PorteManTong - Atelier Makers IEP Grenoble

Publié par Maiwenn Gernot, le 17 novembre 2025   39

Du 23 octobre au 12 novembre 2025, le Fab Lab de La Casemate a organisé le Workshop “Makers” à destination des étudiants du Master Transmédia de Sciences Po Grenoble. Le Workshop a abordé les notions de fabrication numérique et de médias sur le thème “Détournement”. Pendant cette semaine, les étudiants et étudiantes ont conçu et fabriqué en groupe un objet ou dispositif « PorteManTong ». Découvrez ci-dessous la présentation de cet objet.

Le concept

Le projet PorteManTong est né de la réflexion de quatre étudiantes du master Transmédia à Sciences Po Grenoble, bientôt rejointes par une cinquième, Clarisse, Laetitia, Margault, Maïwenn et Lisa, autour de la possibilité de réutilisation d’une tong.

Treize millions de tonnes de plastiques se déversent sur les plages chaque année, et en Thaïlande par exemple, les tongs constituent déjà 10% de cette pollution plastique (selon l’environnementaliste Tristan Lecomte). Fabriquées principalement à partir de mousse EVA (éthylène-acétate de vinyle) ou de PVC, les tongs sont issues de dérivés pétrochimiques dont la production et la dégradation ont un fort impact environnemental. Lorsqu’elles s’usent, ces tongs deviennent des déchets, leur recyclage étant trop coûteux et difficile, et elles finissent donc souvent dans des décharges ou dans les océans.

C’est pour ces problématiques et ces difficultés de transformation des tongs que nous avons décidé de les mettre au centre de notre projet. Nous voulions tenter de transformer ce déchet polluant en une nouvelle ressource.

L’idée est née de créer PorteManTong, un porte-manteau créé à base de tongs. Et oui, logique non ? Ce porte-manteau est ainsi composé d’une grande plaque en bois, doublée avec de la grille, sur lesquelles se posent les tongs, qui servent de patères.

La tong est également un symbole de légèreté et de liberté. C’est à Hawaii, pendant les années 1960, que la tong telle qu’on la connaît aujourd’hui se développe, en même temps que la culture du surf s'accroît. Par ailleurs, la tong prend de l'essor en France dans les années 1970, période de démocratisation des vacances et des voyages. 

L’histoire des tong est donc intimement liée à celle des vacances et du surf, sport de glisse et de liberté. Mais nous sommes à Grenoble, en ville, et la mer est bien loin, alors nous avons souhaité ramener des éléments de cette ville et de sa culture urbaine, reprenant les codes de la liberté et de la glisse. Le choix nous a paru évident d’utiliser les skates, également compliqués à recycler une fois brisés, pour créer ce lien. Les deux pratiques sont nées d’un désir de glisse et d’équilibre.

Dans notre projet, la tong devient plus qu’un matériau ; elle devient le support de sa propre histoire, depuis sa phase de production jusqu’à son processus compliqué de recyclage. C’est pour cela que nous avons choisi de compléter ce porte-manteau avec des étiquettes à accrocher aux patères informant sur le parcours compliqué de la tong, de son usine à sa fin, en passant par ses voyages.

Le PorteManTong finalisé

Les étapes de fabrication

Premier jour :

Nous avons commencé par un moment de réflexion autour de la possibilité de créer un porte-manteau avec des tongs. Quels matériaux utiliser ? Comment assembler les éléments ? Quelles possibilités d’utilisation ?... Nous avons fini par nous fixer autour de l’idée d’un porte-manteau modulable, avec quatre tongs à accrocher à une grille, elle-même rattachée à une planche de skate. Les lanières des tongs seraient détachées et utilisées pour maintenir des poches en tissus, à également accrocher à la grille, et nous construirons une structure 3D pour constituer les patères assemblées avec les semelles des tongs. Au bout de ces patères nous ré-emploierons les roues de la planche de skate, permettant également une structure plus douce pour les futurs manteaux.

La première ébauche du design.

Nos hésitations se centrent surtout autour du support et des accroches. Devrions-nous utiliser une grille en fer ou une planche en bois ? Est-ce que le porte-manteau sera mural ? Quelles couleurs pourrons nous utiliser pour raconter l’histoire du lien entre la liberté et la réalité de la pollution ? Au final nous choisissons de créer un porte-manteau mural, qui portera des vêtements d’hiver, mais fabriqué à partir de matériaux d’été, et s’inspirant de la liberté.

Une fois nos idées déterminées, nous passons directement à l’action. Laetitia commence à dessiner un logo, qu’elle envoie à Margault pour que celle-ci le numérise. Laetitia et Clarisse appellent les magasins pour connaître les possibilités de récupérer leurs invendus ou leurs chutes de matériaux (planche de skate, grille en fer). Maïwenn et Clarisse recherchent plus en détail l’économie et l’histoire de la tong, ainsi que son trajet et ses conséquences environnementales, afin de mieux en comprendre les enjeux.

