Un papier peint qui atténue les ondes du Wifi et des portables

Publié par Marion Sabourdy, le 9 avril 2012   4.1k

Le Centre technique du papier et ses partenaires ont développé un papier peint qui filtre sélectivement les ondes du Wifi et des téléphones portables. Ils le présenteront le 3 mai prochain au Forum 4i.

La démonstration est simple et néanmoins édifiante. Guy Eymin Petot Tourtollet, chef de projet « Electronique imprimée, papier intelligent » et directeur de l’unité « Capteurs, modélisation » du Centre technique du papier (CTP) dispose près de lui une antenne wifi et un ordinateur. Sur l’écran de ce-dernier, on peut voir un logiciel qui trace la puissance des ondes qu’il reçoit en un histogramme vert fluo. Il le place ensuite dans une petite pièce dont les murs intérieurs sont tapissés d’un papier peint spécial. Il ferme la porte, attend quelques secondes puis récupère l’ordinateur. Les colonnes de l’histogramme ont diminué d’environ 30dB (décibels) pendant ce laps de temps, preuve de l’atténuation des ondes wifi reçues dans la pièce.

METAPAPIER est l’un des premiers produits industriels issus des recherches en électronique imprimée du département de Guy Eymin Petot Tourtollet au CTP. Son développement, une première mondiale, a pris un peu plus de trois ans, impliqué plusieurs partenaires scientifiques (1) et débouché sur le dépôt d’un brevet. Son aspect est semblable à celui d’un papier peint classique, à la différence près de son motif. « Sur un des deux côtés, nous avons imprimé des petits composants électroniques avec de l’encre à base d’argent, indique le chercheur, c’est cette juxtaposition de composants qui donne au papier ses propriétés, notamment de filtrage des ondes».

Petits composants électroniques imprimés avec de l’encre à base d’argent

Ainsi, METAPAPIER filtre certaines bandes de fréquence (Wifi et GSM) tout en laissant passer celles de la radio ou des alarmes. Contrairement à ses concurrents, ce papier est efficace quels que soient la polarisation et l’angle d’incidence des ondes. Les motifs interagissent les uns aux autres sans être connectés électriquement parlant : le papier reste efficace même si la pose n’est pas parfaite.

Ses concepteurs avancent trois applications possibles, dont la première - la plus demandée par le grand public - est l’assurance d’une zone de «tranquillité électromagnétique» chez soi, par exemple dans sa chambre. Ensuite vient la sécurisation des données autant pour les particuliers que pour les entreprises ; « la meilleure des protections est physique». Enfin, la troisième application est utile en cas de surabondance de réseaux dans une même zone : «au-delà de 6 ou 7, les cartes wifi perdent de leur efficacité et au-delà cela induit des coupures inopinées. Notre papier peint permet au wifi de fonctionner à des puissances plus faibles».

Banc de test permettant de mesurer l'efficacité d'atténuation des papiers

Produit au stade industriel depuis janvier 2011, METAPAPIER est maintenant en cours de transfert industriel vers la société Ahlstrom, pour une mise sur le marché vers la fin de l’année. «Le coût de revient reste dans la gamme de ceux des papiers peints traditionnels». A ceci près que METAPAPIER est calibré pour avoir une efficacité maximale uniquement si l’utilisateur pose un second papier peint dessus.

Ce papier peint est l’un des exemples de l’activité du CTP autour de l’électronique imprimée dans la papeterie, qui permet de s’affranchir de la filière classique des composants en silicium. « Notre objectif est de développer des briques technologiques qui, associées les unes aux autres, vont apporter de « l’intelligence » (2) aux produits des nombreux marchés qui utilisent du papier ou du carton, comme les revêtements muraux, les emballages,… ». En ligne de mire, la protection des sols et des plafonds (qui laissent passer environ 5% d’ondes) ainsi celle que les fenêtres avec des films plastiques adaptés.

Note

  1. Pierre Lemaitre-Auger, Laboratoire de conception et d’intégration des systèmes (LCIS), Tan-Phu Vuong, Institut de microélectronique électromagnétisme et photonique & Laboratoire d'hyperfréquences et de caractérisation (IMEP-LAHC), Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT)
  2. Selon notre interlocuteur, l’intelligence se définit par cinq familles de « briques technologiques » : l’aspect sensoriel (capteurs de température, pression, chocs…), le traitement des signaux (transistors…), la mémorisation des signaux, leur communication (écrans…) et l’alimentation de ces dispositifs en énergie (micro-batteries, solaire, récupération de l’énergie électromagnétique…)

>> Illustrations : Centre technique du papier