voir, révèle). Voici quelques-unes de ces productions présentées par leurs auteurs :

_Spirograph - par Barbara Chabriw

« Que peut être un dessin de spirographe avec les outils d’aujourd’hui ? Comment conserver le charme d’un tracé manuel sur un smartphone ou une tablette avec ses finesses et ses erreurs ? ». Ce programme de recherche initial a débouché sur la conception d’un nouvel outil de création complet, permettant de dessiner des formes 3D prêtes à imprimer.

>> Outils : PMMA, découpeuse laser, application Processing for Android

La Fonte - par Ophélie Battaglia

« J’ai créé la typographie LaFonte, composée de caractères dessinés et déformés au cours du processus. Pour cela, j'ai conçu des moules typographiques pour former des lettres glaçons. Ce moule représente en quelque sorte le logiciel qui standardise le dessin de caractères vectoriels : tout le monde obtiendra le même glaçon. Comment perturber le dessin de la lettre par un moyen non-maitrisé ? Comment la lettre peut se dessiner d'elle-même ? Aucune tangente, aucun vecteur à modifier, la lettre se transforme tout simplement en fondant, jusqu'à devenir illisible. Les lettres-glaçons encrées, alors composées sur une feuille, basculent dans l'aléatoire. D'autres paramètres incontrôlables rentrent en jeux : le temps, la chaleur, le grain du papier... Les nouvelles typographies créées de ces expériences sont ensuite numérisées et peuvent être utilisées dans un logiciel de traitement de texte... retour au standard ? »

>> Outils : Moule en silicone (contreforme en résine usinée par la fraiseuse numérique Roland Modela), FontLab

 

Matière à souvenir - par Delphine Carlson

« Sculpter le souvenir. Convoquer le souvenir, c’est reprendre cette matière première, l’extraire de là où elle était enfouie en notre mémoire et la retransformer. Se remémorer, c’est remodeler ce souvenir. Le souvenir est une création. Architectures de mots :

  • Des sculptures de mots fragiles et minuscules qui racontent un moment
  • Ethnographie de l’intime : Une pratique de collecte de la mémoire ordinaire, collecte de ce qui reste comme témoignage du passé
  • A partir d’objets-souvenirs qui portent en eux des instants partagés avec d’autres, j’ai demandé à mes proches de me raconter leur souvenir vis-à-vis de ces objets : places de cinéma et pierre trouvées. A mon tour, j’ai ensuite raconté mon souvenir
  • Ces sculptures croisent les regards sur un moment, les souvenirs sont ceux d’expériences partagées. Je me souviens, mes souvenirs ne sont d’aucun autre, deux mémoires ne sont ni interchangeables ni équivalentes mais pourtant notre mémoire vit aussi dans celle des autres.

Ces sculptures donnent consistance au souvenir, elle leur donne une architecture propre à chacun. Et ces souvenirs, que sont-ils pour le reste du monde ? Un détail. »

>> Outils : papier et découpeuse laser

Crayons de douleur - par Jonathan Hamot

« L’intention première était de séparer le geste de dessiner, c’est-à-dire le tracé, l’action physique de l’objectif. En référence à l’étymologie du mot “dessin“, qui est la même que celle du mot “dessein“, j’ai donc souhaité séparer le geste de l’intention. Afin de radicaliser davantage cette perturbation et cette gêne envers celui qui dessine, j’ai donc souhaité l’impliquer de manière différente. En effet, là où le dessinateur était précédemment perturbé, je souhaiterais qu’il souffre, qu’il soit mis en réelle situation de gêne physique afin de voir en quoi le dessin en est modifié. Comment l’utilisateur réagit à la douleur et à la fatigue lorsque son corps est contraint physiquement ? J’ai donc mis au point une série d’outils destinés au dessin qui place celui qui les utilise en situation, soit de douleur soit de contrainte. J’ai voulu ses petits outils malveillants tant dans leur usage que dans leur apparence. »

>> Outils : contreplaqué et découpeuse laser

>> Illustrations : Barbara Chabriw, Ophélie Battaglia, Delphine Carlson, Jonathan Hamot