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LoSonnante : le corps à l'écoute

Publié par Laboratoire Pacte, le 1 juillet 2019   2k

Losonnante ?

Une station d’écoute par conduction osseuse

Un point d’écoute immobile, un dispositif situé dans l’espace

Une expérience sensible, une autre implication du corps dans l’écoute



L’entrée en maturation du projet LoSonnante

Lauréat du challenge Out of labs de la SATT Linksium, LoSonnante a démarré en janvier 2019 un programme de maturation pour lui permettre d’asseoir sa proposition scientifique, artistique et technique. Porté par les laboratoires AAU-Cresson et Pacte, l’objectif était de mettre au travail les multiples dimensions apportées par le dispositif Losonnante (positions d’écoute, modes d’attention, rapport au corps et à l’environnement, relation entre haptique et acoustique), d’aboutir à la production d’un nouveau prototype d’écoute (travail sur la forme, les matériaux, la scénographie), et d’identifier des situations concrètes d’application.


La levée du Go-No go

Afin de mieux définir les cas d’usage sur lesquels développer Losonnante, Linksium avait toutefois soumis le projet à un « Go-No go ». Durant plusieurs mois, des études ont été menées sur différents segments d’activité : musées, espaces d’attente, mobilier urbain, jeu, lieux touristiques. Des démarchages ont permis d’identifier les secteurs les plus intéressants et d’engager des premières démonstrations et réalisations. Après 4 mois de travail, le « Go-No go » a finalement pu être levé avec succès.

Jardin des Cairns, mai 2019. Crédits : Sébastien de Pertat & Thomas Bonnenfant


Des nouvelles pistes d’expérimentation engagées

Paroles, ambiances et paysages sonores

Initialement très orientées autour des récits liés au territoire (paroles d’habitants, histoire et légendes), les propositions sonores se sont peu à peu élargies à des enregistrements de paysages sonores et des compositions électroacoustiques. En particulier, les sons de Knud Viktor, peintre sonore danois installé dans le Luberon dans les années 1960, ont nettement marqué notre écoute. Losonnante a permis d’une part de re-découvrir ces compositions sous un nouveau jour et d’autre part de mettre en évidence l’importance du rapport entre la perception haptique (le toucher) et l’écoute. Le travail sur les sons de l’eau, que l’on retrouve sur le disque Images édité par l’Institut Danois d’Archéologie Sonore [1], nous plonge dans une écoute où les gouttes d’eau semblent se faire ressentir à travers les bras. L’écoute devient alors toute autre : il ne s’agit plus simplement de transmettre un discours, un point de vue, mais de faire vivre une expérience sonore où le corps entre en connexion et en vibration avec l’objet.

Cette expérience a par ailleurs remis en cause un postulat important : l’idée de devoir systématiquement retravailler l’égalisation sonore pour adapter les contenus au dispositif (déformation du son dû à la position d’écoute). Plutôt que de chercher à retransmettre les sons le plus fidèlement – à la façon des systèmes hi-fi – il apparaît beaucoup plus intéressant de laisser intervenir cette déformation et de se confronter à une écoute nécessairement différente, mettant en jeu les sensations corporelles tout autant que l’audition.


Composer pour Losonnante

En continuant dans cette direction, deux compositions électroacoustiques ont été réalisées spécifiquement pour LoSonnante par James Léonard (GIPSA-Lab), pour une présentation au festival des arts numériques Digital N[Art]atives qui a eu lieu à Grenoble à la fin mai 2019. Une première séance d’écoute a permis de mettre en évidence les différences de perceptions auditive et haptique en fonction des fréquences. Les compositions ont ensuite été travaillées en fonction de l’effet recherché (jeu sur les fréquences medium-basses, perception rythmique, jeu en stéréo etc.).

