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Un Atlas cérébral du sens des mots

Publié par Laurent Vercueil, le 10 mai 2016   5.4k

Chaque mot entendu soulève une vague de significations. L'écho intérieur du mot "chaise" est différent de celui du mot "lion", et ne peut se réduire au contenu d'une définition qui aurait été pêchée dans le dictionnaire. De fait, il faut bien admettre que nous ne sommes pas des dictionnaires, mais des chambres de résonance, où chaque mot retentit dans un feu d'artifice de sens, conditionnés, entre autre, par le contexte dans lequel il est perçu.

Ainsi, ce qu'on peut appeler le système sémantique cérébral est représenté par l’ensemble des régions du cerveau qui est activé par la présentation d’un mot. Ce réseau neuronal est dépendant de la nature du mot présenté, suggérant que de grandes catégories de sens sont individualisables, comme, par exemple, le vivant, les outils, la nourriture, les logements. Dans une étude publiée fin avril dans la revue NATURE, 7 sujets ont écouté, pendant deux heures, de façon passive, des histoires leur être racontées pendant que leur cerveau était examiné à l’aide de l’IRM fonctionnelle (étudiant la réponse BOLD, c’est-à-dire témoignant, de façon indirecte, de la mise en jeu, locale, du tissu cérébral) (1). Chaque mot entendu était associé à l’établissement d’une carte cérébrale, représentée par un ensemble de voxels distribués de façon spécifique.

Il s'agit d'une étude impressionnante par la quantité d'information traitée (du "big data"). La cartographie porte sur l'ensemble des modifications du signal générées par chaque mot entendu pendant les deux heures d'imagerie. Les auteurs élaborent un modèle prédictif qui permet de tester les cartes d'activation pour chaque mot entendu. Les cartes suscitées sont ensuite projetées sur le cortex, en utilisant un code couleur en fonction de 4 dimensions sémantiques principales et 12 catégories (telles fondées sur une analyse en composantes principales, qui permet de réunir les variables qui sont reliées). La vidéo qui est présentée sur le site de la revue britannique permet de se rendre compte du résultat (cf ci-dessous). Il faut noter qu'en 2012, l'équipe de Jack Gallant avait déjà réalisé un travail similaire en étudiant l'évocation cérébrale produite par des images visuelles (2).

Un aspect inattendu de cet atlas sémantique est que les aires sont distribués de façon symétrique au niveau des deux hémisphères, alors que l’hémisphère gauche est considéré comme prédominant dans le traitement du langage. Pour les auteurs de l’étude, ceci pourrait être lié au caractère narratif des éléments de langage présentés, qui mobilise davantage l’hémisphère droit que lors de la présentation de mots isolés de tout contexte.

Un autre résultat souligné par les auteurs est la stabilité de la catégorisation sémantique entre les individus, qui rendait les cartes relativement compatibles entre elles. Il faut noter qu'une version interactive de l’atlas sémantique cérébral est visible sur le site : http://gallantlab.org/huth2016. IL est alors possible de se promener de voxel en voxel au sein d'une galaxie étonnante de mots...et de significations !


>> Notes :

  1. Alexander G. Huth, Wendy A. de Heer, Thomas L. Griffiths, Frederic E. Theunissen & Jack L. Gallant (Nature, 2016)
  2. Alexander H. Huth, Shinji Nishimoto, An T. Vu & Jack L. Gallant (Neuron 2012, PDF 8.4M)