Alberto Piccoli : Une pincée de CO2… et une bonne dose de créativité !

Publié par Elsa Morin, le 10 juillet 2025   69

Alberto est doctorant en chimie à l’Université Grenoble Alpes (UGA). Il fait partie de l’équipe scientifique de DéfiCO2, un projet de recherche académique interdisciplinaire rassemblant 14 laboratoires grenoblois qui travaillent sur une même thématique : le captage et la transformation du CO2.

Curieux, créatif et social, la recherche avait tout pour lui plaire. Car si l’électrochimie est son expertise, Alberto nous partage ici que le monde de la recherche implique bien plus que des expériences : des rencontres, des échanges culturels, des questionnements, et bien sûr, des défis.

  • Peux-tu te présenter ?

Je viens d’Italie, de Conegliano précisément. C’est une ville dans le nord de l’Italie, une région connue pour le vin prosecco. J’ai fait mes études en chimie à l’université de Padoue, la deuxième plus vieille université d’Italie. Je fais à présent une thèse en chimie à Grenoble.

  • Qu’est-ce qui t ‘as poussé à choisir la chimie ?

La chimie n’était pas mon premier choix, j’ai d’abord essayé de faire des études de médecine, mais je n’ai pas été retenu. Mais la chimie, qui était donc un plan B à la base, est devenue une passion, alors j’ai continué !
J’ai fini ma licence quand le covid a commencé. Ensuite j’ai commencé un master, mais je voulais aller vivre à l’étranger, alors j’ai passé ma 2e année à Munich en Allemagne : j’ai été accueilli par l’université TUD pour suivre des cours de chimie et j’y ai ensuite réalisé un stage de fin d’études sur la synthèse d’un catalyseur à base de fer et ses performances pour l’électroréduction du CO2. J’ai ensuite commencé à chercher une thèse, et en attendant d’en trouver une, j’ai travaillé dans les laboratoires de recherche de mon université en Italie.

...la chimie, qui était donc un plan B à la base, est devenue une passion, alors j’ai continué !

  • Pourquoi avoir choisi de continuer en thèse ? 

Mon stage en Allemagne a été ma première vraie expérience professionnelle dans un laboratoire de recherche. J’ai beaucoup apprécié de travailler un sujet en profondeur sur plusieurs mois, avec les défis et la créativité que la recherche implique. Cela m’a confirmé mon envie de faire une thèse. 
- Je me suis aussi dit que cela me donnait de l’expérience, ce qui est toujours bon à prendre, que tu continues ensuite dans l’académique ou non. En thèse, on en apprend beaucoup sur la science bien sûr, mais aussi en communication, management, organisation…

  • Comment as-tu trouvé cette thèse ? 

J’ai trouvé l’offre de ma thèse sur Twitter ! Carole Duboc (NDLR : directrice de recherche au CNRS, PI & coordinatrice de DefiCO2) avait posté l’annonce. Je n’avais pas de contact avec ce groupe, pas de collaboration, c’était un peu un pari. J’étais plus intéressé par le sujet que par l’endroit ou les conditions, mais je suis chanceux, j’aime beaucoup mon environnement et groupe actuel à Grenoble. 

J’ai beaucoup apprécié de travailler un sujet en profondeur sur plusieurs mois, avec les défis et la créativité que la recherche implique. Cela m’a confirmé mon envie de faire une thèse. 

    • Quel est le sujet de ta thèse ? 

    Ma thèse se concentre sur l'électrification de complexes à pince de type Milstein pour l'hydrogénation électrocatalytique des liaisons carbonyle/nitrile. À ce jour, il existe encore un important potentiel inexploité dans ce domaine, avec une attention particulière sur la réduction du dioxyde de carbone ainsi que d'autres carbonyles (par ex. cétones, aldéhydes) et nitriles.

    Montage d’une expérience en électrochimie pour les mesures de voltampérométrie cyclique. Crédits : Alberto Piccoli
    Montage d’une expérience en électrochimie pour les mesures de voltampérométrie cyclique. Crédits : Alberto Piccoli

    • Quels sont vos objectifs et avez-vous déjà des résultats ?

    Cela a évolué depuis le début de ma thèse, mais le thème reste la conversion du CO2 par électrochimie, avec comme objectif de fabriquer un bon catalyseur qui permette de convertir le CO2 en des produits valorisables. 
    Pour faire court : j’utilise des complexes de métaux connus pour la thermocatalyse, et j’essaye de ne pas utiliser de hautes pressions ni hautes températures, ni d’hydrogène ; mais d’utiliser les vecteurs électrons et protons pour mener cette réaction. Toujours dans le but d’avoir un procédé plus respectueux de l’environnement, j’essaye d’utiliser des métaux de transition qui sont abondants et peu chers (nickel, fer…) à la place de métaux nobles. 
    Une nouvelle approche est à présent d’activer le CO2 et de le coupler avec d’autres molécules pour en créer des plus grosses, c’est l’électrocarboxylation (NDLR : cela permettrait d’avoir des molécules à plus hautes valeur ajoutée, ce qui est une des voies de valorisation du CO2 plus prometteuse que d’autres). 
    Avant, on avait du mal à surpasser la réaction concurrente d’évolution de l’hydrogène (HER) dans le milieu, et on avait des problèmes de stabilité du complexe. Mais maintenant on arrive à obtenir des bons résultats. Le but est maintenant de vraiment bien comprendre les mécanismes réactionnels pour rendre viable ces procédés.

