Nathalie Cotte : diriger la science vers la société
Publié par GREC Alpes Auvergne, le 8 août 2025
Nathalie Cotte est Directrice de l’Observatoire des Sciences de l'Univers de Grenoble (OSUG). Attirée par les sciences de la terre depuis le lycée, elle revient ici sur son parcours, marqué par l’envie de faire dialoguer science et société et la place centrale que tient la médiation scientifique dans ses engagements.
Comment êtes-vous passée de la recherche à des fonctions de direction et qu’est-ce qui vous passionne encore aujourd’hui ?
Je suis sismologue de formation et ingénieur de recherche en géodésie spatiale, une discipline qui utilise les satellites pour mesurer les variations de la surface terrestre, notamment celles liées aux séismes ou aux mouvements tectoniques. J’ai pu travailler sur des projets réunissant ces deux approches scientifiques qui sont complémentaires, notamment sur un projet au Mexique portant sur l’étude des séismes lents dans la région de Guerrero-Oaxaca. Mais depuis que je suis directrice de l’OSUG, je n’ai plus le temps de continuer mon activité de recherche. J’aimais beaucoup la stimulation intellectuelle et les missions sur le terrain mais aujourd’hui c’est l’aspect collectif et le portage de projets interdisciplinaires qui m’animent le plus. C’était déjà une dimension qui m’intéressait avant d’être directrice de l’OSUG et qui continue de me passionner, j’adore ce que je fais.
Pose de balise à Acapulco au Mexique, 2010 @OSUG
Quelle place tient la médiation au sein de l’OSUG ?
La médiation fait partie de nos missions en tant qu’Observatoire. Ces actions sont portées à la fois par le service communication mais aussi par les chercheurs et enseignants-chercheurs, dont ceux qui font partie du Conseil National des Astronomes et Physiciens (CNAP). Ils ont la spécificité de pouvoir intégrer leurs actions de médiation dans leur temps de travail, ce qui est rarement le cas, les scientifiques prenant souvent sur leur temps personnel ou de recherche. Or cette valorisation permet de mobiliser plus facilement les collègues et permet à l’OSUG d’être présent à plusieurs évènements grand public comme la Fête de la Science, Le Jour de La Nuit ou les Journées du patrimoine. Nous avons également participé à l’élaboration du centre de science Cosmocitéà Pont de Claix et à des projets portés par La Casemateà Grenoble. Je développe également des projets au niveau du territoire avec certaines collectivités et musées. Enfin, l'Observatoire dispose d’un espace muséographique dédié à la visite de groupe et à la planeterrella, démonstrateur d’aurores boréales.
Quel rôle joue la médiation dans la société et notamment face aux enjeux climatiques ?
Je pense que la médiation est essentielle et qu’on n’en fait jamais assez. C’est important car, d’une part, il ne faut pas que les scientifiques donnent le sentiment d’être dans leur tour d’ivoire, déconnectés de la société, et d’autre part, face aux enjeux sociétaux que soulève le changement climatique, on se doit de partager les connaissances disponibles. Il faut que la recherche soit accessible pour les citoyens et les décideurs qui se posent des questions légitimes et ont besoin de réponses. C’est d’ailleurs une de nos missions en tant que service public. Ce passage de production de connaissances à l’appropriation est crucial et difficile à faire mais j’observe depuis les années 2000 un engouement pour communiquer sur les sujets environnementaux et climatiques. Il y a une sensibilité accrue chez beaucoup de scientifiques travaillant dans ces domaines qui nourrit leur volonté de partager cette connaissance.

Intervention de Nathalie Cotte lors de la conférence de Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et ancienne présidente du groupe 1 du GIEC, à l'OSUG en janvier 2024 @OSUG
Quelle est la place du scientifique dans le débat public sur les questions climatiques ?
Je ne crois pas qu’il y ait de neutralité scientifique mais il y a l'objectivité et la culture scientifique qui vont avec une certaine démarche intellectuelle donnant une légitimité au scientifique pour prendre la parole. Même s’il n’est pas spécialiste d’un sujet directement lié au climat et mène des travaux plus périphériques, il comprend les résultats et reste ainsi crédible pour les partager, tout en précisant par exemple que ce ne sont pas ses travaux mais ceux de collègues plus spécialisés. Tellement de personnes non compétentes s’expriment dans les médias, n’importe qui s’exprime sur n’importe quoi, qu’un scientifique un minimum en lien avec la question ne devrait pas s’interdire de parler. Diffuser et créer des passerelles font partie de nos missions, aussi bien en tant que chercheur qu’en tant qu’Observatoire. Ce n’est pas du militantisme. Bien sûr il est important de préciser le cadre dans lequel on s’exprime et d’indiquer si c’est en tant que scientifique ou citoyen avec ses convictions personnelles qui n’engagent que lui.
Qu’est-ce qui limite l’appropriation des résultats de la recherche par les politiques publiques ?
Il y a un manque de visibilité des laboratoires de recherche qui nous rend inaccessible d’après certains acteurs, malgré les actions de médiation que l’on mène. A cela s’ajoute une différence de temporalité qui ne favorise pas la création de tels partenariats, un manque de valorisation des missions de ce type dans la carrière des scientifiques et un manque de personnel pour accompagner ces projets qui font le lien entre la recherche et les collectivités. Pour développer les collaborations entre la recherche et les acteurs publics, il est nécessaire de traduire les changements climatiques globaux à l’échelle locale. C’est pourquoi des structures comme les GRECssont importantes. Elles permettent de décliner les enjeux au niveau du territoire de manière concrète. Et la médiation auprès des jeunes est également essentielle, c’est pourquoi nous menons de nombreuses actions dans les établissements scolaires. Les jeunes générations sont les citoyens de demain. En les sensibilisant aujourd’hui, on s’assure qu’ils auront les outils pour comprendre, agir et faire face aux défis environnementaux.
Pour aller plus loin : La chaîne Youtube de l'OSUG
Louise Chevallier