5 questions à... Laurent Vercueil
Publié par Echosciences Grenoble, le 5 septembre 2025 49
À travers cette série, nous mettons en lumière les chercheurs et chercheuses qui participent à la Fête de la science 2025 en Isère. L’objectif : découvrir leur parcours, comprendre leur métier et mieux appréhender les enjeux de leurs recherches.
Suite de la série avec Laurent Vercueil, Docteur en Médecine, Spécialiste en Neurologie, Docteur en Neurosciences et chercheur au Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (LPNC).
Retrouvez toutes les informations sur la Fête de la science 2025 en Isère
1. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la recherche ?
Question pas évidente. Peut-être les albums Panini de dinosaures que j’ai consciencieusement remplis étant petit garçon. Il fallait trouver des figurines, reconnaitre ou découvrir le dinosaure, le coller à la bonne place dans l’album et donc compléter des cases vides qui suscitaient nécessairement la curiosité. Chercher, compléter, comprendre, et à nouveau, chercher, compléter et comprendre… Du coup, j’ai longtemps voulu être paléontologue, puis chercheur en biologie, et c’est en échouant lamentablement à intégrer une grande école que je me suis retrouvé, à mon corps défendant, en médecine… A nouveau : chercher, compléter et comprendre, comme dans mon cher album Panini.
2. Sur quoi portent vos recherches en ce moment ?
Avec Edgar Matringe, nous étudions un phénomène très singulier, décrit par un neurologue australien il y a exactement trente ans, qui se situe à la limite de la conscience [ndlr : le phénomène du « blip dans la tête »]. C’est un phénomène curieux qui peut survenir chez tout le monde, mais plus souvent chez des personnes souffrant d’épilepsie, ce qui donne un moyen de l’investiguer dans le détail, notamment sur le plan neurophysiologique. Cette thématique illustre bien comment le cerveau malade peut aussi aider à comprendre le fonctionnement du cerveau sain (et réciproquement, bien sûr). Il y a aussi des implications cliniques qui m’intéressent en tant que médecin, parce qu’elles peuvent aider les malades.
3. Y a-t-il une idée reçue que vous aimeriez voir disparaître dans votre domaine ?
Je ne vais pas être très original puisque je vais répondre comme Mireille Albrieux, j’aimerai bien voir disparaitre l’idée que nous n’utilisons qu’une petite partie de notre cerveau. Ce n’est pas seulement que c’est une erreur factuelle, mais c’est surtout que cela devient le moyen pour des marchands de rêve de s’engouffrer dans la matière « neuro » pour faire miroiter un développement personnel fantasmatique : « comment parvenir à exploiter tout votre cerveau… ». Et c’est un « neuromaniaque » qui vous dit ça !
4. Comment participez-vous à la Fête de la science cette année ?
J’ai le plaisir d’intervenir dans une session des « Conférences des Pourquoi ? » qui se tiendra le 4 octobre à La Casemate. Je serai ravi d’écouter mes collèges qui ont des présentations très prometteuses ! Pour ma part, je vais tâcher de comprendre pourquoi l’intelligence humaine est si limitée. C’est prendre le contre-pied de l’idée que nous avons le cerveau le plus extraordinaire de l’univers.
5. Menez-vous des actions de médiation scientifique auprès du grand public en dehors de la Fête de la science ? Si oui, sous quelle forme ?
Je suis membre du service public, convaincu de la nécessité de rendre accessible mon activité de neurologue et de chercheur, pour le public. Je me rends donc disponible volontiers lorsqu’on me demande des interventions, dans la mesure où je pense pouvoir contribuer honnêtement, c’est-à-dire touchant à mon domaine de connaissance (c’est le principe d’expertitude… voir mon article récent dans Echosciences 😊). J’ai aussi écrit des livres de vulgarisation touchant au cerveau et à la neurologie.
🧠 Question bonus : Si vous deviez représenter l’intelligence avec un objet ou une image, que choisiriez-vous ?
Sans hésiter, le livre. Dès qu’on ouvre un livre, qu’il soit de fiction ou pas, nous entrons dans le monde intérieur de l’auteur et c’est comme si nous pénétrions dans une cathédrale mentale : nous pouvons éprouver de l’empathie pour les personnages d’un récit, comprendre des points de vue qui nous seraient sinon à jamais étranger, découvrir des idées fascinantes, des vies extraordinaires, vivre des moments inoubliables. Le livre n’est pas seulement le moyen de se connecter au monde d’autrui, c’est aussi un formidable mobilisateur de notre intelligence : comprendre, découvrir, éprouver, réfléchir… Il faut suivre le conseil de Michel Desmurget, "Lisons et faisons lire autour de nous !"