    Toujours dans le but d’avoir un procédé plus respectueux de l’environnement, j’essaye d’utiliser des métaux de transition qui sont abondants et peu chers (nickel, fer…) à la place de métaux nobles. 

    Cristaux d'un complexe fer-PNP. Crédits : Alberto Piccoli
    Cristaux d'un complexe fer-PNP. Crédits : Alberto Piccoli
    • Comment es-tu encadré et entouré sur cette thèse ?  

    Marcello Gennari est mon superviseur et Matthieu Koepf mon co-supersiveur, respectivement au Département de Chimie Moléculaire et au Laboratoire de Chimie et Biologie des Métaux à Grenoble.
    Je suis également entouré des autres jeunes de DefiCO2. DefiCO2 a été une bonne opportunité pour créer du lien dès le début de ma thèse avec d’autres doctorant·es et postdocs qui travaillent sur différents sujets, dans différents laboratoires. Avoir un petit groupe de jeunes nous a permis de s’entraider, nous avons par exemple brainstormé ensemble et nous nous sommes réunis pour vulgariser nos travaux. Nous nous voyons également de temps en temps de manière informelle.

    DefiCO2 a été une bonne opportunité pour créer du lien dès le début de ma thèse avec d’autres doctorant·es et postdocs qui travaillent sur différents sujets, dans différents laboratoires.

    • Que penses-tu du captage du carbone et de son utilisation, thématique commune sur laquelle travaillent les scientifiques de DefiCO2 ?

    Quand on fait de la recherche, on tend à se concentrer sur notre sujet uniquement, dans mon cas la conversion du CO2. Maintenant, grâce au côté interdisciplinaire du projet, je comprends mieux le contexte. J’ai par exemple une vision globale de comment le CO2 est capturé, purifié, et les enjeux sur la réglementation.

    Pour moi, le défi technique associé à la transformation chimique du CO2 est motivant, mais j’apprécie aussi beaucoup qu’il y ai de possible applications futures pour la protection de l’environnement.

    Quand on fait de la recherche, on tend à se concentrer sur notre sujet uniquement, dans mon cas la conversion du CO2. Maintenant, grâce au côté interdisciplinaire du projet, je comprends mieux le contexte.

    • Comment vois-tu ton futur après ta thèse ? 

    J’aimerai continuer la recherche dans mon domaine, dans l’électrochimie et l’électrocatalyse. J’aimerai bien par exemple continuer vers des réactions en cascade pour obtenir des composés de chaînes plus longues, C2, C3 par exemple…

    J’envisage donc de faire un postdoc, mais je suis aussi ouvert à d’autres opportunités, tant que cela reste de la recherche. 

    Session de posters au Symposium franco-allemand sur l'électrocatalyse moléculaire, Mülheim an der Ruhr, Allemagne, 2024. Crédits : Alberto Piccoli
    Session de posters au Symposium franco-allemand sur l'électrocatalyse moléculaire, Mülheim an der Ruhr, Allemagne, 2024. Crédits : Alberto Piccoli
    • Qu’est-ce que tu aimes le plus dans la recherche ? 

    J’adore la créativité que la recherche demande et les défis qu’elle offre. J’aime aussi beaucoup le côté international de la recherche, et le côté social : on rencontre des nouvelles personnes, on va en conférence, on a des conversations avec d’autres étudiants, professeurs… C’est très varié.

    • As-tu des conseils pour des étudiants qui voudraient suivre tes pas ? 

    Fais preuve de curiosité, lis beaucoup, parle à des professeur·es, n’ai pas peur de parler à des personnes plus expertes que toi. 
    Et pendant la thèse particulièrement, demande-toi pourquoi tes expériences donnent ces résultats, essaye de trouver des réponses en lisant et en parlant à d’autres scientifiques. Si tu as une intuition, essaye de la vérifier, combine les différentes pièces du puzzle ! 

    J’adore la créativité que la recherche demande et les défis qu’elle offre. J’aime aussi beaucoup le côté international de la recherche, et le côté social : on rencontre des nouvelles personnes, on va en conférence, on a des conversations avec d’autres étudiants, professeurs… C’est très varié.