Clémence Perrin-Malterre : du sport à la justice climatique
Publié par GREC Alpes Auvergne, le 28 mai 2025 100
Clémence Perrin-Malterre est directrice adjointe du laboratoire Environnement, Dynamiques et Territoires de Montagne (Edytem) et maitresse de conférences en sociologie à l'Université Savoie Mont-Blanc. Elle étudie les enjeux autour du développement des activités récréatives en montagne et leur lien avec la question climatique. Se destinant initialement à une carrière de professeure d’EPS, elle nous raconte aujourd’hui comment la recherche a croisé son chemin et continue de la passionner.
Quel est votre domaine de recherche ?
Je travaille en sciences sociales sur les activités récréatives en montagne. Mes premiers travaux ont porté sur les enjeux liés au développement du canyoning dans le Vercors et le massif des Bauges. La question climatique est apparue progressivement dans mes sujets de recherche, notamment lors d’échanges avec une collègue écologue qui étudie une population de chamois dont le comportement est affecté à la fois par le changement climatique et par les activités de loisirs. Je m’intéresse notamment à l’évolution des pratiques sportives et à leur adaptation en articulant leur analyse à l’échelle individuelle, collective et territoriale.
Qu’est-ce qui vous a amenée à choisir cette voie et qu’est-ce qui vous passionne aujourd’hui le plus dans ce que vous faîtes ?
Lors de mes études en STAPS, je suis partie un an au Canada pour travailler sur la question du “soccer” féminin. J’ai réalisé là-bas que la démarche de recherche me plaisait beaucoup : poser des questions, construire un protocole, analyser les résultats… J’ai poursuivi dans cette voie et, aujourd’hui encore, beaucoup de ces aspects me passionnent. Celui que je trouve le plus intéressant, c’est de construire des partenariats. J’essaie de ne pas me limiter aux enjeux que j’étudie et d’être dans une approche interdisciplinaire. En sciences humaines et sociales, on travaille avec d’autres disciplines comme la géographie, la sociologie, le droit, et l’écologie. Récemment, avec mon équipe, nous avons également commencé à collaborer avec des psychologues. Tout cela apporte des connaissances mais aussi des compétences complémentaires. On s’acculture en travaillant ensemble.

Intervention "Qui sont les usagers des alpages ? Comment communiquer ?" à Leschaux le 08/11/2024 @Société d’Economie Alpestre de la Savoie
Votre engagement ou votre vision du monde influencent-ils le choix de vos recherches et inversement ?
C’est un ensemble. On ne peut pas être complètement neutre. Les principes qu’on essaie d’avoir dans sa vie personnelle, on les applique aussi dans son travail. Je pense que le choix des sujets de recherche est guidé par une éthique et des convictions personnelles. J’ai choisi de travailler sur les sports de montagne car je les pratique. La question de leur évolution face au contexte climatique m’interpelle personnellement. Elle reflète les évolutions sociales tout en questionnant le rapport au travail, à la nature et la quête de sens articulée avec le loisir, ce qui me parle et me donne envie de continuer à approfondir le sujet. Cela influence ma vie personnelle : j’appréhende différemment mes déplacements et mes loisirs. Cet hiver par exemple, je suis allée faire du ski de fond en bus !
Cherchez-vous davantage à explorer des solutions concrètes pour la société ou être entendue par les acteurs publics ?
Face à l’urgence, les politiques devraient davantage se saisir de nos recherches. L’adoption de comportements atténuant le réchauffement climatique dans les pratiques du sport de montagne implique un engagement individuel mais qui dépend de la mise en place d’infrastructures collectives. Il y a donc une nécessité à mettre en place des politiques publiques qui vont dans ce sens, notamment pour développer les mobilités durables. Je souhaite que mes recherches contribuent à faire changer les choses mais les questions climatiques ne sont pas priorisées par nos élus. Dans ce contexte, les enjeux de justice climatique en lien avec la pratique sportive m'intéressent aussi, et de manière plus générale l’accès à la nature, car on observe que ce sont les catégories sociales les plus favorisées qui ont le plus d’impact sur le climat et qui en subissent le moins les conséquences. Or il n’y aura pas de transition environnementale sans justice sociale. En tant que scientifique, ce n’est pas notre rôle de prendre les décisions, mais on peut donner des pistes d’actions, identifier des freins et expliciter nos résultats, pour éclairer la décision publique.
Quelles sont vos actions de médiation science-société et qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Dernièrement, je suis intervenue dans le cycle de conférence Amphis Pour Tous de l’Université Savoie Mont-Blanc et j’ai pu participer à une émission de France Inter sur la question du coût de la pratique sportive. La médiation est un aspect qui me plait, même si ce n’est pas ma spécialité. Pourtant elle fait partie intégrante de nos missions en tant que scientifiques : on produit de la connaissance et on doit contribuer à la diffuser. La difficulté est de l’articuler avec le reste car cela peut être chronophage. Et comme elle est peu valorisée dans l’évolution d’une carrière, elle peut être mise de côté. C’est dommage.
Vous pouvez suivre les travaux de Clémence Perrin-Malterre sur son profil LinkedIn et retrouver ses publications sur sa page HAL.
Louise Chevallier