Des pelouses de golf plus vert-ueuses : Trick or Track ?

Publié par Virginie Girard, le 8 avril 2021   730

2020. Article écrit par Clara SAUVAGE, Étudiante M2BEE.

Pour limiter les pressions sur la biodiversité, il est nécessaire d’agir pour la biodiversité en réunissant les acteurs dont les gestionnaires du territoire. Un changement du regard de la place des humains dans la nature, permet de mettre en place des relations entre gestionnaires et utilisateurs pour que les animaux puissent se fondre dans un nouvel équilibre paysager. Pour aller dans ce sens, la Fédération Française du golf et le Muséum National d’Histoire Naturel ont créé un programme national d’études de la biodiversité des golfs en France nommé “Golf pour la Biodiversité”. Ce programme permet de caractériser la biodiversité de ces milieux ainsi que les enjeux associés afin d’améliorer la cohabitation entre les humains et les animaux.

L’impact délétère des humains sur la nature

La nature est devenue le résultat d’une intellectualisation sociale et culturelle avec l’urbanisation et les nouveaux modes de vie des humains [1]. Ces changements anthropiques sont à l’origine de la perte des espaces naturels, forestiers et agricoles en France lors de ces dix dernières années. Cet impact sur la nature n’est pas sans mal sur sa relation qu’elle entretient avec les humains. En effet, la fragmentation de la nature a causé la dégradation de la biodiversité avec la destruction d’espèces et l’introduction d’espèces envahissantes exotiques. Cette pression sur la biodiversité a amené à l’évaluation de 26% des espèces en 2018 comme étant menacées en France [2].

De même, il semble important de rappeler que le terme de biodiversité a été introduit comme étant l’ensemble des espèces vivantes, leurs communautés, leurs habitats ainsi que l’ensemble des gènes dont elles sont constituées. Ainsi, l’érosion de cette biodiversité et les conséquences sur celle-ci sont devenues des préoccupations majeures pour les humains, se sentant à l’origine de l’impact sur leur bien-être et ceux des animaux. En effet, la nature offre une multitude de services pour la vie humaine car elle possède des ressources telles que la nourriture, l’air, l’énergie et les matériaux, touchant les domaines comme la santé et l’économie [2]. En effet, dans le domaine de la santé, le manque de nature peut être à l’origine de symptômes comme le stress chronique, la dépression, le trouble du sommeil ou même l’hyperactivité [1].

Par ailleurs, notre avenir est directement lié aux habitats naturels et espèces qui fréquentent ces milieux naturels. Si les humains n’agissent pas en faveur de la nature, des espèces patrimoniales animales ou végétales seront amenées à disparaitre dans un avenir proche. Cette finalité produira un fort déséquilibre au sein des écosystèmes et impactera les conditions de vie des humains. Alors, il est devenu fondamental de se concerter et se mobiliser pour freiner l’érosion et préserver la nature étroitement liée à l’humain en ralliant l’écologie aux activités notamment récréatives.

Les golfs en France, pas toujours vu du bon œil

Le golf est un sport qui génère en France 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel et emploie près de 15 000 personnes [6]. Toutefois, cette activité récréative est classée comme le 4eme sport le plus polluant, après le ski, les sports mécaniques et le tir [6], et possède ainsi une mauvaise image d’un point de vue écologique. En effet, l’entretien de ces golfs engendrent de forts impacts environnementaux : utilisation de grande quantité d’eau pour entretenir les pelouses, et de pesticide, transformation substantielle des prairies naturelles laissant des prairies privées du vivant. Ces facteurs réduisent la biodiversité, augmentent le risque de pollution de l’eau et de l’érosion des sols mais aussi des problèmes de santé publique. Ainsi, les terrains de golf donnent une image de tension entre les humains et la nature.

Néanmoins, les 700 structures de golf couvrent une surface de 33 000 hectares (presque deux fois la taille de la Réserve Naturelle Nationale des Hauts-Plateaux du Vercors) dont 50% sont des zones de jeux [3] et le restant50% sont des terrains naturels potentiels qui peuvent être utilisés en tant que réservoir de la biodiversité [4]. Si ces réservoirs sont protégés, ce sont des espaces vitaux pour le déplacement, le développement et l’extension des populations de faune et de la flore, reliés entre eux par des corridors fonctionnels et constituant des continuités écologiques. Dans ces conditions, ces réservoirs de la biodiversité et leur interconnexion peuvent contribuer à limiter la fragmentation de la nature qui est l’une des causes majeures de déclin de la biodiversité.