Laetitia dessinant le logo de PorteManTong

Le logo reporté par Margault

Deuxième jour :

Nous ramenons les objets que nous avons pu rassembler. Des chutes de planches de bois récupérées par Clarisse, une deuxième paire de tongs trouvées par Laetitia, des tissus et des vieux vêtements de Margault et Maïwenn et des planches de skate brisées et des roues récupérées par Laetitia et Maïwenn. 

Nous nous organisons et nous répartissons les tâches. 

Laetitia s’occupe de vectoriser les logos que nous avons dessiné hier, elle les transfère sur Adobe illustrator pour que l’on puisse ensuite les broder, les imprimer, etc. 

Margault commence à créer les autocollants sur Adobe illustrator, elle télécharge plusieurs polices et expérimente avec la taille et le positionnement de ceux-ci. Ces autocollants sont ceux que l’on mettra sur les tongs et qui racontent l’histoire de la tong, dans son ensemble, sa fabrication, son usage, et sa fin. Elle dessine également le pourtour des tongs sur un papier, avant de le transférer sur illustrator pour le vectoriser et s’assurer de le mettre à la bonne échelle.

Maïwenn commence à créer la structure 3D numérique du porte manteau sur le logiciel Tinkercad, l’une des seules pièces que nous devons entièrement concevoir. Puisque les tongs sont un matériau relativement fragile, et en tout cas pas suffisamment solide pour supporter seul le poids d’un manteau, il a été décidé de les doubler avec une plaque en bois en dessous et une plaque de plexiglas sur le dessus. Maïwenn s’occupe donc de découper les tongs en bois et en plexiglas, à l’aide des découpeuses lasers de la Casemate. Quelques essais sont nécessaires avant d’obtenir le bon résultat, notamment avec le plexiglas, qui amplifie les erreurs faites sur Adobe Illustrator (trop de points d’ancrage sur le dessin vectorisé). 

La première tentative de patère sur Tinkercad

Clarisse crée les patrons pour les poches en tissus, elle sépare et mesure les lanières des tongs et découpe le patron. Afin d’assembler les lanières entre elles, deux étant en cuir, et deux étant en plastique, elle creuse des trous à l’aide d’une perceuse électrique, puis elle assemble celles en cuir en cousant avec du fil, et celles en plastiques sont rejointes par des petites visses qu’elle retroussent sur la lanière.

Assemblage des lanières de tongs

Troisième jour :

Nous continuons nos activités le jour d’après, découpe des structures bois à la découpeuse laser, vectorisation des images, construction des poches en tissus… 

Maïwenn continue les découpes de bois derrière les tongs, qui prennent plus de temps que prévu à cause de quelques problèmes de vectorisation, notamment. La découpe des formes en plexiglas est cependant arrêtée, le groupe n’étant plus sûr de la pertinence de l’utilisation de ce matériau pour le porte-manteau.  

Clarisse finit de coudre et découper les poches en tissus. Elle coupe des tissus selon les patrons faits la vieille, puis les assemble à l’aide de la machine à coudre. Une fois ces pans de sacs obtenus elle leur ajoute des poches, découpés des chutes de pantalons récupérés.

Laetitia finit de vectoriser les logos sur Inkscape, puis cherche des structures 3D disponibles sur les Thingiverse afin de pouvoir enfin commencer l’impression de la patère 3D. Elle rencontre toutefois plusieurs difficultés, n’arrivant pas à apporter de réelles modifications aux design obtenus. 

Maïwenn et Margault rédigent les textes descriptifs à rajouter aux tongs, ayant pour but de situer les tongs dans une histoire et un parcours plus global. Les textes ont pour objectif d’être imprimés sous format d’autocollants que nous poserons par la suite sur les tongs. Margault vectorise et assemble les écritures sur Adobe Illustrator.

 Nous réfléchissons également sur la structure qui tiendra les tongs et leurs patères. Pendant la semaine nous avons cherché une grille pour nous permettre de faire cette structure, mais impossible. Nous pensons donc à utiliser une structure bois à la place, mais cela veut également dire supprimer l’aspect grille, qui permettait de moduler son porte-manteau au gré des besoins. De plus, nous aimions l’image à laquelle renvoyait la grille, plus urbaine, faisant le lien avec nos autres matériaux (notamment le skate) et avec notre histoire (la dichotomie entre liberté et pollution). Notre seule option pour garder l’aspect de la grille que nous aimons est d’utiliser du grillage, plus souple, donc plus fragile, et par conséquent plus réellement une bonne option pour accrocher toutes les patères en plus de la planche de skate. Nous envisageons de découper des ouvertures dans la planche en bois, par-derrière laquelle nous accrocherons le grillage. Nous obtiendrons ainsi une structure solide, tout en conservant l’aspect de la grille.

