Fête de la science- Un café science avec François Pompanon sur la place de la biodiversité dans les débats de la crise climatique

Publié par Guilhaume Boo, le 16 octobre 2022   1k

       A l'occasion de la fête de la science, nous avons pu rencontrer François Pompanon au cours d'un café -science sur la thématique des ressources et du Réchauffement climatiques. L'occasion d'échanger avec lui, sur la place de la biologie dans le réchauffement climatique et de la médiation entre scientifiques et grands publics.

Les cafés-sciences, entre conférence et débat

        Dans le cadre de la fête de la science 2022, mon équipe et moi-même avons pu assister le Mardi 11 Octobre à un "café-science" au café des arts à Grenoble. C'est dans la salle du café que nous avons assisté à l’événement sur une thématique bien particulière : "Climat, biodiversité, ressources: des conflits possibles?". Organisé par Cafés Sciences et Citoyens de l'Agglomération Grenobloise, la séance s'est construite en deux parties : la première sous la forme d'une conférence, était donné par trois intervenants : François Pompanon, Olivier Vidal et Patrick Criqui, qui ont chacun apporté une approche à travers leurs disciplines respectives, de la biologie de l'évolution à l'économie de l'énergie en passant par la gestion des ressources minérales. La seconde partie donnait la parole au public présent dans la salle, où chacun a pu poser ses questions aux chercheurs sur le sujet de ce café-science. 

            C'est ainsi qu'à la fin de la séance nous avons eu l'honneur d'avoir un petit entretien avec l'un des intervenants de la soirée : François Pompanon. Enseignant- chercheur à l'Université Grenoble Alpes et responsable de la première année du Master "Biodiversité, écologie et évolution", il apportait ce soir là son expertise sur la biodiversité  à l'occasion de la thématique à l'honneur de la fête de la science cette année. Il est également chercheur au laboratoire d'écologie Alpine, le LECA  à Grenoble, et axe ses recherches  sur les processus génétiques impliqués dans les mécanismes de domestication des animaux, et donc sur les mécanismes à l'origine de la biodiversité.

La place de la biodiversité dans les combats contre la crise climatique

La biodiversité, la grande oubliée du réchauffement climatique

       "Connaissez-vous l'IPBES ?" c'est la question que François Pompanon s'amuse de poser, notamment ce soir au cours de la séance en introduction à sa présentation. Le rapport de l'IPBES  est un rapport produit par la Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES) , et n'est nulle autre que l'équivalent du rapport du GIEC mais pour la biodiversité, qui fait un état des lieux des connaissances de l'état, l'utilisation, les bénéfices et les solutions de préservation des écosystèmes. En réponse à cette question, seul deux mains se sont levées dans la salle.

 je pose toujours la question : est-ce que les gens connaissent l’IPBES? Et puis après [la fin de la séance] il y avait un monsieur qui avait l’air intéressé qui est venu me dire “C’est grenoblois l’IPBES ?” je dis “ Euh non, c’est comme le GIEC, c’est mondial !”

François Pompanon

 Cela permet d'établir un constat: la question de la biodiversité est encore très peu présente dans les esprits. Et lorsque les gens s'inquiètent du réchauffement climatique, c'est souvent les mêmes sujets qui reviennent : politique, économie, et nucléaire ont été les questions dominantes de la soirée, mais presque aucune ne concernait la biodiversité. Pourtant, son questionnement est fondamentale : menacé par la crise climatique c'est directement l'ensemble des services écosystémiques, les services réalisés par les écosystèmes qui sont bénéfiques à l'Homme, qui risquent de disparaître. 

Pourquoi un tel oubli ?

       Il y a plusieurs raison pour expliquer ce manque de représentation dans les débats :

ça fait quand même 40 ans que les scientifiques disent qu’il y a un problème de changement climatique et puis ça fait peut-être que 5/10 ans qu’il y a une prise de conscience au niveau sociétale, les questions de la biodiversité, ça fait bien moins longtemps que c’est mis sur le tapis

      La première est le traitement médiatique très tardif qui lui à été réservé: si la question de la biodiversité émerge aujourd'hui de plus en plus dans les médias, elle a été trop longtemps éclipsée par d'autres sujets plus "sensibles"  et plus ancrés dans la culture tel que la politique, l'économie et sans oublier le nucléaire, qui était très présent ce 11 Octobre au soir. Si le sujet, est sous-représenté, c'est notamment à cause du manque de connaissance de la population dans le domaine. François Pompanon nous explique : 

quand ils pensent biodiversité, écologie, ils pensent aux naturalistes, c’est à dire à la personne qui va aller faire un recensement en tant que botaniste, ou en tant qu’entomologiste, et donc ils voient plus l’aspects “collection de timbres”, [...] c’est vrai [...]  il y a un côté aussi comme ça intéressant, mais finalement les aspects réellement fonctionnels qu’il y a derrière, ce sont des choses qui sont plus difficilement appréhender par les gens 

      Cette vision incomplète et très simplifiée est couplée à  la complexité de la biodiversité et des interactions au sein des espèces des écosystèmes et entre eux, qui sont encore mal connu dans le monde scientifique et rend leur compréhension pour le grand public encore plus difficile.

Le rôle de la communication scientifique 

       Pour pallier à ce problème il faut informer, favoriser la communication entre le monde des scientifiques et le grand public sur ces nouvelles questions. 

il y a une culture sur ces questions  à la fois économiques et la fois en terme de ressources aussi, où les gens ont déjà  les fondamentaux, et quand on attaque les problèmes de biodiversité, eh bien les gens n'ont pas les fondamentaux donc je pense que mon job il est là

    Dans son souhait de médiation scientifique pour apporter ces bases et permettre au grand public de développer sa réflexion sur ces questions, François Pompanon nous confie avoir fondé avec de ses collègues un observatoire participatif, l'OBIGA (Observatoire de la Biodiversité Grenoble-Alpes) en ce début d'année qui à l’échelle de la métropole de Grenoble a pour but de mettre en lumière la nécessité de  sauvegarder la biodiversité ne serait-ce que pour la survie de l'Homme et donc de sensibiliser le grands public sur ces questions notamment dans ce contexte de crise climatique.  

Nous avons interrogé François Pompanon sur les difficultés possible pour les scientifiques dans ce rôle, il nous répond :

à partir du moment où on s’engage dans le fait de vouloir communiquer à des gens qui n'ont pas forcément les bases scientifiques, je dirais que c’est à nous d’adapter notre discours donc ça fait parti du boulot c’est même ça que moi je trouve intéressant.

Ainsi un rôle  communicationnel doit être interprété par les chercheurs afin de renseigner au mieux le grand public sur ces questions pour en développer leurs intérêts. D'où l'importance de l'interface chercheur/ grand public et des vulgarisateurs aujourd'hui qui sont notamment mis à l'honneur grâce à la fête de la science. L’événement est effectivement centré sur ces rencontres et permet au grand public de développer un intérêt pour les différents domaines de la science qui ne peut être qu'enrichissant pour développer une réflexion sur notre monde.

                                                                                                                                                                      Boo Guilhaume