Un pas en avant des golfs pour la prise en compte de la nature

La solidarité entre la Fédération Française de golf et le Muséum National d’Histoire Naturel a permis la création du Programme Golf pour la Biodiversité (PGB) en 2016. Lancé officiellement en 2018, ce programme accompagne les gérants du golf dans la connaissance, la valorisation et la préservation du patrimoine naturel du golf, d’une façon viable économiquement, à l’aide de structures naturalistes locales. Ainsi, les golfs peuvent avoir une attribution de trois labels en récompenses d’une activité en faveur des connaissances et de la nature : le bronze pour l’observation de la biodiversité, l’argent pour le suivis et l’or pour la mise en œuvre de préconisation de gestion pour maintenir la biodiversité et favoriser une meilleure pratique des parcours.

En premier lieu, les structures naturalistes locales vont venir réaliser un inventaire à l’aide de diverses méthodes (piège photo, jumelle, écoute attentive ou filet à insectes volants) pour faire un état des lieux et proposer des actions de gestion. Les inventaires se porteront sur les plantes, les amphibiens, nos amis à antennes (papillons, libellules, criquets, sauterelles, etc.), nos compagnons volant possédant des plumes (oiseaux) ou des poils contrairement à leur nom (chauves-souris). De plus, il n’est pas possible de s’intéresser seulement aux espèces sans prendre en compte leurs maisons, c’est-à-dire leurs habitats. Par conséquent, ces inventaires vont permettre de comprendre pourquoi ces espèces sont présentes dans ces milieux, leurs rôles et les interactions qu’elles entretiennent entre elles et entre les humains [3].

Les préconisations de gestion en faveur de la nature

A la suite des inventaires, plusieurs stratégies sont données aux gestionnaires des golfs pour se réconcilier avec la nature et ses composantes. Quelques stratégies sont listées à la suite et peuvent être applicables même chez vous. Une des stratégies est la construction et la mise en place de nichoirs pour un certain nombre d'espèces [4]. C’est-à-dire, des aménagements comme des ruches et des petits murets en pierres sèches pour les reptiles et insectes qui sont des habitats très intéressants et peuvent être aussi des lieux de chasse pour la martre [3]. Par la suite, pour éviter l’impact sur le cycle de vie des espèces, une fauche tardive en septembre (plutôt que juin) autour des zones de jeu peut être mise en place [4], notamment pour les chenilles des papillons ou les petits des lièvres qui se retrouvent dans ces hautes herbes l’été. Ensuite, la plantation de haie bocagère de différentes strates végétales avec des essences locales peut être réalisé afin de retenir des matières en suspension et retenir une grande partie des molécules de produits phytosanitaires. De plus, ces haies sont des réservoirs de la biodiversité où les espèces peuvent se nourrir, se déplacer, se reproduire et s’abriter. De même, une libre évolution des prairies naturelles [5] est conseillée pour accueillir un plus grand nombre d’espèces et acquérir une meilleure qualité des sols couplée avec l’arrêt ou la réduction de l’utilisation de pesticides, de produits phytosanitaires et d’eau.

Les efforts des golfeurs deux ans après le début du programme

Actuellement, 35 golfs en France se sont déjà engagés dans ce programme sur les 700 et une quinzaine de golfs sont en cours d’avoir un label. Ce chiffre reste faible car ce programme représente un coût (entre 3 000 et 10 000 euros) [6]. En région Auvergne-Rhône-Alpes, plusieurs golfs participent à ce programme dont le Golf Chanalets à Bourg-lès-Valence qui est en cours d’avoir le label bronze, Lyon Salvagny Golf Club à La Tour-de-Salvagny en cours d’avoir le label argent et Golf Club Esery - Grand Genève à Reignier-Esery qui a obtenu le label argent en 2019.

Entre autres, cet engagement a permis aux golfs de reverdir le blason, en étant assimilés à des conservatoires pour la biodiversité et ainsi posséder une meilleure relation avec la nature. En effet, parmi les golfs qui participent à ce programme, les golfeurs ressentent un meilleur lien entre leur activité et la nature. Effectivement, ils se sentent globalement plus proches des animaux (chant des oiseaux, chevreuils parcourant les terrains) et prennent conscience des bienfaits de la nature durant leur pause à la vue d’un paysage harmonieux [5]. L’influence de ces golfs vont permettre d’initier la prochaine étape, c’est-à-dire, convertir et inscrire l’ensemble des golfs français dans ce programme, et peut être, ouvrir les horizons jusqu’à l’échelle internationale!

Pour en savoir plus : http://www.patrinat.fr - Fédération Française de golf


Références