Jardin des Cairns, mai 2019. Crédits : Sébastien de Pertat & Thomas Bonnenfant


La question des droits de diffusion

En tant que dispositif de diffusion sonore dans un espace public, LoSonnante se retrouve confrontée à la question des droits de diffusion des contenus sonores qu’elle propose. Très enthousiasmés par l’écoute de Knud Viktor, nous avons décidé de prendre contact avec les ayants droit, en passant par l’Institut Danois d’Archéologie Sonore. La présentation de LoSonnante a suscité un grand intérêt et des collaborations pourraient voir le jour pour des installations et expositions dans la ville d’Århus, au Danemark.


Mise en situation

Enfin, plusieurs présentations publiques ont jalonné ces quelques mois : École d’hiver du Cresson (ENSA Grenoble), table-ronde Prendre des voix et les restituer (ENSA Lyon), journée Sciences en folie (Grenoble), Festival de l’entrepreneuriat (GEM, Grenoble), festivals Digital N[art]atives (Grenoble) et Invasion de Lucanes (Libourne).

Ces présentations ont offert des contextes et des publics très diversifiés, ouvrant encore un peu plus les perspectives. Un étonnement particulier est à noter sur un temps d’écoute en milieu bruyant, qui a là aussi balayé l’idée selon laquelle il fallait nécessairement être dans un environnement calme pour profiter pleinement du dispositif. Installés dans une petite salle bondée et bruyante, l’écoute sur LoSonnante était d’autant plus surprenante qu’on se mettait à percevoir des sons comme venus d’ailleurs, créant un décalage fort avec l’environnement dans lequel on se trouvait – la position d’écoute aidant par ailleurs à se couper de l’extérieur.

Une autre piste de travail a été mise en évidence lors d’un atelier auprès d’enfants (journée Sciences en folie à la Maison des habitants Prémol, à Grenoble). Ces derniers témoignaient d’une attention stable et prolongée lorsqu’ils se mettaient en position d’écoute, alors même qu’ils se trouvaient dans un environnement relativement turbulent, entourés d’autres enfants en pleine activité. Même si la nouveauté de l’expérience a pu jouer dans l’intérêt porté au dispositif, un travail pourrait être développé pour amener les enfants à prendre conscience de leur attention, de leur rapport au corps et pour amener des moments de détente à travers l’écoute.

Crédits : Sébastien de Pertat & Thomas Bonnenfant


Perspectives

L’échéance « Go-No go » étant levée, plusieurs actions vont être lancées dans les 7 mois à venir. Les différentes actions de communication et de démarchage ont abouti sur plusieurs demandes de réalisation qui pourraient aboutir entre 2019 et 2020 : aménagements d’un sentier touristique dans le Lot-et-Garonne et d’une aire de jeux pour enfants à Paris ; installation pour un musée en Île-de-France ; expérimentations pour des espaces détentes de gares ferroviaires et aéroports ; équipements pour des escape games.

Parallèlement à ces différentes réalisations, le travail de recherche et de développement du dispositif Losonnante se poursuit avec des collaborations qui se nouent progressivement : ébéniste ; ingénieur informatique ; laboratoires de recherche ; compositeurs, etc.

Enfin, des dossiers sont en cours pour développer des partenariats auprès d’universités étrangères, en Égypte (auprès de l’IFE et l’IFAO) et en Argentine (appel à projets Innovart).


Prochain rendez-vous

Du 09 au 11 juillet 2019, l’équipe LoSonnante prendra ses quartiers au siège du CNRSà Paris, dans le quartier Michel-Ange Auteuil du 16ème arrondissement.

Des rencontres sont d’ores et déjà prévues, parmi elles : Musée d’Orsay, Cité des Sciences & Palais de la Découverte (Universciences), RATP et AREP. L’objectif est de faire découvrir le dispositif LoSonnante et de proposer à ces structures des expérimentations et installations pérennes sur leurs sites.


[1] Institute for Danish Sound Archeology : http://www.lydarkaeologi.dk/en/

Crédit visuel principal : Losonnante, Jardin des Cairns, mai 2019