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Barthélémy Caillard : portrait d’un Fab Facilitateur à La Casemate

Publié par Sam Lefebvre, le 16 janvier 2022   1.5k

Suite à notre visite à La Casemate (à découvrir ici), Léo et moi avons décidé de partir à la rencontre de Barthélémy Caillard, surnommé Barth, Fab Facilitateur au sein de la structure. Si notre choix s’est porté sur lui, c’est que son poste au Fab Lab nous a semblé particulièrement original et intéressant. 

Situons un peu les choses : un Fab Lab est un lieu alternatif, un tiers lieu, où se côtoient des publics extrêmement variés. Pourquoi ? Parce qu'on trouve là-bas des machines et des outils plutôt exceptionnels : imprimantes 3D, découpeuse laser, fraiseuse à commande numérique… le tout utilisable pour des projets personnels après une formation de 2 heures prodiguée par un facilitateur. 

Le cadre étant posé, commençons une histoire : comment Barth est-il arrivé là ? 


Barthélémy Caillard semble au sein du Fab Lab comme un poisson dans l'eau

Donner du sens à la technique 

Imaginons Barthélémy, en seconde : il manipule déjà des imprimantes 3D (alors tout juste arrivées sur le marché des particuliers !). Il obtient un bac S et, en vue d’intégrer plus tard une école d’ingénieur, rejoint une classe préparatoire à Paris. Ses plans se réalisent en France, au Canada et en Irlande : il termine ses études avec en poche un master en électronique irlandais et une diplôme d’ingénieur électronicien français. 

Après ce cursus plutôt technique, Barth travaille comme prestataire pour Airbus puis comme gestionnaire de projet pour de grandes entreprises du CAC 40 comme Total ou Areva. Cette période ne dure pas car le travail est éprouvant moralement et très éloigné de la technique : “au bout de neuf mois, je n'y arrivais plus” déclare-t-il. “Je gérais tous les jours des gens en burn-out ou en dépression, j’avais l’impression d’être un pompier autour duquel tout brûlait”. 

Souhaitant s’éloigner de ce milieu qu’il qualifie de violent et au sein duquel il perdait de vue ce qu’il avait appris lors de ses études, Barth rentre à Grenoble et est embauché quelques mois plus tard à La Casemate. Au sujet de ce nouveau poste, il dit : “Ici, je peux faire profiter de mon expertise technique autour d'un projet qui a du sens pour au moins une personne.”. Il se réjouit d’avoir trouvé un métier qui lui permet de “donner du sens à la technique”. Mais être Fab Facilitateur, en quoi ça consiste exactement ? 

Réaliser ses projets : du rêve à la réalité

Imaginons que demain vous souhaitiez réaliser un cadre photo original pour décorer votre maison. Vous en avez une idée claire et précise mais vous ne savez pas comment le réaliser. Vous vous renseignez et vous apprenez qu’au Fab Lab de La Casemate, on pourra vous aider en vous fournissant l’accompagnement technique nécessaire pour mener à bien votre projet. C’est justement ça le rôle du Fab Facilitateur : soutenir des personnes ambitieuses et qui ne viennent pas du monde de la technique, dans la résolution de problèmes bien concrets.

Et il y en a qui ont particulièrement marqué Barth. C’est notamment le cas d’un projet porté par un ébéniste voulant créer une œuvre engagée sur la déforestation massive. L’objectif était d’animer des souches de bois à la manière d’une vague qui évoluerait de manière corrélée aux données de la déforestation dans le monde, le tout dans une ambiance sonore basée sur le rythme cardiaque de bûcherons. Derrière ce défi technique, se cachent de nombreuses disciplines comme la mécanique, l’électronique ou la sonorisation.

Un autre projet notable fut celui de la conception d’un jeu vidéo sur la thématique de la production et de la distribution de l’énergie. Cette fois-ci, il a fallu concevoir une borne d’arcade en bois afin d’accueillir le jeu vidéo, mais également réaliser ce dernier de A à Z, de sa conception jusqu’à son codage. La diversité de ces projets, entre autres, est à l’origine de la richesse de ce métier puisqu'il permet de “donner du sens à la technique”, comme aime bien le rappeler Barth. 

