Journal n°4 : Grenoble INP - Ense3, UGA à la COP27

Publié par Grenoble INP - Ense3 , UGA, le 28 avril 2023   840

Ce journal est le quatrième d'une série de 6 journaux écrits par 8 étudiants et étudiantes de Grenoble INP - Ense3 lors de leur expérience à la COP27 en novembre dernier. Ces journaux reflètent donc leur expérience mais aussi leur savoir et leurs idées.

L’eau’pulence

Bien sûr maintenant vous le savez, la COP27 se déroule à Charm el-Cheikh en Egypte. Cette ville se trouve dans le sud du désert de Sinaï au bord de la mer Rouge. L’eau y est un enjeu critique car le pays est en stress hydrique quasiment toute l’année1. A Charm, l’eau du robinet n’est pas potable car elle présente un risque bactériologique et chimique2. Toute l’eau que nous buvons provient donc de bouteilles et de fontaines à eau alimentées par des bidons en plastique (ces fontaines sont disponibles à toutes les COPs). L’eau en bouteille qu’on nous sert à l’extérieur de la COP provient d’usines de désalinisation. A la COP, l’eau qu’on nous donne dans de petites bouteilles en carton est bien de chez nous ! Puisqu’elle est issue d’une source dans les Alpes italiennes.
Sauf que les premiers jours, il était quasiment impossible de trouver de l’eau gratuitement, les fontaines étant toujours vides. Bien sûr ce n’est pas un choix délibéré de l’UNFCCC de priver d’eau les participants et participantes mais cette mauvaise organisation nous a au moins permis de prendre du recul.

Nous arrivons avec nos standards d’Européen·nes habitué·es à avoir de l’eau potable au robinet mais ce que nous avons vécu et une réalité pour beaucoup de personnes dans le monde. Avoir la chance d’avoir accès à ces bidons et sans avoir à les transporter est un luxe pour certain·es. Nous voyons à longueur de journée des employés transporter des dizaines de bidons lourds sur des chariots aux roues cassées et en chemise/pantalon, une tenue pas du tout adaptée à l’effort physique.

C’est là que l’on se rend compte à quel point il est facile de juger quand on a tout à portée de main. Certes quand de l’eau potable est disponible au robinet il est très discutable d’avoir recours à des fontaines à eau avec des bidons plastiques mais ici, en Égypte, c’est une nécessité. D’autant plus que la zone n’a clairement pas la ressource en eau pour alimenter toute la COP (ni les touristes qui sont présents ici habituellement). Ce qui est une solution en Europe n’est peut être pas encore envisageable ailleurs et il faut le prendre en compte. On ne peut pas attendre de pays en voie de développement les mêmes standards que chez nous et c’est aux communautés internationales d’encourager ces transitions.

Mais les COPs sont des endroits complexes, emplis de contradictions. Car tout n’est pas excusable dans la gestion de l’eau à la COP27. Il y a un réel problème. Les bidons des fontaines sont chauds car laissés au soleil. Les hôtels sont tous équipés de piscines et de fontaines gigantesques. On retrouve aussi des carrés d’herbe fraîchement plantés et arrosés tous les matins jusqu’à ce que le sol sature. Les bouteilles des fontaines sont des bouteilles Nestlé, entreprise accusée de priver d’eau descommunautés pour s’enrichir3 .De plus, on nous sert des sodas gratuits car Coca-Cola sponsorise la COP alors que le problème est le même qu’avec Nestlé. Et enfin, les bouteilles sont en verre mais nous sommes à la deuxième semaine de la COP et nous n’avons pas trouvé de poubelles dédiées. Et même si nous en trouvions, nous avons des doutes quant à la capacité des filières de recyclage égyptiennes de traiter les déchets liés à la COP.

Mais alors pourquoi avoir organisé la COP dans un endroit qui n’est pas en mesure de fournir en eau les délégations ? (on ne parlera pas ici des problèmes liés aux droits de l’Homme et à la géopolitique mais nous n’oublions pas cet aspect de la question). Et bien parce qu’un tel endroit est difficile à trouver. Et à cela s’ajoute le réseau de transport, la sécurité et les infrastructures, recevoir une COP coûte cher et tous les pays ne peuvent pas se le permettre. On attend 30 000 personnes à cette COP27. Si nous voulons organiser une COP dans un endroit où l’eau potable est facile d’accès, il faut oublier l’Afrique... encore. Sur toutes les COPs seules 5 se sont déroulées sur ce continent contre 13 en Europe alors que ce sont les peuples parmi les plus dramatiquement touchés par le réchauffement climatique. Les représentant·es de l’Afrique en ont assez de devoir se déplacer en Europe pour être entendu·es et supplier qu’on les aide. Ils veulent à travers cette COP, inverser la tendance et rétablir l’équilibre entre les continents.

