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Usages et contestations des sciences : la nature et la communication chez les agriculteurs et les chasseurs

Publié par Gersande Lemarchand, le 15 octobre 2018   2.2k

Lundi 8 octobre, à la Maison des Sciences de l'Homme de Grenoble, le séminaire présenté par Christophe Baticle abordait la question des usages et des contestations des sciences, et plus particulièrement le sujet de la nature et de la communication chez les agriculteurs et les chasseurs. 

                Comment définir la nature aujourd’hui ?

La nature renvoie au concept des milieux naturels et des êtres vivants qui le composent. Les pratiques agricoles et cynégétiques modifient et exploitent ce monde du vivant ; la forte influence de l’homme sur son environnement nous pousse à nous questionner sur ce qui est « naturel » ou ce qui ne l’est pas. Quelle conception de la nature avons-nous aujourd’hui ?

La notion de nature elle-même présente désormais une certaine instabilité. La nature telle qu’on la voit aujourd’hui présente de multiples facettes, que ce soit par les usages différents qu’en font les agriculteurs et les chasseurs, ou encore par sa gestion, par les questions de pratiques territoriales diverses et par les conflits ruraux que cela peut soulever. Nos propres représentations sociales de la nature sont à questionner.

C’est l’hybridation des savoirs scientifiques et sociaux qui permet de déceler au mieux les conceptions de la nature.


            Chasse et agricultures, quels points communs ?

Chasse et agriculture sont deux publics très impliqués et intéressés par la question des ressources naturelles.

La chasse et l’agriculture ont été deux pôles importants des mondes ruraux. À une certaine époque la chasse était d’ailleurs souvent une activité complémentaire de l’agriculture, car elle faisait office de ressource alimentaire supplémentaire et permettait de gérer les populations de « ravageurs de cultures ».

Ces deux domaines ont parfois présenté une certaine méfiance à l’égard des sciences, souvent considérées comme des connaissances trop abstraites (« de l’écologie de trottoir »).

Pendant longtemps ces deux pôles ont eu des difficultés à communiquer, particulièrement dans le domaine de la chasse qui semblait alors respecter le fameux adage « pour vivre heureux, restons cachés ».

 

            Dans le monde cynégétique.

On constate que les chasseurs font usage de connaissance scientifique très tôt. Le monde de la chasse va progressivement rechercher à légitimer ses pratiques cynégétiques, en mettant en avant l’aspect de la régulation des espèces et en assumant de plus en plus le côté loisir de la pratique. Au cours du temps, la représentation des chasseurs va changer au travers de ses pratiques de partages de connaissances.

À la fin des années 80 on assiste au passage d’une chasse ludique à une chasse de gestion. L’intérêt est de collecter et de produire des données (par exemple par le suivi de populations, de l’état sanitaire des populations animales…). Les chasseurs deviennent des sentinelles de la nature.

 Les fédérations de chasse vont jouer un rôle important dans la communication autour des actions de chasse, elles cherchent à montrer le poids important des chasseurs. Elles vont permettent de communiquer auprès d’un public plus large les actions menées par les chasseurs, et par la même de défendre et de mettre en valeur cette pratique.

 

            Dans le monde agricole.

Les agriculteurs sont confrontés, dans leurs pratiques, à de nombreuses polémiques ou controverses. C’est au travers des syndicats agricoles que ces problèmes vont pouvoir s’exprimer.

 → L’exemple des VrTH (variétés rendues tolérantes à un herbicide): une polémique apparue en 2010.

Les VrTH, ces espèces végétales mutées de manière artificielle afin d’être résistantes aux pesticides, sont accusées d’être des OGM déguisés. Les espèces VRTH sont en effet tolérantes au glyphosate ainsi qu’à d’autres pesticides. Les « Faucheurs Volontaires » se mobilisent pour agir contre les VrTH sur le terrain, en fauchant les cultures d’OGM et de VrTH. Les actions des Faucheurs Volontaires sont alors de plus en plus médiatisées. 

Face à ces actions illégales et à la pression des acteurs engagés, la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) réagit. Pour elle, il existe une frontière stricte entre les VrTH et les OGM.

 Il existe également une inquiétude de la part des agriculteurs, face à l’utilisation des VrTH.

Pour la Confédération Paysanne (un syndicat agricole favorable à l’exploitation respectueuse de l’environnement), les VrTH sont bien des OGM cachés ; de plus les VrTH ne sont pas naturels puisqu’il est davantage question d’hybridations. Leurs craintes sont multiples face à l’utilisation de ces variétés tolérantes :

• la crainte que cette résistance se transmettre à d’autres espèces végétales, ce qui est problématique dans le cadre de la rotation culturale. Il existe une différence entre la mutagenèse effectuée en laboratoire dans un environnement contrôlé et les conditions en plein champ. La réaction de la plante peut être différente.

• l’utilisation de VrTH renforce la dépendance des agriculteurs aux fournisseurs de semences et de produits phytosanitaires.

• pour la Confédération paysanne les VrTh ne sont qu’un moyen de contourner les lois européennes sur les OGM.

• les processus agricoles sont de moins en moins naturels.

 

Ainsi, au travers des pratiques cynégétiques et agricoles, la question de la nature se pose de plus en plus. Ces problématiques rappellent également l’importance de la position du chercheur : s’il dépend d’un commanditaire ou s’il ne rend des comptes à aucunes institutions.

La place des syndicats de chasseurs et d’agriculteurs jouent un rôle important et central dans les questions de gestion de la nature. Ces divers syndicats sont primordiaux pour communiquer auprès d’un public rassemblé.