Bien qu’étant un lieu d’accompagnement et d’échanges, le Fab Lab peine parfois à séduire. En effet, il n’est pas rare que certaines personnes s’auto-excluent de cette structure. La raison ? Souvent, elles ne se sentent tout simplement pas légitimes d’avoir accès à autant de ressources matérielles et techniques. “Un Fab Lab est un monde inhabituel et compliqué à valoriser.” déplore Barth. Alors pour lutter contre ce phénomène, le Fab Facilitateur tente d’adapter son panel d’offres afin de répondre au mieux à ce public difficile à convaincre.

Quand il n’anime pas des ateliers pour le jeune public, Barth s’occupe de préparer des activités pour des séminaires d’entreprise. Il lui arrive aussi de faire de l’administratif, surtout en ce moment, notamment du fait du changement de statut juridique de La Casemate.

En parallèle de son travail au Fab Lab, Barth travaille également à son compte, en tant que photographe spécialisé dans les portraits.

Et pour demain ? 

Devenir Fab Facilitateur peut être à la portée de tout le monde. Au-delà d’être une simple fonction, c’est surtout un état d’esprit : celui d’aimer apprendre et de savoir apprendre en autonomie. Même s’il a été fortement aidé par sa formation plutôt technique, Barth est surtout animé par cette volonté de transmission des techniques au plus grand nombre. «Quand on a l’enthousiasme, c’est plus simple de transmettre » ajoute-il.

Présent à La Casemate depuis maintenant quelques années, il a également eu l’occasion de se former aux différentes machines dont regorge le Fab Lab. Découpeuse laser, machines à coudre, imprimantes 3D… elles n’ont plus de secrets pour lui !

Mais pour Barth, l’avenir des Fab Labs en général réside surtout dans leur capacité à développer des réseaux. Chaque Fab Lab ayant sa ou ses spécialités, ils gagneraient énormément à unir leurs forces pour répondre aux enjeux du monde d’aujourd’hui et de demain.

En attendant, Barth entretient l’espoir d’accueillir au sein de sa structure des gens venant de tous les horizons. Son rêve absolu ?  « Voir se croiser un wedding planner et plusieurs compagnons, mais aussi un doyen de 85 ans qui fait des plans de drones et une autre personne venue simplement pour réparer sa chaise pliante ». Espérons pour Barth que ce rêve devienne réalité.

Faire, faire mieux, faire bien 

Pour Barth, derrière son métier de facilitateur, il y a une idéologie : encapaciter le plus grand nombre, une volonté chère au mouvement maker. Encapaciter ? Mouvement maker ? Reprenons un peu les termes. Encapaciter est un néologisme hérité du mot anglophone : to empower qui veut dire littéralement ‘“donner le pouvoir”. L’objectif est de permettre aux gens de s’approprier des techniques et des savoirs grâce auxquels ils pourront reprendre le contrôle de leur consommation.

Cette démarche d’encapacitation permet de lutter contre l’obsolescence programmée (en réparant soi-même les objets défectueux) mais aussi de voir le potentiel complet d’un objet en l’utilisant de manière optimisée et parfois inattendue. “Au Fab Lab, on ne fait pas à la place des gens, on rend les utilisateurs en capacité de faire eux-mêmes” dit Barth. Il enchaîne : le mouvement maker, c’est “comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait, c’est voir un objet comme une ressource non-immuable, adaptable à ses besoins”.

Être maker est un état d’esprit presque militant, fortement lié à l’écologie : il s’agit de redonner du sens à sa façon de consommer et d’utiliser les objets, de partager ses ressources (on parle d’ailleurs d’open hardware). Cela ne se fait pas seul et le mouvement repose sur l’entraide et l’échange, la mutualisation des savoirs et des apprentissages. Ça fait rêver non ? Alors rendez-vous dans le Fab Lab ou le Repair Café le plus proche !


Article rédigé par Léo Bonnet et Anaïs Lefebvre dans le cadre du cours "Découvrir les métiers et les environnements professionnels" encadré par Marion Sabourdy, au sein du Master de Communication et Culture scientifiques et techniques de l'Université Grenoble Alpes.

Crédits : photo par Anaïs Lefebvre, visuel FabLab par Léa Montoro