Emilie GERARD

Indigenous people at COP27 (article in english)

One of the themes of great importance at COP27 is the role of indigenous peoples. This year they came with a heavy representation: a stand of the Pacific native communities, a stand of the indigenous community of all countries and several activists.

Their presence at COP27 showcases the growing consensus that these communities have a central role to play in defense of the climate. Living autonomously, they preserve the few lands we demarcated for them. In addition, they advocate the principles that we hope to implement as public policy: the preservation of native species, the fight against deforestation and the understanding that we are just one more part of nature.

However, the adoption of these principles does not protect them from the effects of climate change, indeed, they are some of the most affected. Rising sea levels are forcing their migration, changing temperatures are affecting the crops upon which they base their survival and the initiatives to mitigate these losses are very much insufficient.

One of the exemples of native peoples are the Quilombos in Brazil which are communities created by slaves at the time of slavery as a form of resistance to achieve freedom. Today in Brazil these communities, still preserved, have the right to demarcated lands as a small form of historical reparation by the state. The reason for giving land to the quilombolas and their contribution in mitigating climate change, is mainly due to their lifestyle that does not harm the environment in the way that an industrial  society does. For example: their diet is based on environmentally friendly foods, such as manioc and little meat, which are mostly produced in the quilombo in a not very intensive way for the soil. The Quilombos also conserve the forests, because they know how important they are in their way of life and for the fruits they can grow. However, due to their environmentally friendly lifestyle. It is of utmost importance to learn from them.

So, starting in 2023 the Brazilian government will create a ministry dedicated to the native peoples because besides them being protagonists in the fight against climate change it is the obligation of each government to make the historical reparation of these peoples during the last 500 years.

Bruno ANDRIOLI

Guerre en Ukraine : une guerre contre le climat

Depuis le 24 février dernier, la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine en lançant une “opération militaire spéciale“. En plus d’être le théâtre de meurtres, de bombardements et de viols, l’Ukraine  est depuis février le théâtre d’un écocide.

Une guerre contre la biodiversité

La guerre en Ukraine est un véritable fléau pour les écosystèmes et la biodiversité. Lors des affrontements, certains éléments naturels tels que le forêts, les bois ou encore les rivières ont été de véritables barricades pour les soldats. Ces affrontements ont donc laissé des traces sur certaines zones naturelles protégées.

L’eau est aussi une ressource très touchée par la guerre. Alors que les écosystèmes aquatiques représentent 4% du territoire ukrainien, les affrontements ont pollué les sites, abîmant ou détruisant certains écosystèmes. Les forêts qui recouvraient 30% du territoire et qui absorbaient presque 10% des émissions de gaz à effet de serre du pays ont été sérieusement endommagées. Environ 30% de ces étendues vertes ont été détruites ou partiellement détruites.

Une explosion des émissions de carbone

En plus d’être un drame pour la biodiversité, la guerre en Ukraine est aussi une gigantesque source de gaz à effet de serre. Une étude récente est parue et a fait le bilan suivant quatre secteurs :
Les déplacements de réfugiés. Il s’agit des civils fuyant la guerre, cela représente environ 8 millions ukrainien·nes allant à l’étranger pour fuir les bombardements mais aussi les déplacements intra-Ukraine. Les émissions sont évaluées à 1,4 Mt CO2eq.
Les affrontements. Concernant la guerre en elle-même, elle concerne l’utilisation de carburant pour les véhicules militaires et les différentes armes et munitions utilisées lors des confrontations. Ces émissions ont été évaluées à 8.8 Mt CO2eq.
Les feux créés par les bombardements. Ces départs de feux ont été comparés à ceux de l’année dernière pour calculer les émissions associées. La surface brûlée a été multipliée par 38 par rapport à 2021, relâchant 23 Mt CO2eq.

Les destructions d’infrastructures. Les émissions ont été calculées en prenant les émissions associées à la reconstruction de ces infrastructures. Pour revenir à l’état pré-guerre, il faudrait reconstruire ou réparer plus de 135 000 bâtiments. Ces travaux seraient alors à l’origine de 48.7 Mt CO2eq.

