Il faut sauver les forêts tropicales ! - par Claire Guérou

Publié par Mathilde Chasseriaud, le 25 mai 2018   3.1k

 - Chronique rédigée et présentée par Claire Guérou pour le MagDSciences -
>> Chronique éditée pour Echosciences par Mathilde Chasseriaud <<


D’ici la fin du siècle, l’Amazonie va s’assécher. Les autres forêts tropicales d’Asie du Sud-Est et d’Afrique centrale vont, elles, gagner en humidité. 

Le CO2 impacte aussi les végétaux

C'est ce que décrit une étude parue le 27 avril 2018 dans le journal Nature Climate Change. A cause du CO2 contenu dans l’atmosphère, la météo des forêts tropicales va être chamboulée d’ici 2100 : il pleuvra moins sur la forêt amazonienne tandis que les autres forêts tropicales risquent d’avoir les racines dans l’eau.

En fait, le dioxyde de carbone que nous émettons tous les jours ne fait pas que réchauffer l’atmosphère. Il a aussi un effet sur les arbres et plus précisément sur leurs stomates ; des pores cellulaires situés sous les feuilles des végétaux. Ce sont des structures importantes pour les arbres : grâce à elles, ils font circuler l’eau de leurs racines jusqu’à leurs feuilles comme s’ils l’aspiraient à travers une paille. 

Stomates sur la feuille de nectarinier. INRA, Christian Bodet

Quand une goutte d’eau atteint une feuille, celle-ci se sert en nutriments et transpire le reste par ses stomates. On appelle ce phénomène l’évapotranspiration. C’est lui qui est impacté par le CO2.

Le CO2 réduit l’ouverture des stomates. Par conséquent, il réduit l’évapotranspiration de tous les arbres, qu’ils soient enracinés en Amazonie, en Asie du Sud-Est ou bien en Afrique centrale. 

En revanche, ce sont les conséquences de la baisse de la transpiration foliaire qui varient suivant les endroits. Parce que ces forêts n’ont pas la même capacité à contrôler leur climat


La forêt amazonienne : première victime végétale du CO2

Quand les feuilles des arbres d’Amazonie reverdissent en septembre, ils ont besoin d’eau. Mais c’est la fin de la saison sèche, et il n’y en a plus dans le sol. Leur solution est donc d’influer eux-mêmes sur la pluie. Ils transpirent tous en même temps par leurs stomates.

L’eau qui s’évapore crée un nuage de vapeur à haute température. Et celui-ci se retrouve piégé sous une couche d’air humide plus froide car plus haute en altitude. Là, comme dans une maison, l’air chaud monte. Il se refroidit en très haute altitude au contact de l’atmosphère. En se refroidissant, il devient plus lourd et donc, il redescend. Et comme il a beaucoup perdu en température, il refroidit les nuages humides qu’il croise. Il fait se condenser la vapeur d’eau et
donc il fait pleuvoir. Mais s’il n’y a plus d’évapotranspiration, les arbres ne peuvent plus contrôler la météo, il y a moins de pluie ;  l’ Amazonie s’assèche.

Parc national Yasuni, en Équateur - National Geographic

Les autres forêts n’ont pas besoin de la transpiration foliaire pour avoir de l’eau à la fin de la saison sèche. Ou du moins, elles en ont a priori moins besoin. Elles ont une superficie 3 à 4 fois moins importante que celle de l’Amazonie et sont en moyenne plus proches de l’océan. L’eau qui s’en évapore et qui est amenée aux arbres par le vent suffirait à les hydrater.
Dans ce cas-là, c’est le réchauffement de l’atmosphère induit par le CO2 qui joue, plus que la baisse de l’évapotranspiration. L’atmosphère qui gagne en température renforce le contraste thermique qui existe entre la terre et l’océan, car la terre se réchauffe beaucoup plus facilement que l’eau. Celle-ci reste froide au contact d’un matériau plus chaud qu’avant, et une plus grande quantité d’eau s’évapore. Lorsque le vent amène la vapeur d’eau aux arbres, il en transporte plus : ces forêts gagnent ainsi en humidité.

Dans tous les cas, que d’ici 2100 les forêts tropicales subissent des précipitations plus ou moins abondantes qu’actuellement pose problème. Parce que celles qu’on appelle les poumons de la planète abritent une énorme biodiversité : entre 50 et 80% des espèces animales ou végétales terrestres. En plus, elles alimentent et nourrissent une bonne partie de la population mondiale. Et bien sûr, elles contribuent activement à la séquestration du carbone et donc à la régulation du changement climatique. Alors si les poumons de la Terre nous lâchent, on risque vite d’étouffer. D’où le besoin de prévoir dans quel sens on doit faire du bouche-à-bouche.



    


Visuel principal : Upper Amazon - National Geographic