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Atout Cerveau

De l’amateur au champion : la tête et les jambes

Publié par Marion Sabourdy, le 1 avril 2013   4.3k

Jeudi 14 mars dernier, dans le cadre de la Semaine du cerveau avait lieu une conférence autour des qualités mentales et physiques des sportifs, à l’Odyssée d’Eybens.

Cette année, le thème de la Semaine du cerveau était lié à la performance et au dépassement de soi. Une porte ouverte pour parler de sport. Le jeudi 14 mars, c’est donc dans une salle quasi-pleine de l’Odyssée d’Eybens que l’animateur de la soirée, Alexandre Foray, chargé de communication au CCSTI Grenoble a accueilli Guillaume Millet, professeur de physiologie de l’exercice à l’Université de Saint-Etienne et coureur d’ultra-trail, Annette Sergent, sophrologue et championne du monde de cross-country (entre de nombreuses autres distinctions) et le docteur Jean-Benoît Hirlemann, généraliste spécialisé dans la médecine du sport.

Afin d’introduire la soirée et de faire découvrir aux spectateurs la notion d’ultra-endurance, un extrait d’un reportage sur l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB) dans le Magazine de la Santé a été diffusé. Ce fut l’occasion d’évoquer l’étude de Guillaume Millet, conduite en collaboration avec l’équipe Inserm de Grenoble (laboratoire HP2).

Au-delà de l’image un peu effrayante de cette discipline pour les novices, Guillaume Millet a décrit l’étude qu’il a menée avec ses collègues lors de la dernière édition de l’UTMB et qui « faisait partie d’une série plus longue sur les conséquences physiologiques des épreuves extrêmes » [ndlr : pour plus d’informations, lire notre précédente interview du chercheur].

De l’intérêt de la sophrologie pour le sportif…

Au tour ensuite d’Annette Sergent qui a pris l’exemple de son expérience de coureuse pour faire comprendre l’intérêt d’une préparation mentale pour un sportif. « Le fait de s’entraîner physiquement n’est pas suffisant pour être performant le jour J. Lorsque je faisais de la compétition, beaucoup de femmes étaient meilleures que moi à l’entrainement mais j’avais la capacité d’aller un peu plus loin que les autres lors de la course ». Cette différence de « mental » lui a donné envie d’en savoir plus et de mettre en place des outils autour de ce qu’elle pratiquait déjà sans le savoir : l’imagerie mentale. « Je souhaite aider des sportifs et des gens qui ont un objectif à réaliser comme des examens, un défi au travail ou dans la vie quotidienne ». Annette a ainsi suivi – avec succès - l’équipe de France féminine de karaté lors des derniers championnats du Monde (voir le reportage Intérieur sport consacré à cette équipe).

Pour Annette Sergent, cette expérience était très enrichissante, avec des jeunes femmes qui n’avaient pas l’habitude de combattre dans des environnements stressants, comme à Bercy devant toute leur famille. « Leur objectif était de donner le meilleur d’elles en très peu de temps et de reproduire un geste à la perfection, sans se laisser déborder par leurs émotions ». Annette a travaillé avec toute l’équipe et également leur entraineur afin qu’il puisse gérer son stress et ne pas le transmettre aux sportives. « J’ai d’abord assimilé les techniques et le vocabulaire propres au karaté puis je travaillais deux ou trois jours avec les filles lors de chaque stage et je leur donnais des fiches d’exercice ».

De gauche à droite, Guillaume Millet, Annette Sergent, Alexandre Foray et Jean-Benoît Hirlemann

… et pour les blessés

Le travail d’Annette Sergent a semblé intéresser plusieurs personnes dans la salle dont un sauteur à la perche blessé. La sophrologue lui a confirmé qu’un travail mental pendant sa convalescence lui permettrait de reprendre plus facilement, elle-même ayant déjà aidé un sportif blessé. Guillaume Millet a souligné que pour un mouvement donné (contraction de l’adducteur du pouce) l’imagerie mentale permettait d’entretenir les connexions cérébrales et le recrutement des fibres musculaires. C’est alors qu’Annette a proposé une expérience au public : imaginer un citron qu’on presse dans la bouche. Après quelques minutes d’imagination, des personnes ont salivé ou ressenti une acidité dans leur bouche. « Le fait d’imaginer une chose active le système nerveux. L’imagerie mentale est un outil très efficace car il permet de s’entrainer à réaliser une action telle qu’on voudrait qu’elle se passe… tout en restant réaliste ! On répète plusieurs fois cet exercice afin d’avoir des réflexes physiologiques au moment de l’effort », comme un skieur qui visualise la piste avant de s’élancer (1).

La prescription de sport : nouvelle “arme” des médecins

Quant à Jean-Benoît Hirlemann, il s’est spécialisé en médecine du sport dès qu’il s’est installé et accompagne des sportifs qui pratiquent leur discipline en compétition et une équipe de gymnastique féminine à Gières, « dont certaines filles s’entrainent 15h par semaine ». Selon le médecin, une expertise de l’Inserm publiée en 2008 qui montrait les bénéfices de l’activité physique sur la santé (diminution de la mortalité, amélioration de la qualité de vie…) a conduit à des recommandations officielles aux médecins de prescrire de l’activité physique à leurs patients. « Seulement un tiers des médecins parlent d’activité physique à leur patients » déplore Guillaume Millet. D’après le Dr Hirlemann, ceci est du en partie au manque de formation des médecins sur ces sujets, ainsi qu’à la difficulté de changer le comportement de personnes sédentaires. Toujours selon le médecin, « le corps médical commence à s’intéresser à l’hypnose, pour améliorer la confiance en soi, gérer son stress et les phénomènes douloureux », allant même jusqu’à donner l’exemple de chirurgie de la thyroïde pratiquée à Grenoble sous hypnose (et anesthésie locale bien sûre). Enfin, il précise que l’Hôpital sud assure le suivi de sportifs addicts au sport pour leur « sevrage ».

>> Notes :

  1. Le sophrologue François Castell (co-auteur du livre de Guillaume Millet) a alors présenté sa technique de préparation mentale dite de « l’ancrage » qui consiste à se projeter mentalement dans une situation précédemment vécue lors de laquelle la personne avait confiance en elle ou beaucoup d’énergie. Le sportif ou la personne associe alors ce souvenir à l’état dans lequel il était. Il « suffit » alors d’y ajouter un geste ou un mot « déclencheur » qui permettra, le moment voulu et après des semaines d’entrainement, de retrouver l’état voulu juste en faisant ce geste ou en prononçant ce mot.

>> Illustrations : johanlb (Flickr, licence cc), Marion Sabourdy