La « raison d’être » d’entreprise : comment entrouvrir la porte d’un capitalisme responsable ?

Publié par Yannick Chatelain, le 1 juin 2021   700

Par Yannick Chatelain Professeur Associé à Grenoble Ecole de Management  GEMinsights Disseminator
Karim BENAMEUR, lecturer à Grenoble École de Management
Jérôme BARRAND, Professeur, Responsable de l’Institut d’Agilité des Organisations (I.A.O.) à Grenoble École de Management

Et si la crise était une opportunité ? Ne pourrions-nous pas sortir de cette crise du covid19 plus forts que nous n’y sommes entrés ? N’est-ce pas le bon moment pour déclencher la transformation de nos modes de consommation comme de production ? Mais comment amener l’adoption de comportements utiles à la sauvegarde de la vie quand nos systèmes protègent et valorisent celles et ceux qui la détruisent ? 

En proposant la création du statut d’entreprise à missions dans le Code civil, la loi PACTE valorise des comportements capitalistiques responsables. Elle entérine par exemple, le fait qu’une entreprise, dont la « raison d’être » serait d’éliminer l’impact carbone des mobilités, refuserait d’installer ses piles à combustible sur des machines de déforestation de l’Amazonie, dégradant mécaniquement sa performance et les revenus de ses actionnaires. Ces derniers ne pourraient se retourner – sans risque – contre ces dirigeants, car, agissant au nom de leur « raison d’être », la valeur juridique de celle-ci les protègerait. Cette loi en valorisant les intentions responsables d’une d’entreprise au service des enjeux sociétaux que nous affrontons, ouvre la porte à l’émergence d’un capitalisme social. Dès 2010[1], nous écrivions que la valeur d’une entreprise résiderait demain dans sa « raison d’être. » Nous pensions que le principal défi serait celui de la finitude après des décennies de capitalisme débridé fondé sur le sentiment d’infinitude des marchés, des profits, des ressources et de la capacité de la planète à en absorber les dégâts. Ainsi, pouvait-on bâtir un projet auquel nos sociétés occidentales ont adhéré, basé sur la promesse de richesse pour chacun, sans échapper aux revendications et conflits pour un partage plus juste de ces richesses. Aujourd’hui, le paradigme de finitude s’est imposé, considérant comme probable, la fin d’une humanité qui s’effondrerait de par son inconséquence. Face au pronostic vital engagé, il est acquis qu’il faille changer nos finalités et leurs comportements induits. Encore faut-il qu’un cadre le permette. À  sa mesure  la loi PACTE, entérinant l’impuissance de l’individu ou celle des états n’ébauche-t-elle pas ce cadre ? D’un côté, l’individu, seul, ne peut rien : trop nombreux sont ceux qui attendent que les autres agissent les premiers. De l‘autre, les états ne peuvent forcer les choses sans donner l’impression de basculer dans une forme de totalitarisme. L’Entreprise pourrait de fait être un bon levier, le fait de les inviter à se définir par une « raison d’être » progressiste autant que profitable et les protéger juridiquement des pressions inverses va dans ce sens. 

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Crédit Photo : cedhic / photo on flickr