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Les refuges de montagne, observatoires participatifs des changements environnementaux et culturels

Publié par Vincent Rauzier, le 20 novembre 2017   6.4k

Le projet Refuges sentinelles est un véritable démonstrateur de ce que peut avoir d’innovant et partenariale la recherche universitaire actuelle, notamment dans les domaines des Sciences Humaines et Sociales (SHS). Longtemps cantonnées, au moins dans un imaginaire global, à des cours d’amphis et des professeurs aux concepts trop compliqués pour être réellement compréhensibles, les stéréotypes sur les SHS ont la peau dure, ici comme ailleurs... En montagne, par exemple ?

Financé grâce au projet d’excellence LabEx ITEM (Innovation et Territoire de Montagne), porté par l’Université Grenoble-Alpes, le démarrage de ce projet d’ampleur associe concrètement des chercheurs universitaires, des scientifiques du Parc National des Écrins, des gardiens de refuges, des guides de haute montagne et des pratiquants.

Autour d’un objet commun, le refuge de haute montagne, chacun peut apporter, grâce à l’existence de ce programme, son expertise, son expérience et ses interrogations vis-à-vis de l’avenir.

Les agents du Parc National des Écrins ont une expertise particulière de ce terrain d’étude, de nombreuses ressources et l’envie que la recherche, dans sa dimension académique, puisse se saisir de ce terrain. Les gardiens, pour la plupart, constatent depuis des années des changements dans leur activité, comme dans la fréquentation de ces lieux particuliers que sont les refuges de haute montagne, et dans la population qui les fréquente. Longtemps simple étape vers les sommets, ou lors d’une randonnée au long cours, nombre de refuges deviennent des pôles récréatifs et éducatifs tournés vers la découverte de la montagne. Entre clientèle familiale, exigence du « fait maison », demande de « déconnexion », activités ludiques, animations culturelles ou même spectacles, les refuges se doivent d’être à la hauteur (sic) d’attentes renouvelées. Changements climatique et culturels se conjuguent ici pour transformer radicalement le statut et les fonctions des refuges. Quant aux chercheurs, ils souhaitent expérimenter des méthodes d’observations de terrain inédites, et relancer des croisements féconds entre sciences humaines et sociales et sciences de la nature.

Avant-poste de la présence humaine en altitude, le refuge occupe une place spécifique dans l’étude de ce milieu naturel et culturel. En abordant le refuge comme un observatoire, le programme intègre en tout point une dimension humaine incontournable dans le milieu de la haute montagne : de l’impact du changement climatique aux risques d’éboulement –pensons par exemple aux incidents du refuge du Promontoire cet été– et à l’influence des conditions d’accueil sur le comportement des pratiquants.

Au-delà de l’intérêt purement scientifique du programme, son tour de force réside dans la synergie qui en résulte, indispensable à sa réussite, entre des individus et des institutions autour de la (prise de) conscience sur la spécificité de lieux et de relations qui fondent un espace laboratoire – au sens premier du terme. Chacun, chercheurs et scientifiques, gardiens, agents du Parc, alimentant les réflexions ou les travaux des autres, associant également dans la démarche des pratiquants croisés sur un sentier ou au cours d’une veillée.

L’université propose ainsi une structure, un cadre, permettant à chacun des acteurs concernés d’avancer vers une connaissance commune d’un objet précieux : sur (comme ?) les « îles du ciel », les refuges sont des oasis…

Le film documentaire retrace quelques aspects de la première saison estivale du projet. En cette période de « Rencontres Montagne et sciences », il vous invite à découvrir de quelle manière un projet de recherche pluridisciplinaire s’inscrit dans un espace particulier et comment, ce faisant, il contribue à en faire un laboratoire des changements…

Vous pouvez suivre de près ce projet de recherche via son site web (riche en informations sur les refuges) ou sur Facebook.

Photographie d'illustration par Julien Charron (Technicien Refuges et interlocuteur Refuges Sentinelles du Parc national des Ecrins)