#1 Stéphane La Branche, regard de sociologue - Exposition "Au croisement des Ohms"

Publié par GEG, le 23 août 2023   530

« Non, l’énergie n’est pas un besoin vital. Elle est encore considérée comme allant de soi. ».

Qu’est-ce qu’être sobre ? Quelles sont les représentations sociales associées? Ce sont autant de questions que se pose Stéphane La branche, sociologue du climat, dans le cadre de ses recherches sur la sociologie de l’énergie. Ses travaux [1] lui ont permis d’identifier sept profils socioénergétiques types, couvrant le spectre de nos différents rapports à la sobriété énergétique, de l’énergiphile à l’indifférent. Découvrez son témoignage ! 

« Je fais attention à ma consommation d’énergie, d’eau, etc. pour des raisons climato-environnementales. Je le ferai même si le prix [de l’énergie] était faible »

Stéphane La Branche le reconnaît lui-même : il a toujours eu une fibre écologique. Dans sa vie personnelle, son rapport à l’énergie est celui du profil écophile. Cela signifie que ce sont principalement des préoccupations climatiques et environnementales qui le motivent à modifier sa consommation !

« C’est à la suite de ces dissonances cognitives observées chez les écolos que m'est venue l’envie d’explorer ces comportements avec la sociologie à grande échelle. Les observations que j’ai pu réaliser n’ont fait que me persuader de la nécessité de développer une sociologie du climat »

Pourquoi une sociologie du climat est-elle nécessaire ?

Dans le cadre d’une recherche sur les impacts environnementaux, sociaux et énergétiques des barrages, Stéphane La Branche explique avoir été confronté à un membre de Greenpeace International qui s’opposait à la construction d’un barrage. Son argument principal était que l’infrastructure polluerait l’environnement local. Le chercheur explique lui avoir répondu que cela pouvait effectivement être le cas, mais le barrage n’est-il pas préférable à l’implantation d’une centrale à charbon, particulièrement d’un point de vue écologique ?

Ce sont ces exemples de contradictions dans nos systèmes de valeurs et d’idées, qu’on appelle dissonances cognitives, qui ont donné envie à Stéphane de travailler sur les comportements d’un point de vue sociologique, et à grande échelle sur les enjeux écologiques puis énergétiques. 

« L’autre innovation qui va se développer dans les prochaines années est la production d’énergie renouvelable un peu partout. Je parle d’une production incluant les citoyens »

« Les citoyens comprennent de mieux en mieux ce à quoi renvoie le concept d’énergie. Par exemple, quand on achetait une maison il n’y a pas longtemps, on acquérait de la pierre. Maintenant, on achète un système énergétique »

Quelle sera l’influence des citoyens, demain, sur nos systèmes énergétiques ?

Parrain du collectif Energ’Y Citoyennes, fondé par des citoyens grenoblois pour produire localement de l’énergie renouvelable et sensibiliser à la transition énergétique, Stéphane La Branche pense que les citoyens vont devenir de plus en plus impliqués sur la question des enjeux énergétiques. En effet, il constate depuis 10 à 15 ans une « amélioration de la culture générale énergétique des populations ».

Sociologiquement, le chercheur pense qu’une rupture peut s’opérer grâce à l’information sur l'énergie qui atteint de plus en plus les citoyens. Selon lui, peu à peu, chacun va intégrer à quel point l’énergie est un besoin vital au même titre que le logement et la nourriture. Cela est mis en lumière quand les tarifs augmentent, mais globalement, nous sommes encore nombreux à avoir l’illusion que nous pourrons toujours appuyer sur l’interrupteur sans y réfléchir à deux fois !

« Il s’agit d’une obligation morale de limiter ma consommation énergétique mais certainement pas une contrainte. Il s’agit d’un exercice sur moi-même. Je fais partie des 10 à 15% de la population qui trouvent drôle de s’observer soi-même et de changer. »

Serons-nous tous capable de fournir les efforts nécessaires pour limiter notre consommation d’énergie ?

Stéphane La Branche pense que beaucoup de temps s’écoulera encore avant que l’énergie ne soit perçue comme un besoin vital par tous et non uniquement les ménages en situation de précarité énergétique.

Les prix de l’énergie n’en font pas une contrainte économique majeure pour tous et, d’après lui, les énergies fossiles sont trop peu chères en comparaison des énergies renouvelables pour favoriser l’accélération de la transition énergétique.

Ainsi, selon Stéphane la Branche, si l’année qui s’est écoulée a été « marquée par des menaces de délestage et les peurs liées à un risque de rupture et de pannes », les véritables économies énergétiques proviennent du secteur industriel et non des ménages. Ces derniers ont « très peu fait évoluer leurs habitudes en réalité ».

Venez retrouver les réflexions et interrogations de Stéphane dans son témoignage vidéo à la Casemate du 7 juin au 30 septembre !

L'inauguration de l'exposition Au Croisement des Ohms, en présence de Stéphane La Branche

Stéphane La Branche est également coordinateur scientifique du GIECO/IPBC (Groupe International d'Experts sur les Changements de Comportements / International Panel on Behavior Change). Vous pouvez retrouver son témoignage, ici non pas personnel mais en tant que chercheur sur nos comportements en matière d'énergie, dans la vidéo ci-dessous et à la Casemate ! 

Propos recueillis par les étudiants de Colibri Junior Conseil : la Junior de Sciences Po Grenoble (junior-sciencespogrenoble.fr) 

Louna Sainty

Etudiante en 2de année à Sciences Po Grenoble

[1] La Branche S., 2021. Energie et Ecologie : les sept profils socioénergétiques, Presses Universitaires de Sciences Po Grenoble. Disponible à : Énergie et écologie : les sept profils socioénergétiques - Stéphane LA BRANCHE - Sociologue du climat (Laboratoire Pacte) - Stéphane La Branche (EAN13 : 9782706151095) | PUG : livres papiers et numériques en ligne