Un patrimoine en devenir

Publié par Emilie Demeure, le 20 février 2020   1.6k

Rédigé sur la base d’une interview de Xavier Hiron, gestionnaire de collections PATSTEC

 

Qui n’a pas retrouvé un objet de son enfance dans le grenier de la maison familiale ou de ses grands-parents, provoquant par la suite un élan de nostalgie ? Et si les institutions possédaient elles aussi des objets remplis de nostalgie dans leurs greniers ? C’est ce que la mission PATSTEC veut découvrir.

La mission PATSTEC

Tout d’abord, qu’est ce que la mission PATSTEC ? La mission de sauvegarde du PATrimoine Scientifique et TEchnique Contemporain (PATSTEC) a pour but d’aider à préserver des biens matériels (outils et documents) et immatériels (savoir-faire) produits par des laboratoires de recherche, des entreprises ou encore des universités scientifiques et techniques. Cette mission a été confiée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au Musée des Arts et Métiers de Paris en 2003, puis s’est développée en 2004 dans la France entière, afin de sensibiliser tout le pays à la préservation du patrimoine de ces soixante dernières années. Plus localement, dans notre région, à Grenoble, c’est l’association ACONIT (Association pour un CONservatoire de l’Informatique et de la Télématique) qui est la dépositaire de cette mission depuis 2004.

Xavier Hiron et la mission PATSTEC

Au sein de l’ACONIT, Xavier Hiron est chargé d’inventaire et de conservation des collections de l’association ACONIT, mais aussi de celles qui relèvent de la mission PATSTEC. Il est archéologue de formation et a travaillé au laboratoire Arc-Nucléart du CEA-Grenoble, puis pour le Musée grenoblois des Sciences médicales. Cela lui a permis de faire ses premières armes dans la gestion de données numérisées et pour la conception d’outils informatiques. Ce qui l’intéresse vraiment, c’est de voir comment le monde évolue technologiquement parlant, et surtout comment s’adapter à la mise en évidence d’un patrimoine nouveau difficile à classer. En effet, en tant qu’archéologue, pour identifier une poterie antique par exemple, Xavier Hiron utilisait des « recettes toutes faites » comme il le dit, afin de ranger l’objet dans une époque ou encore dans un savoir-faire. Mais ces « recettes » n’ont pas encore été écrites pour les biens contemporains. Trouver, numériser et mettre en valeur des biens contemporains patrimoniaux risquant de disparaître par manque d’attention sont les défis à relever par la mission PATSTEC. La cause de cette disparition est pour certains l’oubli de l’usage et de l’histoire de l’objet, dû à la rapidité grandissante du développement des outils.

Comment fonctionne la mission PATSTEC

Il faut savoir que ce n’est pas l’ACONIT qui va prospecter directement dans les laboratoires ou les entreprises pour retrouver des biens possiblement patrimoniaux, mais les propriétaires du bien qui sont amenés à s’intéresser progressivement aux objectifs de la mission. L’objet, après avoir été inventorié dans la base de données patrimoniale de l’ACONIT, en vu d’un transfert sur une base de données nationale d’identification, reste acquis à son propriétaire, qui se charge par la suite de sa mise en valeur. L’association ACONIT a un rôle de sensibilisation ; elle accompagne les entreprises et les laboratoires de recherche afin qu’ils puissent être à même de trier leurs biens mais aussi pour les aider à trouver des solutions pour la conservation et la mise en valeur des objets nouvellement patrimoniaux.

Photo ACONIT : Un OVNI ? Non, un appareil de cryogénie repéré dans les caves du CNRS
Un OVNI ? Non, un appareil de cryogénie repéré dans les caves du CNRS

Les artefacts sont de toutes sortes et peuvent être découvert dans des endroits que vous ne soupçonneriez même pas ! Comme lors d’une visite d’une cave du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) où a été « redécouvert » un prototype pour des interventions neurochirurgicales datant probablement des années 1980. C’est après une telle découverte qu’un travail de recherche commence. En effet, certains biens comme ce prototype du CNRS ne sont plus utilisés depuis longtemps et personne, dans le laboratoire en question, ne connaît son fonctionnement aujourd’hui. Une enquête est alors lancée pour retrouver ses caractéristiques techniques et surtout son histoire, et il faut alors se poser les bonnes questions : Pourquoi il a été construit ? Est-ce que ça a été un succès ou bien un échec ? Qu’est-ce qu’il a apporté à l’entreprise ou à la science ? Et bien d’autres questions à se poser au fur et à mesure que l’enquête progresse. L’étude des documents d’origine aide beaucoup dans le cas où l’utilisation de l’appareil a été oubliée, comme le dépôt d’un brevet qui contient moult indices, tels que le nom de celui qui l’a déposé, le fonctionnement et le service auxquels répondaient l’appareil.

Quelle est l’utilité de la démarche ?

L’identification et la conservation de ce patrimoine contemporain constituent bien évidemment une fin en soi. Mais la démarche est aussi d’une grande utilité pour les institutions qui font d’elles-mêmes l’effort d’ouvrir leurs portes à la mission PATSTEC. Elle permet de donner ou redonner une identité aux institutions, c’est-à-dire de se réapproprier les savoir-faire et les appareils qui sont les témoins de son histoire. Puisque, comme le dit si bien Xavier Hiron « Entre le passé et le présent, il faut éviter qu’il y ait des engrenages de la connaissance qui tombent ». Raison pour laquelle, actuellement, l’ACONIT et l’Université Grenoble-Alpe rapprochent leurs actions sur cette thématique.

La mission PATSTEC à Grenoble, comme dans toute la France, regorge d’histoires qui ont toutes leur propre singularité. « C’est tous les jours quelque chose de nouveau qui nous est soumis, dans des domaines très variés » raconte M. Hiron. Avec les avancés technologiques qui régissent le monde, la mission PATSTEC fonctionne un peu comme une alarme pour ne pas laisser dans l’oubli des savoirs et des techniques situés entre passé et présent.

 

Merci à Xavier Hiron d’ACONIT, chargé de mission PATSTEC pour le temps qu’il m’a accordé afin d’écrire cet article.

 

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