L'Archéoptéryx volait bien, mais pas comme nos oiseaux modernes !

Publié par Esrf Synchrotron, le 17 mars 2018   4k

L' Archéoptéryx volait bien, pratiquant un vol actif, mais différent de celui des oiseaux modernes. C'est ce qu'a démontré une équipe scientifique internationale grâce à des études menées au synchrotron européen de Grenoble, l'ESRF, mettant fin à long débat qui animait la communauté des paléontologues depuis des décennies. 

L'Archéoptéryx, c'est ce petit dinosaure mythique, véritable pièce à conviction dans l'histoire de l'évolution des oiseaux.  « L'archéoptéryx est à la paléontologie ce que Toutankhamon est à l’archéologie », expliquait Phil Manning, professeur à l’université de Manchester, dans le Monde il y a quelques années. D’une longueur d’environ 60 cm, il vivait il y a 150 millions d'années, à la fin du Jurassique, dans une région qui ressemblait  à un archipel tropical. Depuis  qu’Hermann von Meyer, en 1861, en a décrit la première plume et a donné un nom à l’animal (archeopteryx, soit « vieille plume »), cet animal n'a cessé de nourrir les débats scientifiques. 

Le fossile d'Archeopteryx. Crédit : ESRF/Pascal Goetgheluck
Le fossile d'Archeopteryx. Crédit : ESRF/Pascal Goetgheluck

Savoir si l'Archéoptéryx volait, est une des questions qui anime la communauté scientifique depuis des décennies. Comme l'explique Paul Tafforeau, paléontologue à l'ESRF,  "toutes les théories possibles ont été avancées. On est allé d'un animal ne volant pas du tout, à un vol quasi moderne, en passant par le vol plané depuis le sommet d'un arbre - qui est passif - et par la course assistée."

De nouvelles informations obtenues grâce aux techniques de pointe de l’ESRF, le synchrotron européen de Grenoble, ont permis à une équipe internationale impliquant des chercheurs de l’ESRF, de l’Université de Palacký, République Tchéque, du CNRS et de Sorbonne Université, de l’Université D’Uppsala, Suède et du Musée de Solnhofen, Allemagne, de répondre à cette question, dans une étude publiée dans Nature Communications. Comme l'explique Dennis Voeten, premier auteur de cette étude, thésard à l'ESRF et à l'Université de Palacky, République Tchèque, "notre étude apporte une preuve directe que l'Archéoptéryx volait vraiment et qu'il volait de façon active mais sur de courtes distances, pour se déplacer d'île en île ou échapper à ses prédateurs."  Ce vol pourrait être comparé à celui d'un pigeon ou d'un faisan.

Pour cette étude, les scientifiques ont utilisé la technique de microtomographie synchrotron développée à l'ESRF pour scanner les fossiles, sans les détruire.  "Le synchrotron nous a notamment permis de couper virtuellement les os longs des ailes et d'étudier la répartition, l'épaisseur et la forme de la partie externe de ces os, précise Paul Tafforeau. En plus de les imager en 3D, il a fallu reconstruire la forme originale de l'os en séparant toutes les fractures. » Les scientifiques se sont plus particulièrement intéressés à l'étude de la structure des os des ailes de l'Archéoptéryx. "Nous nous sommes concentrés sur la partie médiane des os des ailes parce que nous savions que ces sections contenaient des informations importantes relatives au vol chez les oiseaux », explique Emmanuel de Margerie, chercheur CNRS.

 Dennis Voeten indique la finesse des os des ailes de l’Archéoptéryx sur l’écran du haut, en comparaison des os de pterosaur sur l’écran du bas. CRédit ESRF
Dennis Voeten indique la finesse des os des ailes de l’Archéoptéryx sur l’écran du haut, en comparaison avec les os de ptérosaure sur l’écran du bas. Crédit : ESRF

Dennis Voeten et ses collègues ont passé 3 des 11 fossiles d’Archéoptéryx connus au monde à la lumière synchrotron. Les chercheurs ont mesuré la finesse des parois extérieures des os et calculé ce que l'on appelle la résistance à la torsion. En règle générale, plus la résistance à la torsion d'un os de l'aile d'un oiseau est grande, plus la capacité de vol de l'oiseau est grande. L'équipe a ensuite comparé ces statistiques  à celles de 55 oiseaux modernes, deux espèces de ptérosaures, les reptiles ailés qui vivaient à la même période que les Archéoptéryx. "L'utilisation de méthodes statistiques permet de comparer les os des animaux actuels, pour lesquels on connait les comportements, avec les os d'organismes fossiles. Cette demarche permet d'apporter de nouvelles informations à des questions paléontologiques longuement débattues" précise Sophie Sanchez de l'Université d'Uppsala, Suède.

Grâce à ces données, les scientifiques ont prouvé que l'Archéoptéryx est un représentant de la première forme connue de vol actif chez les dinosaures. "Cependant, parce que l’Archéoptéryx n'avait pas les adaptations pectorales pour voler comme les oiseaux modernes, en particulier le sternum permettant l’attache des muscles du vol, également appelé bréchet. Pour cette raison, la façon dont l’Archéoptéryx a pu réaliser le vol actif devait aussi être différente. », explique Dennis Voeten.

De nouvelles études à mener au synchrotron de Grenoble pour mieux comprendre comment cet animal exceptionnel battait des ailes.

Plus d'informations sur www.esrf.eu