Afin que la structure totale ne soit pas trop lourde, et puisse être utilisée facilement en intérieur, nous décidons que les dimensions de la planche en bois seraient de 75cm de largeur au maximum, et de 70cm de hauteur.

Quatrième jour :

Cette fois-ci nous avons un jour complet pour avancer sur notre projet, l’objectif prioritaire est de trouver une solution pour les patères des tongs, la structure 3D étant très compliquée à réaliser pour nous. Nous souhaitons également finir les éléments commencés ces derniers jours, et commencer à penser à la réalisation de l’assemblage du grillage et de la plaque de bois.

En ce qui concerne la structure 3D, après avoir encore essayé d’autres possibilités avec le logiciel Tinkercad, il est décidé de plutôt tenter d’utiliser un agglomérat de bois pour construire les patères. Le concept est de découper plusieurs fois la même forme plate dans une plaque en bois, puis de les coller entre elles avec de la colle à bois afin d’obtenir une forme 3D. Laetitia et Maïwenn dessinent donc plusieurs modèles, à partir d’un prototype en carton obtenu avec Maxime de La Casemate. La forme 2D est ensuite reportée sur Inkscape pour la vectoriser. Maïwenn détermine les dimensions nécessaires pour les formes (branches des petites et des grandes tongs, et carrés à la base pour les deux) et Laetitia ajuste l’image vectorisée. Maïwenn découpe ensuite les formes dans des plaques en bois de 5mm à l’aide de la découpeuse laser. Au total 32 branches sont découpées ainsi que 24 carrés (utilisés pour créer l’espace entre les branches).

Pendant ce temps Clarisse utilise les logos vectorisés précédemment pour les broder sur les pans des sacs en tissu à l’aide de la brodeuse numérique. Après quelques problèmes de bordure, les logos sont brodés sur les deux poches. Lisa les coud ensuite ensembles à l’aide de la machine à coudre, puis troue les lanières de tongs afin de pouvoir les rejoindre avec les poches en tissus.

Une poche en tissu finalisée

Margault peint les tongs avec la bombe de peinture achetée précédemment. Trois couches sont nécessaires avant d’obtenir une couleur uniforme qui permet également de dissimuler les logos déjà présents sur les tongs, et d’offrir une base pour les autocollants. 

Afin de permettre de fixer les patères aux tongs et de garantir une certaine esthétique, il est décidé de découper des planches de bois en forme du bout de tong, dans lesquelles s'emboîtent les patères. Margault vectorise le design et Maïwenn découpe dans des planches de 3mm avec la découpeuse laser. Laetitia commence à rassembler les parties des patères avec la colle à bois. Une fois la colle séchée, elle utilise la ponçeuse électrique pour arrondir les bords et limer la colle ayant dépassé. Une fois cette étape terminée elle découpe et ponce avec Clarisse l’extrémité des patères pour les petites tongs, dans le but d’obtenir un support pour les roues de skate.

Margault imprime les autocollants des tongs mais rencontre une difficulté. Le texte étant trop petit, il n’est pas possible d’en faire des autocollants. Nous choisissons alors d’en faire des gravures sur du papier canson à accrocher aux patères de chaque tong.

Clarisse et Lisa utilisent la disqueuse électrique pour couper les planches de skate. Celles-ci étant trop abîmées, nous décidons d’utiliser uniquement les bouts des skates plutôt qu’une planche entière. Clarisse les assemble ensuite ensemble en les vissant à une grande baguette de bois.

La nouvelle planche de skate

Pour finir, nous réfléchissons à l’assemblage du grillage avec la grande planche en bois. Après quelques croquis nous décidons de couper quatre longs rectangles dans la planche, derrière lesquels nous fixerons la grille. Le grillage étant très souple, nous cherchons une autre solution pour accrocher les grandes tongs, plus lourdes. Nous hésitons entre creuser des trous dans la hauteur de la planche pour permettre de moduler l’emplacement des grandes tongs, ou simplement les fixer à même la planche, ce que nous finissons par décider. Avant de partir, Maïwenn vectorise la planche sur Adobe Illustrator.

Cinquième jour : 

Pour ce dernier jour, l'objectif est clair : finir de tout assembler. Lisa finit les poches et leur ajoute des oeillets par lesquels passer des crochets, Laetitia termine de poncer et d’assembler les patères en utilisant un mélange de colle à bois et de sciure, Margault peint la grille et les patères et grave les étiquettes en papier canson et Maïwenn s’occupe de découper la plaque en bois et de l’assembler à la grille.

