"On a une place à prendre" - interview de Guillaume Desbrosse, Directeur de La Rotonde et Président de l’AMCSTI

Publié par Julie Amand, le 24 décembre 2020   1.8k

Crédit photo : Amcsti

Des acteurs en crise mais soudés 

“Nous sommes dans une situation précaire”, ce sont les mots de Guillaume Desbrosse face à la crise qui frappe le secteur de la culture scientifique et technique depuis le mois de mars 2020. La situation économique est incertaine, et il en va de même pour les projets actuels. Malgré cela, il souligne la bienveillance des collectivités qui ont maintenu les subventions en dépit de la crise, ce qui fait de 2020 une année relativement stable. L’inquiétude règne quant à elle pour 2021, “si ça ne repart pas, il y a un moment où l’argent, [...], il va falloir le rembourser”

L'AMCSTI est le réseau des acteurs de la culture scientifique. “Se fédérer pour se rencontrer, travailler ensemble, échanger, coproduire, [...], faire exister la CSTI au plus haut niveau dans les instances politiques”, ce sont les valeurs portées par l’association. Avec la crise, l’AMCSTI a donc pris les choses en main en multipliant les réunions avec les organismes pour faire le point notamment sur les restrictions sanitaires mises en place, les problèmes économiques rencontrés, le moral des équipes, elle apporte son soutien à ses membres, “On a fait un recensement de toutes les initiatives qui étaient portées pendant le confinement, pour les relayer et les valoriser”

Cliquez sur l'image pour découvrir les initiatives relayées par l'Amcsti pendant le premier confinement de 2020 et après !

Malgré ce portrait plutôt morose et angoissant de la situation actuelle, G.Desbrosse retient que la crise a permis d’explorer de nouvelles formes de médiation et de voir les choses différemment, mais n’oublie pas le rôle que les acteurs de la culture scientifique ont à jouer :“Montrer que la science est un sujet majeur et qu’il est arrivé sur la table de la salle à manger des gens un peu comme ça donc on a une place à prendre”.

Le confinement entre changement et adaptation

La crise sanitaire que nous traversons a bouleversé les habitudes et les modèles dans le  domaine de la médiation scientifique. Si on devait retenir un objectif, ce serait de maintenir le lien avec le public. “On a fait un choix à la Rotonde et qui est le choix de pas mal d’acteurs de dire continuons l’activité et la programmation culturelle, on a besoin de garder le lien avec le public, on ne peut pas s’en priver”

Cliquez sur l'image pour découvrir l'initiative "Sciences à la maison" portée par la Rotonde

Entre adaptation scénographique, baisse des jauges, incertitude pour le futur de la structure, la culture scientifique et notamment la Rotonde ont su rebondir en proposant de nombreux contenus numériques. “ ça été aussi une opportunité de renverser des choses et d’imaginer de nouvelles formes de médiation, de tester des choses”. Avec un seul objectif en tête : "garder le lien social”.

Mais le numérique ne peut pas répondre à tous les enjeux de la CCST, d’une part parce qu’il a modifié le modèle économique en proposant de nombreux contenus gratuits. “ça chamboule notre modèle économique [ …] on a créé une habitude culturelle chez les gens et c’est difficile de revenir à des activités payantes".  Et d’autre part parce qu’il ne permet pas le maintien de la place du médiateur qui selon G. Desbrosse est primordial. “ à un moment le présentiel est juste indispensable, on a besoin de médiateurs qui sont en contact avec le public , la relation humaine est l’essentiel de notre travail”. 

Il a aussi l'envie de faire de la culture scientifique pour tous les publics, et surtout pour les publics qui ne viennent pas, la crise du Covid n'a pas permis de faire venir ce public. "ça c'est le présentiel qui l'apporte". "Moi, c'est ce public là qui m'intéresse surtout pendant cette période". 

Faire de la culture scientifique en cette période sans aller à l’encontre des valeurs de la structure n’est pas une mince affaire. 

La Rotonde, ensemble soyons curieux ! 

Laboratoire d’idées et d’expérimentations, La Rotonde est un espace de découverte, de création et d'expérimentation qui permet à tous d’apprendre, d'interagir et d’échanger. Selon G.Desbrosse, il est essentiel de “permettre aux gens de rentrer dans un processus de créativité, d'ouvrir le champ des possibles, de faire naître des vocations et d’être acteur de sa découverte“

Le toit de La Rotonde, le centre de sciences de Saint-Etienne, décoré par les artistes Ella & Pitr 

Il définit les médiateurs de son équipe comme des "cuisiniers culturels". Il s’explique : “Nous sommes là pour établir des recettes et donner des choses à manger aux gens.” L’astronomie, la chimie ou encore la physique, tout cela constitue leurs ingrédients… “On va tout mettre dans la poêle et on va essayer d’en sortir quelque chose”. Il entend par là, la création d’une exposition, d’un atelier, d’une conférence ou encore d’une vidéo et “le plus important c’est de vraiment donner aux gens l’envie de manger, parce que c’est le plus important pour nous”

L’objectif de la Rotonde est donc de tout faire pour donner du goût aux sciences pour tous et pour toutes. 

Faire de la CSTI une cause publique

Si on a une société qui est connectée à la recherche, on va pouvoir discuter, débattre et avoir des citoyens éclairés. Le monde est très complexe à appréhender et cette complexité ne doit pas amener au repli sur soi. La culture scientifique, technique et industrielle est une cause sociétale primordiale.” A travers cette phrase, G. Desbrosse résume sa vision de la culture scientifique comme étant une cause publique, qui n’est malheureusement pas financée à la hauteur des enjeux qu’elle peut satisfaire. La crise économique liée à la situation sanitaire menace en effet beaucoup de structures de CSTI. 

Une vue d'artiste du futur parc EXPLORA, qui sera animé par La Rotonde

Et le discours du président de l’Amcsti est limpide. Il faut que les investissements futurs attribués à la culture scientifique, prévus par la Loi de la programmation de la recherche, aillent dans les caisses des professionnels du secteur. “Il existe des professionnels formés qui savent valoriser et expliquer le travail fait par les chercheurs”. De plus, quand on regarde le maillage territorial d’un réseau comme l’AMCSTI, on se rend compte qu’il existe des structures de culture scientifique presque partout en France.

Bref, les professionnels sont au rendez-vous pour travailler de concert avec les chercheurs et rendre accessible les sciences à tous les citoyens ! Ils sont prêts à innover, créer du lien et se questionner sur les grands enjeux sociétaux de demain comme la crise climatique. Il ne manque plus que des financements à la hauteur de cette mission plus que nécessaire...

Julie Amand, Manon Herranz, Emma Duboc et Hoby Ranarison