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Cycle Space Opera #7 - Une intrigue bien ficelée

Publié par Marion Sabourdy, le 4 avril 2018   2.3k

En 2017 et 2018, le Labo des Histoires Auvergne-Rhône-Alpes propose une saison intitulée "Raconte-moi le futur". Dans ce cadre et parmi d'autres ateliers et événements, le Labo s'est associé à La Casemate pour proposer un cycle "Space Opera", animé par l'auteure de science-fiction Li-Cam. Je vous propose de suivre ce cycle à travers une série d'articles publiés au fil de l'eau (compilés dans ce dossier). Aujourd'hui, on construit notre intrigue.

Suite à la précédente séance (lire cet article), nous avons débuté ce nouveau rendez-vous avec la lecture des fiches personnages de certains participants. Ces fiches ont ensuite rejoint les mind map des univers de chacun, sur les panneaux dédiés (lire cet article). Nous avons ainsi découvert une petite "Nebula de surface", qui vit parmi les "Nebulae". Cette espèce vit environ 400 ans et se reproduit par division cellulaire. Mais aussi une pilote humaine, qui vit sur une planète semblable à la Terre et cherche à savoir ce qui est arrivé à ses parents...

Une belle introduction avant d'aborder le thème du jour : l'intrigue ! Selon Li-Cam, "l'intrigue d'un récit est l'enchaînement des événements qui forment le nœud de l'action. Entre la situation de départ ou initiale et le dénouement, on trouve des rebondissements. Une intrigue ne doit pas être trop linéaire, il convient de ménager quelques surprises au lecteur. Les intrigues secondaires permettent de donner de l’ampleur au récit. Une bonne intrigue (structure narrative) comporte plusieurs éléments tels que des rebondissements, des fausses pistes, des renoncements, des sacrifices, du danger, des contretemps, des antagonismes, des conflits, des changements dans la psychologie des personnages en rapport avec ce qu’ils vivent…". L'auteure ajoute une petite précision sur les "fausses pistes" et les "contretemps", des techniques qui permettent de ménager le suspens mais qu'il faut savoir manier avec prudence.

Li-Cam en pleine présentation devant des participants concentrés !

La structure narrative : du petit schéma... au tableur !

Et comme pour la mind map de l'univers et les fiches personnages, rien de tel que de poser sur le papier toutes ses idées, pour arriver à un schéma ou une "structure narrative" qui résume toute l'intrigue ! Li-Cam nous donne les deux exemples de schémas narratifs ci-dessous.

Le résumé d'un chapitre en une page, de manière relativement simple :

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Un schéma beaucoup plus précis, construit sur une trentaine de pages grâce à un tableur, au sujet d’une histoire de faille temporelle (qui s'ouvre lors d'un concert des Beatles). On peut observer 3 axes narratifs (intrigue principale et intrigues "secondaires") qui se croisent, des personnages qui n'agissent que dans le passé, d'autres que dans le présent ou l'avenir et d'autres enfin qui peuvent se croiser entre ces époques !

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Une création collective

Vous vous souvenez du personnage de "Matt Black" imaginé lors de la précédente séance ? Pour nous entraîner à créer des schémas narratifs, Li-Cam nous a proposé de construire collectivement le chapitre d'une histoire dont Matt (M) est le héros !

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A partir de ce schéma incomplet, les participants ont brainstormé sur les possibles résolutions du conflit : "qui réagit ? Matt ! Mais que peut-il faire ? Pourquoi pas mettre la pression sur la capitaine, embarquer dans une capsule de survie… La capitaine peut souffrir d’une perte de sa légitimité… En fait, le signal était peut-être envoyé par S, qui voulait attirer les membres du vaisseaux vers ses congénères. Matt arrivera alors sur une station, où il va découvrir des humains qui agissent vraiment trop bizarrement..."

Ce petit jeu a permis de montrer qu'il est relativement facile de "rebondir" sur des éléments d'intrigue et de faire avancer l'histoire. Ensuite, placer tout ceci sur un schéma permet de découper et questionner la cohérence de cette intrigue. Li-Cam précise également qu'il faut toujours garder en tête la psychologie de ses personnages et s’en servir !

Que renferme le premier chapitre ?

A l'approche de la fin de la séance, Li-Cam rappelle l'effet de zoom qu'elle nous a fait expérimenter : création de l’univers résumé dans une  mind map, fiches des personnages, découpage par grandes parties puis par chapitres et enfin par scène.

Selon elle, le premier chapitre doit comporter une situation initiale ainsi que l'installation de l’intrigue et pourquoi pas une mini-intrigue qui se lance ou se résout dans le chapitre. "En tout cas, on doit avoir des ressorts d’intrigue forts et des personnages bien décrits. Il faut être rapide, pas didactique. Il faut présenter les personnages dans l’action et dans l’histoire". Par exemple, pour découvrir Matt, on pourrait le voir en communication avec sa sœur par écrans interposés. Il pourrait parler de son départ, se plaindre de sa capitaine... Ainsi, on présente l’intrigue et trois personnages en quelques pages !

Pour enrichir la scène, Li-Cam propose d'alterner entre ce qui se dit et la description de ce qu’il y a autour, mais aussi d'incarner ses personnages ! Elle évoque également différents narrateurs possibles :

  • le narrateur omniscient, "invisible", qui a accès à tout, même à ce qui se passe dans la tête des personnages
  • le narrateur qui n’est pas un personnage mais qui suit un personnage en particulier. Par exemple, un narrateur qui raconte une histoire qui lui a été contée
  • le narrateur impliqué, c’est lui le héros, il parle à la première personne - mais attention, avec cette technique, l'auteur reste très limité. Pour que l'histoire reste crédible, il faut avoir un personnage très développé et ne pas passer du coq à l’âne

Il est possible de découper l'intrigue avec plusieurs narrateurs : un omniscient, un impliqué, le contenu d’un journal de bord... Ou encore de créer une narration non linéaire, avec des personnages qui rapportent des événements non concomitants (mais il faut que le lecteur puisse comprendre où on se situe à tout moment). Li-Cam donne l'exemple de la narration extrêmement complexe de la Horde du Contrevent, d'Alain Damasio.

Globalement, selon l'auteure, la littérature actuelle va dans le sens de plus de liberté : l’auteur est libre de structurer son texte comme il le souhaite, la narration se fait beaucoup au présent (et moins au passé simple, sûrement grâce à l'impact des nouvelles technologies de communication sur notre manière de raconter des histoires...), les fins de chapitres sont souvent laissées en suspend, à l'image des "cliffhangers" des séries télévisées...

Pour la prochaine séance, les participants sont invités à créer une trame narrative simple, pour mettre en place leur situation de départ ou leur premier chapitre. Les trois dernières séances de ce cycle "space opera" seront largement dédiées à l'écriture du premier chapitre de nos romans !

>> Crédits : image principale tirée du film "Sherlock Holmes: A Game Of Shadows" (Warner Bros.), schémas par Li-Cam, photos par Marion Sabourdy