La montagne dans les gènes

Publié par Muséum De Grenoble, le 6 octobre 2017   3.2k

L’expo « Sur les îles du ciel. Et si Darwin avait été alpiniste ? » est l’occasion d’aborder les fabuleuses stratégies d’adaptation des plantes des montagnes.

Les hauts reliefs montagneux ne sont pas que des cailloux chauves, au contraire !  Grâce aux alpinistes et aux scientifiques, une biodiversité longtemps insoupçonnée est aujourd’hui connue et étudiée. Balayées par les vents glacials, inondées de lumière et sur les pentes les plus raides, de petites fleurs pointent leur nez.

Mais alors, comment ces végétaux arrivent-ils à survivre dans des conditions aussi hostiles ?

Car ce sont de petits concentrés de procédés d’adaptation à la mesure des contraintes de cet habitat. A chaque contrainte, sa réponse biologique spécifique.

Pour s’accrocher aux versants rocheux, rien de mieux que des racines très profondes et solides dites en  « pivot ». Ce sont par exemple le cauchemar des jardiniers qui nettoient les vieux murs en pierres de nos villes.

Androsace helvétique (Androsace helvetica) Bernard Nicollet / Parc national des Écrins
L'androsace helvétique, un exemple de plantes aux racines "en pivot"

Ces plantes encastrées dans les fissures des versants rocheux n’ont ni sols ni nutriments disponibles pour se nourrir et pousser. Certaines plantes sont autosuffisantes et récupèrent les minéraux libérés lors de la mort de leurs feuilles d’une saison à l’autre. Les plantes de montagnes sont aussi  moins gourmandes en eau et en nutriments. Elles grandissent lentement et vivent généralement plus longtemps.  Elles sont dites « pérennes ». Elles vivent une dizaines d’années et certaines sont même centenaires !

La lumière est bonne pour la croissance des plantes, mais en haute montagne l’excès de soleil assèche et brûle. Pas besoin de se cacher, quelques astuces permettent de se protéger efficacement des UV: avoir des poils et une peau épaisse (la cuticule chez les plantes), absorber les rayons du soleil ou les transformer en énergie sous forme de chaleur. La couleur violette, bleu ou rouge des feuilles est une des conséquences de cette adaptation, que l’on trouve aussi chez les végétaux des déserts ou des tropiques.

Pour éviter de perdre trop d’eau par évapotranspiration  la meilleure astuce est encore de diminuer la surface d’exposition au soleil. La forme sphérique est la plus optimale. Elle présente d’autres avantages : comme de protéger les organes en son centre, limiter la prise au vent ou garder la chaleur efficacement. A plus de 2300m d’altitude, ce sont surtout les températures négatives qui rendent cet habitat si inhospitalier.  L’urgence est de rester au chaud alors, comme peuvent le faire les animaux ou les hommes, les plantes se mettent « en boule », sous forme de touffe ou de coussin. Elles tolèrent même le gèle grâce à leur composition en eau douce et en sucre par exemple. Certaines plantes peuvent ainsi supporter plusieurs heures à -17°C.

Mais attention, ne vous amusez pas à mettre votre fraisier dans le frigo !

Ces dispositifs d’adaptation sont le résultat de milliers d’années d’évolution. Ils sont apparus au hasard de la sélection naturelle dans le code génétique de certains individus. Grâce au processus de reproduction et d’isolement (phénomène de spéciation), ils ont constitués les populations de plantes que l’on connait aujourd’hui.

On peut dire qu’elles ont la montagne dans les gènes !

Andréa Parés, étudiante INP


>> Photos

  • Écologie verticale dans le massif de la Meije - marguerite des Alpes (leucanthemopsis alpina) - Saulay Pascal, Parc national des Ecrins
  • Androsace helvétique (Androsace helvetica) Bernard Nicollet / Parc national des Écrins