Interview de Marion Livoti, rien que pour vous

Publié par Hélène Lecolier, le 29 mars 2023   560

Qu’avez-vous fait comme études ? 

J’ai suivi une formation d’éducatrice spécialisé, métier que j’ai exercé pendant 20 ans. Cela n’avait aucun rapport avec l’art mais petite, j’ai été formée à la musique dans une école et j’ai fait des stages de théâtre et d’art plastique et j’ai fait de la danse. Ensuite j’ai été formée à l’AFRATAPEM (école d’art thérapie de Tours) qui est une école d’art thérapie affiliée au courant médical. Ensuite j’ai obtenu un diplôme en médecine, en art thérapie, à Grenoble. 

Pourquoi vous être tourné-e vers l’art-thérapie ? 

Je me suis tournée vers l’art thérapie déjà par envie de développer différentes cordes à mon arc mais aussi pour faire autre chose que de l’éducation spécialisée. Après un bilan de compétences je suis devenue art thérapeute. Dans l’éducation spécialisée il y a des limites et j’avais une volonté de voir s’il était possible d’aller plus loin avec l’art thérapie. C’est aussi en lien avec ma personnalité, mon goût pour l’art et le métier. 

En quoi cela consiste pour vous ? 

Ce n’est pas seulement ma vision, c’est une vision globale qui correspond à la vision qu’on m’a transmise pendant ma formation. L’art thérapie comme je l’ai appris à l’école, consiste à évaluer et graduer les pouvoirs de l’art dans un objectif sanitaire, dans un contexte de soin, mais la zone d’application est très large. On peut pratiquer l’art thérapie en hôpital, en maison de retraite, dans la protection de l’enfance… L’art thérapie est aussi intéressante auprès de personnes en situation de souffrance. 

Dans la formation de l’AFRATAPEM on apprend qu’il faut aller chercher la partie saine de la personne en souffrance (les capacités préservées) pour avoir un impact bénéfique par la suite. L’Art thérapie est complémentaire de la médecine classique et peut même devenir alternatif. 

Quelles sont vos manières de procéder ? 

J’ai mes manières à moi mais je respecte le protocole et l’éthique du métier. Ça dépend du style, de la personnalité, des techniques artistiques proposées au patient. L’idée est de mettre en place un protocole de soin qui nécessite une prescription médicale (d’un psychologue, d’un généraliste…). Le médecin donne une indication pour dire, selon lui, ce qui est intéressant de travailler avec l’Art thérapie.

Ensuite je fais un diagnostique avec le patient et on définit la façon de faire (choix de la technique à utiliser) et on met en place des séances. Une fois les objectifs atteints, on fait un bilan pour voir les progressions du patient, ensuite je le donne au médecin. 

Est ce que cela fonctionne ? 

Oui, cela fonctionne plutôt bien et auprès de différents publics. Cela dépend de la stratégie qu’on adopte. Il ne faut pas taper à côté, chaque patient est différent. Cela dépend aussi de l’engagement du patient. En institution, parfois les patients ne sont pas très coopératifs, mais il faut aller chercher cette adhésion et les aider. S’il y a toujours opposition, c’est compliqué donc on essaie de se rapprocher de ce que le patient aime pour créer une relation thérapeutique et un lien de confiance. 

Quels sont les effets que cela a sur notre bien-être ? 

Il faut faire attention. Aujourd’hui le métier d’Art thérapeute est à la mode. Il y a beaucoup d’écrits qui disent que l’art guérit, beaucoup de gens veulent se former… Mais tout ce qu’on lit n’est pas vrai, tous les artistes ne vont pas tous bien. Il y a des contraintes, prenons par exemple les musiciens. Ils ont des contraintes physiques. 

Si on ne fait pas attention, on peut accentuer des troubles sans faire exprès, on peut renforcer les délires des personnes qui ne sont pas tout à fait dans la réalité. Les artistes consomment des drogues et ça ne peut pas avoir que des impacts positifs. Il faut donc être formé sur ce qu’est un être humain et les différentes pathologies qui existent. 

Mais, au-delà de tout ça, l’art thérapie a des effets sur le bien être physique. Au niveau moteur, ça fait bouger en fonction de la pratique (la peinture, la danse, ça ne fait pas travailler les mêmes parties du corps). On peut travailler sur la posture ou la rééducation d’un membre. On peut solliciter les sens et ça peut être agréable (couleurs, toucher et cela peut déclencher des émotions positives, parce que c’est beau). 

L’art thérapie a aussi des effets sur les capacités cognitives car ça stimule l’imagination, la mémoire, la réflexion… Le plaisir pris dans la pratique va stimuler le circuit de la récompense, qui produit des endorphines et ça diminue aussi la cortisone (hormone du stress) ou le ressenti douloureux. Au niveau relationnel, cela aide les personnes seules ou qui ont du mal à s’imposer, l’art en groupe ou les expositions en groupe peuvent avoir des bénéfices dans le social. 

Il n’y a pas eu spécialement de retour négatifs en art thérapie mais il y a des retours d’artistes qui ont mal tournés après avoir trop pratiqué leur art. Ils pouvaient utiliser des substances pour “booster la créativité” et ce n’est pas bénéfique pour eux. 

Pourquoi conseilleriez vous l’art thérapie à une autre méthode ? 

Je ne conseillerais pas forcément parce qu’à partir du moment où la méthode de base est portée par quelqu’un de formé correctement, cela peut être déjà bien. Les méthodes peuvent être complémentaires, ça dépend de la personne et des troubles. Ce qui est intéressant dans l’art thérapie indiqué pour les gens atteints de troubles de l’expression par exemple est que cela peut aider à faire parler une personne ayant des problèmes de langage, ça peut l’’aider à s’exprimer. 

Quels types d’art thérapie pratiquez-vous ?

L’AFRATAPEM enseigne l’art thérapie moderne affilié à la médecine. Dans le domaine médical, cela peut aider à maintenait des capacités. Il n’y a pas d’interprétation des productions du patient. 

Un exemple : une jeune ado qui souffrait d’une grande anxiété et d’une phobie sociale est venue. Nous avons adopté une technique picturale avec de la peinture afin de l’aider à être plus à l'écoute de ses ressentis et qu’elle les exprime. Cela l’a aidé à s'affirmer et à lui donner confiance en elle. 

Qui vous envoie les patients ? Les médecins généralistes ou les médecin spécialisés

Ce sont tous les types de médecins, qu’ils travaillent dans le libéral ou en institution. 

En institution ce sont plutôt les pro comme les kinés, les coordinateurs, les neurologues ou autres. En libéral c’est très variable. Cela varie de la situation des patients mais ça peut être les psychiatres, les généralistes ou des patients qui arrivent tout seuls parce que leur médecin ne connaît pas forcément. Dans ce cas, il y a une prise de contact avec les médecins et ils sont à l’écoute. 

Il y a une notion de thérapie donc il s’agit d’un soin, ce n’est pas comme un atelier artistique. 

Comment sait-on que ça marche ?

En art thérapie il n’y a pas d’interprétation, il y a une démarche phénoménologique où on observe des faits à partir d’objectifs spécifiques pour observer le patient et voir si la progression existe, ou si ça n’avance pas et s’il faut changer la façon de faire. Le but est d’avoir une observation la plus précise possible.

Il faut croiser ces observations avec celles des pros et du patient pour vérifier et prouver quand on dit qu'il va mieux.

Des recherches scientifiques ont été menées surtout avec la musique pour voir les effets sur le cerveau, l’AFRATAPEM est un pôle de recherche sesam pour croiser des infos sur beaucoup  de patients pour vérifier comment ça marche et comment.