Les services climatiques ? Pour adapter la ville aux conséquences du changement climatique

Publié par Sylvain Bigot, le 30 mars 2016   5k

La première séance de La Fabrique s’est déroulée à l’Institut de Géographie Alpine de Grenoble le 1er mars dernier. Cette Fabrique (outil de la démarche Grenoble ville de demain) a été l’occasion de s’interroger sur l’importance des services climatiques, en pointant les opportunités et les enjeux associés dans le cadre des défis que les villes vont devoir relever dans un contexte de réchauffement climatique et de gestion de ses effets.

Les services climatiques

Si l’on résume ce concept, on peut définir les services climatiques comme « l’ensemble des informations et prestations qui permettent d’évaluer et de qualifier le climat passé, présent ou futur, d'apprécier la vulnérabilité des activités économiques, de l’environnement et de la société au changement climatique et de fournir des éléments pour entreprendre des mesures d’atténuation et d'adaptation » (Allenvi, 2014 ; Commission Européenne, 2015).

Ce terme n’est utilisé que très récemment en France, tandis que certains pays européens pionniers (comme l’Allemagne et la Belgique) s’en sont déjà saisis depuis plusieurs années. Leur élaboration et mise en place est stratégique en termes d’égalité territoriale, face aux défis environnementaux auxquels les villes doivent faire face dès aujourd’hui.

Prendre en compte l’usage citoyen pour intégrer le niveau urbain

Un des objectifs entourant les services climatiques est celui de la consultance ; la consultance experte mais également citoyenne, via un retour à des échelles locales et non plus seulement par le biais d’organismes nationaux ou internationaux. Ces derniers prennent en effet bien en compte les échelles nationales et régionales mais, à ce jour, le niveau urbain reste à intégrer dans cette logique de transfert d’informations et de prestations climatiques spécialisés vers les collectivités et vers la société civile, en lien avec les habitants, les acteurs et les usages de la ville. Les outils liés à l’observation ou la modélisation climatiques restent encore également souvent inadaptés pour étudier et discriminer l’échelle urbaine (figure 1).

Figure 1 : Exemple des points de grille représentés dans un modèle numérique régional du climat : extrait à l’échelle de la région grenobloise (adapté d’après les données provenant du portail DRIAS de Météo France, 2016).

Figure 1 : Exemple des points de grille représentés dans un modèle numérique régional du climat : extrait à l’échelle de la région grenobloise (adapté d’après les données provenant du portail DRIAS de Météo France, 2016).

Une multitude d’obstacles à dépasser pour développer les services climatiques

Il faut encore dépasser un certain nombre de blocages qui freinent actuellement le développement de ces services climatiques en France. La question climatique reste en effet un sujet très technique et complexe à ce jour, difficile à restituer de manière simple. En outre, l’évolution très rapide des outils et des informations engendre souvent de la confusion auprès des citoyens, ce qui demande une grande capacité d’adaptation. Il faut également aujourd’hui que les différentes disciplines liées aux enjeux climatiques et les différents secteurs socio-économiques arrivent à travailler conjointement, en menant une réflexion pour pouvoir diffuser des informations utiles, simples et efficaces ; ainsi, les rétroaction entre le transfert des informations techniques vers les habitants, et en retour, les informations provenant de l’usage citoyen vers des usages scientifiques seront incontournables pour définir et améliorer des services climatiques pertinents et adaptés.

Au-delà de la problématique de l’information, le développement des services climatiques reste également dépendant de politiques publiques très évolutives, et d’un besoin de modélisation d’autant plus grand qu’il n’existe pas de modèle-type à l’échelle d’une ville, chaque ville doit donc définir un modèle spécifique, pour dépasser les diagnostics régionaux certes pertinent (figure 2) mais peu précis pour les problématiques urbaines à échelle fine (santé, mobilité, consommation, aménagements,…).

Figure 2 : Température moyenne annuelle en Rhône-Alpes : écart à la référence 1976-2005, observations et simulations climatiques pour 3 scénarios d’évolution appelés RCP (Representative Concentration Pathways) de niveau 2.6, 4.5 et 8.5 (d’après Météo France, 2016).

Figure 2 : Température moyenne annuelle en Rhône-Alpes : écart à la référence 1976-2005, observations et simulations climatiques pour 3 scénarios d’évolution appelés RCP (Representative Concentration Pathways) de niveau 2.6, 4.5 et 8.5 (d’après Météo France, 2016).

Face à des outils insuffisants, un besoin de données in situ pour des modèles plus pertinents

Certains outils numériques existent déjà, en lien avec l’étude des microclimats urbains et notamment de la pollution atmosphérique. D’autres existent pour mettre à disposition certaines données et diagnostics, comme le portail Drias ou l’application ClimatHD de Météo France (figure 3), mais ils restent encore dédiés à un niveau expert ou à des utilisateurs possédant certains prérequis. Et ils fournissent plutôt un diagnostic général quand certaines problématiques, comme l’étude de l’îlot de chaleur urbain (ICU), demandent une précision spatio-temporelle plus grande, par exemple à l’échelle d’un quartier ou d’une rue, voire même d’un bâtiment.

Figure 3 : Extrait de la page d’accueil provenant de l’application en ligne ClimatHD de Météo France (http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/climathd).

Figure 3 : Extrait de la page d’accueil provenant de l’application en ligne ClimatHD de Météo France (http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/cl...).

Si des modèles numériques de plus en plus détaillés et performants existent, ils requièrent toujours pour être fiables des données de validation provenant du territoire et des états de surface étudiés. Faire rencontrer la mesure climatique grenobloise in situ avec la modélisation pour pouvoir obtenir un diagnostic robuste et complet à l’échelle urbaine reste donc un enjeu pour Grenoble, où les tentatives demeurent embryonnaires (figure 4) quand d’autres villes comme Strasbourg, Lyon, Rennes ou Dijon ont déjà développé des outils de mesure et de cartographie opérationnelles à des échelles très fines et en temps quasi-réel (figure 5).


Figure 4 : à gauche, cartographie thermique de l’îlot de chaleur urbain à l’échelle de l’aire grenobloise le 11 octobre 2002 (6h TU) à partir de mesures in situ (d’après Dumas, 2010 ; comm. personnelle) ; à droite, cartographie de l’estimation de l’intensité moyenne de l’îlot de chaleur urbain grenoblois à partir du calcul d’un indice empirique reposant sur les caractéristiques du bâti (d’après des résultats de l’atelier du Master 2 STADE, 2016 – Institut de Géographie Alpine).