Un dernier secteur d’émissions a aussi été pris en compte pour la guerre mais n’est pas directement lié au territoire ukrainien : les fuites de gaz criminelles des pipelines Nord Stream 1&2. Ces émissions sont de 14 Mt CO2eq. Tous ces facteurs d’émissions cumulés, on obtient alors un bilan de 97 Mt CO2eq. Ce chiffre peut paraître faible ou marginal. Cependant ces émissions ont été émises en sept mois. C’est par exemple l’équivalent des émissions des Pays-Bas sur la même période de temps. La guerre est donc aussi émettrice qu’un pays. Aussi il est important d’attribuer toutes ces émissions. Celles-ci doivent être attribuées au pays qui commet ces crimes, ici la Russie.

Quid des autres conflits ?

La Russie n’a pas été en guerre qu’avec l’Ukraine lors de ces 15 dernières années. En effet, en 2008, elle envahit partiellement la Géorgie. Depuis cela pose un problème à la Géorgie pour mettre en place une politique écologique dans les régions occupées.

Aussi, il est impossible pour le ministère de la protection de l’environnement et de l’agriculture de la Géorgie de faire les NDC (National Determined Contribution - c’est une contribution que doivent faire tous les pays et qui présente comment le pays en question compte réduire son impact). Le gouvernement n’a en effet pas accès aux données sur les territoires occupés, donc ne peut pas évaluer la situation écologique du territoire. Une situation similaire est aussi en cours
en Moldavie. En effet, des populations pro-russe ont créé des politiques séparatistes dans la région de Transnistrie. 

De ce fait, la légitimité du gouvernement moldave est très faible, surtout pour des politiques écologiques.

Guerre et énergies fossiles

Une des conséquences de la guerre en Ukraine est la crise énergétique dont profitent les entreprises liées aux énergies fossiles. Cela retarde d’une certaine manière la transition énergétique dans les pays européens. Aussi les lobbys de ces énergies essayent à tout prix de
garder leur emprise : il ont eu plus de 100 réunions avec la direction de la Commission européenne depuis le début de la guerre d’après l’observatoire des multinationales et sont présentes à la COP avec plus de 630 lobbyistes comptabilisés par Greenpeace. La venue de Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a par ailleurs été très fortement critiquée. Il ne faut pas oublier que les personnes qui ressortent gagnantes de cette guerre sont les lobbys des énergies fossiles et plus particulièrement les lobbys du pétrole et du charbon.

Esteban COQUEMONT

Environmental racism (article in english)

Milton Santos, one of the greatest Brazilian geographers and intellectuals, used to say that space is an irregular accumulation of times, which makes the spatial configurations display the past and the present of racial relations. 

The process evidenced by the hierarchization of social relations causes direct consequences on life in society. And what does this have to do with environmental issues? It is well known that the consequences of climate change are not equal, much less fair. The communities that suffer its consequences the most are the vulnerable communities, that is, those that are on the margins of society. Environmental racism refers to the process of discrimination that the marginalized populations and ethnic minorities suffer as a consequence of environmental degradation. It is of fundamental importance to understand the impacts of this process that is so present in the current world configuration, addressed by the topic of loss and damage, a crucial topic at the COP27.

When we talk about impacts we are not only talking about material goods, we are talking about life, a right that we cannot materialize. We are talking about dams that were supposed to serve the latifundia but broke and flooded the quilombola’s house, the lack of investment in regions without basic sanitation, the dumping of waste harmful to health. We are talking about immeasurable consequences. At the same time, we know that the damage to the environment is not equally induced. Those places that suffer the consequences the most are generally those that have a healthier relationship with the laHellen Nzinga, Environmental and Climate Change Consultant, says that she learned the concept of sustainability only at the age of 18, and not because she “didn’t care about whales”, but because belonging to a community, her concerns were linked to the primordial needs for survival.

But still, even before she knew the concept, she was already living it. Within her culture, sustainability is a form of care; keeping the planet healthy means taking care of his family. “It’s time to stop covering the sun with a sieve” is a widely used Brazilian expression that was used in the “Environmental racism and the climate emergency in Brazil” panel to call for concrete measures to redress such huge inequality.

In 27 years, COP27 was the first COP in which black people had space to discuss environmental racism. We can’t discuss climate change without discussing racism.

“We are in the same storm, but we are not in the same boat”

Manoela PEREIRA MACHADO