Le mystère d'une boite du 17e siècle décrypté à la lumière synchrotron

Publié par Esrf Synchrotron, le 4 novembre 2015   5.2k

Les scientifiques de l’ESRF ont révélé le contenu d’une petite boîte mystérieuse du 17ème siècle, découverte sur le site archéologique de l’église Saint-Laurent. Sans l’ouvrir. Une performance scientifique, une belle collaboration entre acteurs locaux et une sacrée surprise !

C’est sur le site archéologique de l’église Saint-Laurent devenue le Musée archéologique Grenoble Saint-Laurent (MAG), site patrimonial majeur en Europe, situé au cœur de l’un des plus anciens quartiers de Grenoble, qu’a été découverte cette petite boite métallique. La boite, de 4 cm, accompagnait le défunt d’une des 195 sépultures appartenant à la phase d’inhumations datée du XVIIe siècle. Le traitement de restauration s’était limité à stopper l’oxydation de l’objet très abimé, mais n’avait pas permis d’identifier son contenu. Et pourtant, le couvercle, cassé, laissait apparaître trois éléments circulaires ressemblant à des pièces, mais totalement illisibles.

Aperçu des vestiges mis au jour dans la nef de l’église Saint-Laurent devenue Musée archéologique Grenoble Saint-Laurent

Comme l’explique Renée Colardelle, docteur en archéologie, histoire et civilisations de l’Antiquité et du Moyen-Age, responsable pendant près de 20 ans du chantier de fouilles de Saint-Laurent : « Ce traitement de conservation a minima, que nous avons également appliqué aux vestiges archéologiques afin de préserver l’authenticité du site tel que sorti de terre, permet aujourd’hui une investigation, non destructive, dont les résultats sont stupéfiants ».

C’est le Centre de Culture Scientifique et technique de Grenoble, La Casemate, qui a mis en relation le musée avecPaul Tafforeau, scientifique de ligne de lumière à l’ESRF, pour tenter de percer le mystère de cette boite sans l’ouvrir (1). Elle a donc été scannée par micro-tomographie synchrotron en contraste de phase sur la ligne de lumière BM5 de l'ESRF. Cette technique, dérivée du scanner médical mais beaucoup plus puissante, permet d’imager l’intérieur d’un échantillon en 3 dimensions à haute résolution de manière non destructive.

La petite boite du 17ème siècle

« Ca ne devait être qu’un petit test de faisabilité pour faire une image pour une exposition, mais la surprise a été de taille, et au final c’est tout un projet de recherche qui en est sorti » raconte Paul Tafforeau.

Des résultats surprenants !

Les coupes tomographiques ont montré qu'il ne s'agissait pas de pièces métalliques, mais de petites médailles de terre cuite, ainsi que de deux perles. Les trois médailles étaient très dégradées et collées ensemble, cependant, après une segmentation manuelle des zones de contact et des fissures entre les médailles, il a été possible de les séparer, puis, grâce à des techniques de rendus et d’éclairages virtuels 3D, de révéler de nombreux détails invisibles en éclairage classique.


Ainsi sur une médaille, on reconnait le Christ crucifié et deux personnages au pied de la croix. Et au revers, sa résurrection symbolisée par le personnage portant une couronne d’épines avec une jambe hors du tombeau et tenant dans sa main droite l’étendard de la résurrection.

Les deux autres médailles sont identiques, et présentent des dégradations différentes, ce qui a permis, en combinant les images, de révéler les illustrations et même les textes. Sur une face, on reconnaît le baptême du Christ par Saint Jean-Baptiste. Le texte est tiré de l’évangile selon Saint Jean. VERBUM CARO, FACTUM EST (« Le verbe s’est fait chair »). Le revers montre les trois rois mages apportant l'or, la myrrhe et l'encens à l’enfant Jésus tenu sur les genoux de Marie. Le texte est le début d’une antienne : ADORAMUS TE, CHRISTE ET BENEDICIMUS TIBI (« Nous t’adorons, Christ et nous te bénissons »).

Au-delà de la découverte scientifique et de l’identification de ces médailles qui viennent renforcer la connaissance des croyances, pratiques des populations locales du 17ème siècle, la qualité des images obtenues ouvre de nouvelles perspectives pour les archéologues. N’en doutons pas, cette approche novatrice en archéologie qui débute seulement devraient révéler bien d’autres secrets grâce à la lumière synchrotron.

>> Notes :

Voir aussi "Suivez en direct la troisième Table ouverte du FabLab de La Casemate" et "ESRF : tableaux et fossiles sous les rayons X"

>> Crédits : image principale et vidéo : @Paul Tafforeau / ESRF. Musée archéologique Grenoble Saint-Laurent : ©Frédéric Pattou, Conseil départemental de l’Isère (CDI). La petite boite du 17ème siècle, collection MAG, N°inv. 2008_0_745 ©Denis Vinçon, CDI