Une fois les patères assemblées et sèches, Maïwenn grave notre logo avec la découpeuse laser, puis Laetitia visse les roues sur l’extrémité des petites patères avec un disque en plexiglas. Grâce à ce disque, les roues peuvent continuer de tourner tout en étant solidement attachées aux patères. 

Notre logo gravé sur une patère

Le système d’accrochage d’une roue à une patère

Lisa visse également les semelles des tongs aux plaques en bois précédemment découpées avec des disques en plexiglas, cela permet de consolider la structure et d’éviter que les tongs se déchirent. Nous vissons ensuite les patères entre elles, puis avec les tongs, et ajoutons des crochets en métal derrière les structures des petites tongs. Ces crochets nous permettent de pendre les tongs à la grille que Maïwenn a agrafé derrière les trous de la grande plaque en bois préalablement découpés à la découpeuse laser. Lisa et Maïwenn vissent également la structure obtenue avec les skate le jour précédent à la plaque en bois.

Les tongs vissées au bois

La grille agrafée au dos de la plaque en bois

Pour finir, Clarisse et Laetitia agrafent du tissu entre les patères pour harmoniser leur visuel, pendant que Margault et Lisa appliquent les autocollants obtenus au plotter de découpe sur la structure des tongs. Les grandes tongs sont vissées directement à la plaque en bois et les petites tongs et les poches en tissus y sont accrochées : le PorteManTong est enfin prêt !

Les difficultés rencontrées

Nous avons rencontré plusieurs difficultés, qui ont entraîné beaucoup de changements et d'adaptation. Néanmoins la difficulté essentielle de notre projet a été de nous assurer de la solidité du porte-manteau et de la possibilité de son utilisation. Notre idée de départ était très intéressante mais a nécessité plusieurs modifications avant de permettre de produire un porte-manteau réellement utilisable.

Par ailleurs, l’utilisation de certains matériaux a été complexe. La 3D en particulier nous a longtemps posé problème, ayant eu du mal à comprendre comment utiliser les logiciels et ayant beaucoup de questionnements sur la solidité de la structure que nous aurions pu réaliser à l’imprimante 3D. La question de la solidité du grillage et de la possibilité de le fixer à une planche en bois nous a également préoccupés. Nous avons toutefois trouvé une solution en le fixant à l’aide d'agrafes et en ne l’utilisant que pour des poids relativement légers.

De plus, notre matériau de départ, les tongs, constituait un matériau assez fragile. Il était donc nécessaire que nous prenions en compte le besoin de la renforcer, sans trop la dénaturer. C’est en partie la raison pour laquelle nous avons abandonné l’idée d’utiliser du plexiglas, à visser sur le devant de la tong, qui aurait nullifié l’intérêt d’utiliser une tong.

Dans une moindre mesure, la contrainte de temps a également constitué une difficulté pour nous. Nous avons dû apprendre à travailler plus efficacement afin de pouvoir mener à bout le projet dans le temps imparti.

Conclusion

Pour conclure, cette expérience à la Casemate nous a beaucoup appris sur le travail de groupe, en particulier dans un contexte de temps court. Afin de pouvoir respecter la deadline, nous nous sommes réparties les tâches, et avons fonctionné en duo, respectant les forces et faiblesses de chacune. Nous avons également adopté une démarche de trial and error : en testant, corrigeant et affinant progressivement nos essais, nous avons pu faire évoluer et améliorer notre idée initiale.

Nous avons également eu l’occasion de mobiliser une diversité de machines et d’outils : découpeuse laser, plotter de découpe, scies, bombes aérosol, Adobe Illustrator, Inkscape, Tinkercad, machine à coudre, ponceuse électrique, brodeuse numérique, perceuse, visseuse… Grâce à cette expérience enrichissante, nous sommes désormais plus familières avec ces outils et comprenons mieux les enjeux de réalisation derrière leur utilisation. 

De plus, cela nous a également permis de pousser notre réflexion sur le détournement d’objet, et l’upcycling. Une thématique avec laquelle nous étions toutes familières, mais que nous n’avions jamais pu pousser aussi loin.

Nous avons par ailleurs beaucoup appris sur l’impact écologique de la tong, ce sur quoi nous ne nous étions jamais réellement penché auparavant.

Finalement, ce projet nous a enrichis autant par le résultat obtenu que par la manière dont nous l’avons construit ensemble et les apprentissages que nous avons pu en faire.


Vous pouvez retrouver ci-dessous une vidéo retraçant notre processus créatif ainsi qu’une présentation de notre équipe : 

https://youtu.be/ndVeiJoUb-Q