Communauté

Mémoires du Futur

Question de travail ou d'activité ?

Publié par Jean Claude Serres, le 12 mars 2016   2.9k

Le groupe informel de réflexion sur le travail (qui se déroule à la chimère citoyenne) m’a incité à creuser les fondations de ce que pourrait être les contributions individuelles « au vivre ensemble » dans l’avenir. Et comme toujours, il nous faut repartir de ce que véhiculent les mots afin de sortir de la novlang[1], de se réapproprier le sens premier des mots.

Le droit du travail et le Code du travail qui est en cours de révision est en pratique un code des liens de subordination dans le cadre d’une institution publique ou privée d’organisation hiérarchique institutionnelle, marchande ou associative. Nous pourrions très bien ne pas disposer de ce type de réglementation. La relation de tout être vivant à tout autre être vivant est de type don et contre don, quelques soient la nature des dons et leurs temporalités. La réglementation du « travail » pourrait s’inscrire dans un code « commercial » au sens large. Le principe de subordination dissimulé dans le code du « travail » est un dérivé du principe de colonisation, d’appropriation ou d’esclavage.

Le « code commercial » élargi aurait pour avantage de codifier la protection bilatérale des personnes liées par un échange de don, dans le cadre d’une institution comme dans un cadre informel. L’un des grands changements introduit au XXI siècle est la coexistence de deux types de biens et services, ceux de l’économie de la rareté (comme les métaux rares et l’énergie) et ceux de la profusion et de la complexité d’abondance (comme ceux de la connaissance). Hors toute notre économie monétarisée est organisée sur l’économie de la rareté. C’est sur cette économie de la rareté qu’est fondé le principe de mutualisation et de solidarité communautaire que l’on appelle soit l’impôt, soit les prélèvements URSAFF, soit les taxes à la valeur ajoutée. Cela pose question, en particulier dans la « politique » (lire stratégie des stratégies) et l’économie de la redistribution.

Nous faisons superposer deux notions de nature différentes que sont la valeur « travail » ou « activité » en terme de compétence et la valeur « travail » ou « activité » en terme de contre partie, de don ou de rémunération. Il me semblerait judicieux de distinguer clairement cela.


Dans le champ de la compétence - on peut distinguer trois classes d’activités :

Les activités professionnelles, les activités qualifiantes ou d’apprentissage et enfin les activités d’amateur. A la différence des deux autres activités les activités amateurs ne sont pas reconnues comme professionnelles ou professionnalisantes par les institutions mandatées à cet effet. Les activités « amateurs » ne sont pas pour autant moins pertinentes que les autres, on peut même parfois constater le contraire. Ces activités « amateurs » peuvent être exercées avec une grande conscience « professionnelle » mais non reconnue.

Dans le champ de la contre partie :

on peut distinguer les rémunérations monétarisées (monnaie officielle, monnaie locale), les rémunérations en nature, les rémunérations en heures d’activités et les rémunérations non formalisées, de gré à gré comme les actions dite gratuites mais qui souvent sont des rémunérations à gains différés et de nature différentes. Les différents modes de contrepartie doivent être rendu compatibles avec les différents types d’activité (professionnelles, apprentissages et amateurs). Par exemple, une activité « bénévole » c'est-à-dire non rémunérée ou à gain différé ne caractérise en rien la compétence de la personne qui peut être professionnelle, en apprentissage ou amateur.

Se pose la question de la contribution communautaire à la mutualisation et à la solidarité. Toutes les activités sont liées à la contribution de mutualisation locale, régionale ou nationale. Ces contributions recouvrent les différentes sortes de rémunération monétaires, en nature ou en heures, dans une valorisation positive ou négative (nulle, dette ou crédit de contribution) suivant la nature de ces activités. A la différence d’un impôt ou d’une taxe qui sont imposés, la contribution est de nature responsable et solidaire sur le plan symbolique (pouvant être codifiée (lire imposé) mais pouvant aussi aller jusqu'à la notion de « prix libre »). Même si cela ne change rien sur la valeur prélevée, la symbolique est différente, le sens des mots a son importance.

Dans cette perspective, au management hiérarchique de subordination, se substitut le management de soi et de sa relation aux autres, que j’ai caractérisé par ailleurs et comme pouvant être structuré par un « passeport citoyen », un ensemble de questions ouvertes où chacun apporte ses propres engagements individuels et collectifs.


Lire aussi cet article écrit par Céline Dormoy Emploie ou travail des normes à dépasser

[1]

Eric Hazan LQR La propagande du quotidien 2006